Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La frontière du Chili et de l'Argentine avait une histoire ancienne et tourmentée. Les deux pays jouissaient pourtant de bordures naturelles qui, en théorie du moins, devaient alléger la tâche des géographes...
Mais toutes ces frontières ne se valaient pas. Un trait de côte qui se découvre de lui-même à la jonction de la terre et de l'eau, c'est tout autre chose qu'une arête de haute montagne, livrée aux caprices du relief, aux humeurs et aux accidents de la géologie.
Quelque part dans les Andes à 4200 mètres d'altitude, tout près de la frontière entre l'Argentine et le Chili, la ville d'Uspallata héberge une petite communauté d'habitants qui acceptent de vivre au bout du monde mais qui bâtissent leurs maisons dos aux montagnes !
Jonas est pilote d'hélicoptère. Il est chargé du ravitaillement des refuges perdus dans les montagnes et occasionnellement d'aider au sauvetage d'alpinistes ou de randonneurs en difficulté.
Ce matin d'hiver-là, il est chargé d'aller ravitailler le refuge de Maravilla le plus éloigné de tous, alors qu'une tempête s'annonce. Le gardien a besoin de son ravitaillement et l'attend à l'arrivée. Il est bizarrement accompagné d'un étrange personnage, prénommé Jésus (ou encore le prophète), qui est chargé d'aider à tracer la frontière entre l'Argentine et le Chili puis de la surveiller en la longeant à pied.
Le temps de se réchauffer autour d'un thé et la tempête fait rage. Jonas est bloqué au refuge et ne peut décoller. Inquiet pour sa femme Carolina et sa petite fille qui l'attendent dans la vallée, il va être tour à tour en colère ou chagriné, et va tout faire pour repartir très vite...mais tous les éléments sont contre lui : la radio ne marche plus, la glace emprisonne l'hélicoptère qui est inutilisable et Jonas s'enfonce peu à peu dans la routine des jours...comme si une force mystérieuse l'empêchait d'agir efficacement.
Il ne comprend pas (le lecteur aussi...) que personne ne vienne à son secours.
C'est alors que Jésus lui propose de se joindre à lui, le long de la frontière, pour se rendre à pied jusqu'à la passe des anges...
Rêve ou réalité ? Vous le saurez en lisant ce roman...
A chacune de nos rencontres, le gardien s'enquérait du nid-de-poule comme d'un ami perdu de vue. Uspallata comptait des milliers d'habitants. Pourtant c'est d'une simple fondrière que le gardien prenait toujours des nouvelles. On se demandait où s'attacherait sa curiosité, si le creux venait un jour à se remplir.
Pour pister l'eau, dit Jésus, il faut lui témoigner comme à toute vie l'écoute et le respect. L'eau sinue entre les herbes. Elle affouille le rocher jusqu'au coeur du massif. Mais, si profond qu'elle chemine, les oreilles délicates perçoivent son chant. De sa petite voix grêle et insistante, l'eau hèle le promeneur assoiffé.
Il y aurait fort à dire sur la fragilité des lacets, une invention où le génie de l'homme ne s'illustre guère et où se marquent plutôt, selon moi, les bornes de son intelligence. Malgré toute son industrie, notre espèce qui envoie des sondes dans l'espace n'échappe pas aux bas qui filent, aux chasses d'eau qui fuient, aux parapluies chavirés par grand vent. Ni donc aux lacets qui rompent.
Je découvre la plume d'Olivier Bleys dont on a beaucoup parlé à la sortie de son roman "Concerto pour la main morte" que je n'ai encore pas lu.
Ce roman qui me faisait penser à un roman d'aventure en voyant la couverture, s'avère être tout autre.
C'est à la fois un hommage à la nature sauvage et rude des montagnes, une quête existentielle, mais aussi une fable philosophique à la limite du fantastique, car le surnaturel n'est jamais bien éloigné de la réalité et tout cela dans l'environnement prodigieux de beauté... des Andes et des sommets de haute altitude, éloignés de toute civilisation.
C'est un roman difficile à classer qui bouscule son lecteur, se joue du temps qui passe, et de l'espace.
J'ai apprécié l'histoire toute simple mais propice à faire travailler notre imaginaire, ainsi que l'écriture poétique et fluide de l'auteur. L'humour étaye le roman. L'auteur trouve le ton juste pour nous parler des personnages ou nous décrire les lieux. Par exemple, j'ai beaucoup aimé quand il décrit la petite ville et sa route jamais entretenue avec son nid-de-poule légendaire (appelé le "nombril de Dieu") dans lequel maintes voitures de passage ont laissé une roue de leur voiture, ou plus. On comprend tout de suite pourquoi la municipalité "tarde étrangement à le combler". Mais j'ai aimé aussi quand il décrit les montagnes et les sensations en vol ou lorsqu'il décrit tous les objets que l'on peut trouver dans le refuge, des objets laissés là pour la plupart par les randonneurs de passage, quand d'autres n'ont vraiment aucune raison d'y être...
L'auteur se questionne aussi avec beaucoup de recul sur nos défauts humains, comme par exemple notre désir de toujours nommer les choses et pour nous démontrer son raisonnement, il prend exemple sur ces montagnes du bout du monde qui ont toutes un nom.
C'est un roman d'introspection qui se lit sans se presser pour prendre le temps de se poser et de s'interroger. Il soulève de véritables questions existentielles, sur la vie et la mort.
La fin bien entendu vous surprendra même si je reconnais l'avoir deviné bien avant, cela n'a en rien entaché mon plaisir de lecture.
L'on voudrait s'éterniser comme des cristaux, durcir en diamants et scintiller comme eux dans la profondeur du sous-sol. Nous, les vivants. Des mineurs nous exhumeraient après des millénaires...Nous serions la parure de jolies femmes, l'ornement des poignets et des cous élégants.
Qui ne rêverait pareil destin ? ...
Mais nous, les vivants, nous ne brillons qu'un instant, non pas diamants mais perles de rosée, avant la nuit qui tout avale.