Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Il n'aime pas ce jour qui traine, ce pluvieux de presque automne. Il aime que tout soit net, que le matin soit matin, le midi midi et le soir soir. Il n'aime pas ces nuits qui n'osent, ces jours qui agonisent et qui filtrent aux volets alors qu'il est au lit.
Dans un petit village de Mayenne, sept amis se sont faits une promesse, celle de se rendre tous les jours, à tour de rôle, à "Ker Ael", la maison d'Etienne et de Fauvette pour continuer à faire entrer le soleil et la vie à l'intérieur et perpétuer le souvenir de ce couple chaleureux qui a toujours su aider son prochain et distribuer amour et bienveillance autour de lui.
Chacun a une tâche bien précise et un jour précis. Il y a Paradis tous les lundis, qui ouvre les portes et remonte la petite horloge ; Léo, le mardi, qui sonne à la porte pour prévenir de sa visite ; Berthevin surnommé l'andouille, qui vient le mercredi pour éclairer puis éteindre toutes les pièces les unes après les autres ; Madeleine le jeudi, met la table, fait couler l'eau dans l'évier et fleurit le salon ; Ivan, le samedi, tire les rideaux, ouvre les fenêtres et les volets, pour aérer la maison et faire entrer la lumière ; et enfin le professeur Blancheterre qui, le dimanche, s'installe un instant pour lire des poèmes et ramasse en repartant les pelotes de déjection que les chouettes ont laissées dans la remise, pour les décortiquer ensuite avec ses élèves...
Seul le Bosco, qui tient le bar du village y passe de nuit quand tous les autres ont rempli leur mission et vérifie que la lampe tempête qui appartenait à ses parents, s'éclaire bien le soir venu, au cas où un marin se perdrait en mer. Il était le jeune frère d'Etienne.
Tous leurs faits et gestes sont consignés dans un cahier de bord, un journal qui les unit les uns aux autres. Le Bosco leur offre ensuite le "verre de promesse", un verre de vin gratuit en échange de leur visite.
Chacun a son histoire. Léo par exemple, ne circule qu'à côté de son vélo depuis que sa femme adorée a eu un accident...de vélo. Paradis est un ancien sans abri qui a été si heureux d'avoir enfin un petit chez-lui, qu'il a accroché sa clef à sa ceinture et depuis, tout le monde lui offre des clefs qui ne servent plus et il se promène avec un énorme trousseau, comme Saint-Pierre, d'où son surnom. Vous découvrirez la vie des autres en lisant le roman...
Mais peu à peu, les mois passent et les amis les uns après les autres s'avouent qu'ils ne veulent plus continuer, malgré la promesse faite dix mois auparavant, et la peur que le Bosco n'apprécie pas leur décision.
C'est Berthevin qui le premier commence à mentir, en fait il ne rentre pas ce jour-là dans la maison, comme promis, et le Bosco s'en doute car... il lui a donné une clef qui ne fonctionne pas, ce que Berthevin ne pouvait pas savoir.
Bien que le temps des aveux soit arrivé, rien ne se passera comme prévu. Chacun a son mot à dire et, forcément, ce n'est pas du tout ce à quoi le lecteur s'attendait...
Elle a ouvert le livre au milieu, au hasard. Elle aime surprendre les phrases sans qu'elles s'y attendent. Les phrases qui paressent, qui pensent qu'elles ont le temps. Qu'il y a tant et tant de pages avant elles, qu'elles peuvent sommeiller à l'ombre des mots clos.
L'Ankou convoitait le tilleul pour en faire un violon. Il voulait fendre l'arbre à l'arc de sa faux, lui arracher le coeur, sculpter une âme, polir une table d'harmonie, élever un manche, dégager une volute, vernir quatre chevilles, les éclisses, briser quatre rayons de lune qu'il monterait en cordes, tresser le crin de ses rosses pour en faire un archet. Etienne racontait que sa mélodie serait belle, légère et envoûtante. Il disait que ses notes ressembleraient à un miel de printemps. Sa musique courrait les rues des villages, les forêts, les landes, les bords de mer, elle entrerait dans les chambres des enfants endormis. Et ceux-ci souriraient au fond de leur sommeil...
Moi, je ne crois pas à cette histoire de lampe. Une lampe, c'est fait pour éclairer, un point c'est tout. Je ne crois pas non plus à vos histoires d'âme. Si on avait une âme, on marcherait droit. C'est pas ça le problème, Bosco. Je vais te dire où il est, le problème. Le problème c'est que croire ou pas, on s'en foutait. On s'en foutait parce que toi tu y croyais et c'était le principal. C'est pour toi qu'on a fait ça, Bosco. Et on ne s'est jamais posé de questions.
Quel étrange roman ! Je ne m'attendais pas à ça en l'empruntant à la médiathèque afin d'avancer mes lectures des romans de cet auteur_ que j'ai choisi comme auteur-chouchou cette année, pour le défi de Géraldine.
Je ne me souvenais pas d'en avoir entendu parler dans les médias pourtant il a obtenu le Prix Médicis en 2006 !
C'est un roman qui se lit d'une traite, tant il est facile à lire, poétique, empreint de légendes et de mystères. C'est surtout une belle ode à l'amitié avec un grand A. Malgré le sujet (le deuil) ce n'est pas un livre triste et de nombreux passages ont su m'émouvoir.
L'auteur a en effet trouvé les mots justes pour nous parler de la mort, de la tristesse, de l'absence et du deuil, et il le fait avec beaucoup de tendresse et de délicatesse pour ses différents personnages.
Il entre avec simplicité et tout en finesse dans leur vie quotidienne, nous raconte leur enfance, leurs mésaventures, et les rend de plus en plus sympathiques au fil de la lecture. L'auteur a un don de conteur indéniable et sait rendre ses personnages particulièrement humains.
J'ai eu du plaisir à retrouver la plume de Sorj Chalandon. Cependant, je suis restée un peu en dehors de l'histoire.
Ce n'est donc pas un coup de cœur mais un livre dont je me souviendrais cependant pendant longtemps, je pense car je l'ai lu durant l'hiver et je me souviens parfaitement encore aujourd'hui de l'ambiance et des personnages.
Retrouver l'avis de Géraldine ICI, et sur BABELIO ICI .
Lucien Pradon n’a jamais été bosco. Il ne l’a jamais prétendu. Il a seulement voulu prendre pied sur un pont marin. Il a voulu sentir les vagues, les déferlantes. Il a voulu plonger les bras dans le poisson de son père, tenir un couteau de gabier, pisser la mer accroché à un bout, l’insulter, la traiter de crevure, pleurer le sel, s’ouvrir les mains en blessures et en cals, passer par-dessus bord, mourir à l’eau, se perdre de creux en creux jusqu’à se laisser faire. Il a voulu, et puis il est redescendu.
Il ferme les yeux. Il respire l'humide. Il sent dans ses cheveux comme trois doigts de vent frais. Il regarde vers l'Ouest. Il regarde les toits, les arbres, le ciel qui traîne. Il n'a jamais pensé qu'on pouvait aussi regarder le silence, qu'on pouvait voir le calme et la paix comme on regarde un lac.
Fauvette n’est pas triste, juste lasse. Elle est comme la lumière qui renonce. Elle ne pensait pas qu’elle pourrait encore pleurer. Elle se croyait à tout jamais sans larmes. Elle pleure tout au fond d’elle. Elle pleure pour répondre à la pluie qui chuchote. Elle pleure son sourire de Fauvette, sa fossette de crépuscule. Elle pleure son vieil homme qui sommeille. Elle pleure leurs pas lents dans le bourg. Elle pleure le grand soleil d’été. Elle pleure l’odeur brûlante des moissons. Elle pleure le crissant de la neige, elle pleure les bourgeons tendres et verts. Elle pleure en larmes sèches. Elle pleure un regret d’elle.