Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J'avais depuis longtemps ce roman dans ma PAL et je ne me décidais pas à le lire.
En effet j'aime beaucoup l'auteur dont j'ai déjà lu plusieurs romans, dont deux sont chroniqués sur ce blog : L'impasse et Le héron de Guernica.
Mais je voulais faire une pause après la lecture du roman sur le même thème :
Tout ce qui est solide se dissout dans l'air de Darragh McKeon
C'est donc un roman qui évoque lui aussi la catastrophe de Tchernobyl.
L'histoire
Gouri, le narrateur a décidé de retourner à Pripiat où il habitait et d'où il a été, comme toute la population, évacué voilà deux ans.
Il s'est installé maintenant à Kiev avec sa famille. Le lecteur le découvre en route sur sa vieille moto à laquelle il a accroché une remorque.
En chemin, il fait une halte chez ses amis Vera et Iakov dans le village de Chevtchenko où une petite communauté résiste en refusant de quitter les lieux.
Iakov est très malade. Il a fait parti des nettoyeurs volontaires après l'accident et n'a jamais voulu quitter les lieux depuis. Il habite donc aux frontières de la zone interdite.
La maison de Iakov et Vera marque la fin du village, côté nord.
Pour la rejoindre, Gouri emprunté la sente goudronnée qui serpente entre les hautes herbes. Il passe devant deux autres maisons qui semblent abandonnées. A côté de la porte de la seconde, à même le mur, on a inscrit : "nous reviendrons bientôt"...
Vera s'occupe de lui avec amour et patience. Elle tente de le rassurer sur son sort : elle sait pourtant que ses jours sont comptés. Maintenant il ne peut presque plus tenir assis...mais Vera a tout de même organisé une fête pour le retour de Gouri.
Autour de la table se retrouvent...
Léonti qui a, lui aussi participé au nettoyage. Il est venu accompagné de sa femme.
Piotr, un gamin qui a été abandonné par sa mère qui ne supportait plus de vivre là après la mort de son mari. Depuis il traîne dans le village et les habitants s'occupent comme ils peuvent de lui.
Kouzma qui a vu sa maison contaminée, détruite devant ses yeux et enfouie dans une grande fosse, puis recouverte de terre.
Ce dont je me souviens le mieux, c'est des choses qu'on voyait parfois tomber dans le trou au milieu d'une pelletée de gravats. Des choses qu'on n'avait pas eu le temps ou même l'idée d'emporter et qui nous passaient sous le nez. Sauf qu'à chacune d'elles s'accrochaient des petits morceaux de vie...
Tout en remplissant les verres de vodka, tour à tour chacun va exprimer son ressenti, sa solitude, son désarroi ou simplement sa propre vision des événements et de l'avenir. Ils se souviennent des jours qui ont suivi l'accident...
Mais une fois la nuit tombée, Gouri doit se remettre en route pour accomplir sa mission...
Pourquoi veut-il s'introduire dans la zone interdite pour rejoindre son ancien appartement et récupérer la porte de la chambre de sa fille ?
C'est alors que Léonti décide de l'accompagner.
Les voilà tous les deux sur la moto en route pour la zone interdite...
Voilà un roman qui parle avec justesse, poésie et pudeur de la puissance de l'amitié, mais aussi de la douleur du deuil, de ce qui a été perdu et ne sera plus jamais, et de la nuit tombée...
En fait l'auteur parle de Tchernobyl sans jamais le nommer. Il ne donne aucun détail sur la catastrophe mais parle uniquement des sentiments que les personnages ont vécu, et des conséquences sur les humains, sur leurs familles, sur leurs vies et sur leurs projets d'avenir.
L'auteur nous montre simplement des personnages qui partagent une soirée, presque ordinaire entre amis, à la lisière de la zone interdite.
Puis il nous montre le retour du narrateur qui s'introduit comme un voleur dans la zone interdite, devenue un no man's land, pour y dérober, dans sa propre maison un souvenir, dont il ne peut plus se passer pour vivre...
Et le lecteur ne peut à aucun moment se dire que Gouri vient, comme les contrebandiers, voler ce qui lui appartient car à lui, on a déjà tout volé...
Un style percutant, empreint de poésie, où les phrases courtes et toutes en simplicité d'Antoine Choplin nous atteignent en plein coeur...
C'est impossible à décrire : il faut le lire et le faire lire d'urgence aux lycéens.