Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Tu avais fait ce qu'il fallait pour prendre tes distances avec ton passé, pour enterrer tes souvenirs, mais quels trésors s'étaient trouvés enfouis en même temps ? Serais-tu capable de les exhumer, d'en reprendre possession et de faire le tri entre l'or et les squelettes.
Samantha et George sont deux trentenaires à la dérive. Leur couple va mal. Elle veut un enfant mais pas lui, car il vit dans la peur de la paternité. Il est entomologiste, passionné par son travail qui consiste à dessiner minutieusement des insectes mais, il vient d'être licencié par le Museum d'histoire naturelle de New York. Samantha est enseignante et a pris un congé sabbatique pour écrire un livre mais aussi pour que tous deux partent durant un an au Mexique et tentent de sauver leur couple. Ils quittent donc New York et s'installent dans une petite maison à Oaxaca, visitent la ville, découvrent les coutumes, le marché coloré, l'accueil chaleureux des autochtones. Ils espèrent que ce changement de vie, la découverte d'une autre manière de vivre plus authentique, les nouvelles rencontres et les nouvelles expériences qu'ils vont vivre, vont les aider à se remettre en question et à faire évoluer leur couple dans le bon sens.
Mais Samantha a du mal à se défaire de ce qu'elle a vécu de douloureux dans ce pays dans le passé. Elle n'arrive pas à se concentrer sur l'écriture de son roman, et part souvent se balader en ville toute seule. Elle va rencontrer un peintre charmant qui saura la séduire.
Pendant ce temps, George apprend l'espagnol avec Angelina qui travaille à leur service. Il fait la connaissance de Al, un reporter-photographe qui va lui faire découvrir les charmes de la vie culturelle d'Oaxaca. Al arrive à convaincre George de se remettre à dessiner des insectes, juste pour son plaisir, et les deux hommes font alors un pacte, si George accepte de dessiner, Al devra faire des photos-reportages sur ce qui se passe en ville et arrêter de boire...
La ville est en effet en pleine effervescence : une grève des enseignants a éclaté et elle va être sévèrement réprimée par le gouverneur local.
Pour George et Samantha, dans ce contexte politique et social difficile, l'harmonie ne sera pas facile à conserver et leur projet de couple va peu à peu être remis en question...
Continueront-ils sur le chemin qu'ils s'étaient tracé ? Je vous laisse le deviner ou le découvrir selon vos envies.
Regarde tout ça...ça a pris des années à construire, mais il n'en reste plus que des ruines.
Les conquistadors ont soumis ou décimé la population, pour ensuite s'emparer de leur histoire soigneusement conservée et brûler les livres.
Les êtres humains dépensent tellement d'énergie à créer quelque chose, pour le voir détruit en un clin d'oeil.
Voilà un roman graphique que j'ai emprunté par hasard à la médiathèque parce que sur sa couverture se trouvait un papillon qui m'a toujours intrigué, le monarque.
L'histoire nous permet de suivre un couple au cours d'une année de leur vie, dans la ville d'Oaxaca qui est, à elle seule, un personnage à part entière. Elle est chaleureuse, animée, colorée, surprenante, et par moment effrayante. Le lecteur est fasciné par la vie, et le rythme qui traverse les pages et a envie de poursuivre sa lecture pour savoir comment ces jeunes vont arriver à évoluer, à trouver des solutions à leurs problèmes mais aussi comment la situation dans la ville va pouvoir s'arranger.
A côté de ces planches colorés, l'auteur nous décrit, en noir et blanc, les coutumes locales qui font échos aux désirs mais aussi aux peurs de nos deux protagonistes comme celles autour de la conception et de la naissance, par exemple. Il nous décrit les dangers qui les guettent comme ce scorpion qui est sans cesse à l'affût, prêt à attaquer ou alors, les courants mortels qui attendent les baigneurs sur la plage dans une mer en apparence tranquille...
En parallèle de l'histoire de ce couple, l'auteur nous montre entre deux chapitres la migration d'un monarque qui part du Canada, volète de champ en champ, de villes en villes, de région en région pour se rendre dans la région d'Oaxaca à 4 000 km de là, uniquement pour se reproduire. Au cours de ce périple poétique, le papillon va devoir contourner tous les pièges tendus par les hommes qui, sur son parcours, peuvent mettre sa vie en danger : les centrales nucléaires ou, par exemple, les champs traités par les insecticides (Monsanto est présent dans ces pages). Ce faisant l'auteur en profite pour dénoncer les actions des hommes qui détruisent peu à peu l'environnement rendant périlleuse la migration de ces superbes papillons. J'ai aimé les planches et leur ton bleuté symbolisant la ville qui contraste avec l'orangé vif de ce papillon.
Il faut noter que l'auteur s'est inspiré de faits réels pour décrire les manifestations qui ont eu lieu à Oaxaca. Il ne cache rien des tensions internes du pays ni de ses difficultés. Le pays a en effet traversé une crise grave en 2006 et le nouveau gouverneur, Ulises Ortiz est arrivé au pouvoir suite à des élections truquées.
L'auteur fait état en toute simplicité et avec réalisme de ce qu'il a vu lui-même, lors des deux années qu'il a passé en famille à Oaxaca. Les enseignants qui veulent au départ une simple augmentation, se retrouvent dans la rue : banderoles, barricades, cortèges de manifestants, tags sur les murs, et le lecteur se retrouve au coeur des manifestations, 150 personnes seront arrêtés et le journaliste Bradley Will (Al dans la BD) sera tué lors de la répression.
Au début de ma lecture, j''ai été plutôt surprise par le graphisme. Je trouvais les personnages trop figés (surtout leur visage) et les dessins trop classiques. Puis au fil des pages, je me suis habituée au style de l'auteur, et j'ai aimé son souci des détails, les couleurs gaies et contrastées de certaines planches, la lumière qui accentue les couleurs mais aussi les ombres. J'ai même trouvé ces planches particulièrement vivantes, et capables de nous faire entrer dans une ambiance chaleureuse, effrayante ou triste selon les propos. Elles sont bien le reflet des tensions internes du pays, de son histoire, de ses coutumes. Les pages où l'on suit le monarque, si seul dans le ciel américain bleuté, sont particulièrement "parlantes" et pourtant totalement sans paroles...
Il faut noter aussi que les différents sujets sont traités avec de l'humour et j'ai adoré en particulier les scènes avec les chiens sauvages ou les planches dans lesquelles l'auteur décrit les joies de prendre le volant dans la ville. Par exemple en voici une.
Ce roman graphique a reçu le prix Millepages en 2015 et le prix Will Eisner en 2016.
La lecture de ce roman graphique me permet de participer une nouvelle fois au challenge d"Ingannmic "Sous les pavés les pages" puisque le lecteur se trouve totalement immergé dans la ville d'Oaxaca au Mexique pendant les événements de 2006.