Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Dans la presse finlandaise, la plupart des portraits consacrés à Alix insistent là-dessus. Elle y est décrite comme une aventurière au sens premier du mot : quelqu'un qui cherche sans arrêt à repousser les limites, qu'elles soient géographiques, physiques, mentales. Alix ne peut pas se payer le luxe d'être une amoureuse de la nature : elle n'a pas le temps de regarder le paysage quand sa contemplation risque de mettre en danger l'indice de performance.
Alix Rodin est une exploratrice moderne. Elle rêve depuis toujours d'être la première femme à atteindre le Pôle Nord géographique en solitaire. Elle raconte à tous que maintenant qu'elle est seule au monde c'est pour elle la seule façon d'oublier les drames qui ont marqué sa vie : la mort accidentelle de ses parents, la maladie contre laquelle elle a dû lutter...
Petit brin de femme pugnace, elle va d'abord déménager en Finlande puis devenir guide touristique.
Elle va alors tout faire pour réaliser son rêve : obtenir l'appui des sponsors nécessaires, et en particulier de professionnels comme Richard, le patron de la société Pole Unlimited, qui va s'occuper de la logistique ; devenir amie avec Venia, une jeune journaliste qui fera un reportage sur elle ; et suivre la préparation intensive de Sébastien qui, même la sachant mal préparée, fera tout pour la soutenir, et la sauver si besoin.
Pourtant, Sébastien est le premier à ne pas avoir confiance en elle...c'est lui qui l'a préparé pendant de longs mois et il est le seul a véritablement la connaître, croit-il. Et il sait en particulier, qu'Alix ne l'écoute pas, n'écoute aucun de ses conseils, et ne veut en faire qu'à sa tête.
Alix vit dans son rêve, loin de la réalité, elle admire par-dessus tout Laurence de la Ferrière qui a réalisé plusieurs records du monde et est connue du grand public ainsi que d'autres femmes célèbres. Elle voudrait elle-aussi, un jour à son tour, défrayer la chronique...
Elle échoue une première fois mais ne renonce pas malgré le sauvetage et ses doigts de pied amputés. La seconde fois, même apparemment mieux préparée grâce à un entrainement intensif concocté par Sébastien pendant un an, elle semble prête pour l'aventure, mais ce que le lecteur sait dès les premières pages du livre, c'est que ce sera l'expédition de trop qui lui sera fatale.
Que cherchait-elle dans son besoin maladif d'exploits ?
Qu'avait-elle à cacher ?
Mais pourquoi, alors qu'elle était autant déterminée à réussir, voire passionnée, s'amusait-elle à mentir et à manipuler ceux qu'elle a croisés sur sa route ?
On ne ment pas à la nature, elle l'a appris à ses dépens...
Alix n'a aucune notion du danger, aucun respect pour celles et ceux qui l'accompagnent dans son projet, aucune logique dans son exécution. A un jour du départ, elle décide de partir s'entrainer sans méthode et sans aide, quitte à mettre en péril sa vie et celle des autres. Alix n'est pas une professionnelle, c'est une tête brûlée.
Il ne s'agit pas de suivre les pages d'un manuel mais d'écrire une méthode en marchant. Il faut sentir la nature, la faire entrer au plus profond de soi-même pour la comprendre, prévoir ses réactions. Alix en est incapable...
Le malaise de Sébastien tient à ce qu'Alix devrait savoir tout ça...C'est ce décalage qui le hante...comme les pièces d'un puzzle qui ne s'emboîteraient pas.
L'auteur, écrivain et scénariste, s'est inspiré librement d'une histoire vraie, celle de l'exploratrice franco-finlandaise Dominick Arduin qui a disparu lors d'une expédition polaire en 2004, alors qu'elle cherchait à rallier le pôle nord géographique en solitaire. Vous trouverez sur internet, si comme moi vous ne la connaissiez pas, de nombreux articles de presse en accès libre afin d'en apprendre davantage sur son histoire et sa disparition. Je vous conseille de les lire après avoir lu le roman, il sera plus facile ainsi de faire le parallèle entre l'histoire vécue et le livre de Thomas Gayet. Il faut juste savoir que le mystère de sa disparition reste entier, car personne ne sait ce qui lui est réellement arrivé et, d'après un témoignage familial, elle était d'une grande fragilité et même certains de ses exploits affichés auraient été faux. Certains médias de l'époque l’ont même soupçonnés d'avoir disparue intentionnellement pour refaire sa vie ailleurs.
Lorsque Babelio (que je remercie ici ainsi que l'éditeur) m'a proposé lors d'une Masse Critique exceptionnelle de recevoir ce roman, j'ai accepté immédiatement car j'aime les récits d'aventure, d'exploration et en particulier ceux qui se passent dans le Grand Nord.
Dans ce roman, nous voyageons en Finlande ou jusqu'à la base de Khatanga, en Russie à trois mille cinq cents kilomètres au nord-est de Moscou. Cette base n'est habitée que par des militaires russes éloignés de leur famille, et des scientifiques. C'est le village le plus au Nord de l'Europe et le point de départ de l'aventure.
Ce roman avait tout pour me plaire donc, mais j'ai été déçue sur plusieurs points.
Le centre du récit n'est pas du tout, comme je le pensais l'immersion dans la nature, l'exploration du Grand Nord, ou ses dangers, c'est le personnage d'Alix, son ressenti, ses pensées, ses angoisses, ses mensonges, son nombril donc. La face cachée en quelque sorte de ce personnage que je n'ai pas du tout trouvé sympathique. Nous la suivons pas à pas dans son entrainement mais aussi dans ses relations avec ceux qui l'entourent et il est regrettable de dire que même son chien qui lui est tout dévoué, "prend des coups".
C'est donc un personnage que je n'ai pas du tout aimé, car tout ce qu'elle fait et dit sonne faux et cela dès le départ. Elle manipule son entourage, fait du mal autour d'elle. Très vite d'ailleurs, son entourage (et le lecteur) se rend compte qu'elle ment, s'arrangeant avec la réalité pour se faire plaindre et arriver à ses fins, c'est à dire à obtenir ce qu'elle veut. Elle est en fait malade mentalement, dangereuse, asociale, impulsive et imprévisible et n'hésite pas, parce qu'elle n'écoute aucun conseil, à mettre en danger ceux qui doivent veiller sur elle.
D'ailleurs, le roman nous donne raison puisqu'elle sera sauvée in extremis une première fois et, même si elle recommence encore un an après son premier échec, et remet sur pied un nouveau projet, le lecteur se rend très vite compte qu'elle n'est pas plus fiable, qu'elle n'a tiré aucune expérience de ce premier échec, et qu'elle est toujours trop centrée sur elle-même et totalement aveugle et sourde aux conseils que lui donne Sébastien qui se dévoue pourtant corps et âme pour elle.
L'écriture est cependant agréable et fluide, l'auteur sait de quoi il parle, il s'est documenté sur l'Arctique et ses dangers. Il y a des descriptions de paysages, de l'ambiance, et des tempêtes, très réalistes. J'entendais les craquements de la banquise autour de moi en le lisant et je ressentais (presque) le froid.
Le seul bémol par rapport au style de l'auteur est qu'il complique inutilement la narration en brouillant la chronologie des faits avec de nombreux retours en arrière ce qui n'apportent absolument rien à l'histoire et même alourdissent le roman. Cela ne m'a pas dérangé car j'ai l'habitude de retrouver cette façon de procéder dans les romans modernes, mais dans ce genre de roman-récit, nous y aurions gagné en plaisir de lecture d'avoir un roman plus linéaire.
Cependant, malgré ses qualités d'écriture, j'ai trouvé ce roman sans grand intérêt par rapport à l'histoire de départ et je suis restée trop en dehors de cette lecture, ne m'attachant pas à cette héroïne fictive ce qui explique que j'ai un avis vraiment mitigé sur le roman.
Quel dommage !
J'ai lu ici ou là qu'il s'agissait d'un hommage rendu à Dominick Arduin. Un hommage ? Non je ne suis pas d'accord si c'était un hommage je ne crois pas qu'on présenterait une personne de manière aussi négative, car Alix est vraiment un personnage gravement malade mentalement et totalement toxique pour son entourage...le lecteur ne peut éprouver aucune empathie pour elle, enfin, ce n'est que mon ressenti.
Désolée si je ne vous donne pas envie...
Dans tous les cas, elle est piégée. Alix n'a d'autre religion que sa croyance en elle. Toute sa vie, elle a utilisé son pouvoir pour obtenir d'autrui ce qu'elle voulait. Elle espérait désormais puiser dans l'Arctique une puissance supérieure, une puissance totale, indépendante. Mais cette puissance n'existe pas...
Elle comprend aussitôt qu'il lui faut continuer, inlassablement, à donner aux autres ce qu'ils attendent d'elle. Elle doit appeler la base et mentir...
On attend perpétuellement quelque chose ici. Une apparition, un événement, la mort, la vie. On reste à l'affût d'un morceau d'existence, au-delà du bien et du mal. C'est une nuit qui ne s'arrête jamais vraiment ou qui, plus précisément, pourrait choisir de ne jamais s'arrêter. L'homme n'a pas de contrôle sur les choses...