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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Sarabandes X / Corentin Durand

Editions du Seuil, 2025

Editions du Seuil, 2025

Marguerite n'était pas sotte, elle n'était pas même ignorante des hommes. Au contraire, elle en savait quelque chose de simple : ils vous regardent et ce regard est votre fin. Ils déposent en vous le risque et le danger, si bien qu'à terme vous croyez que ce risque, son frisson inquiétant, est le propre du désir. Alors, la survie n'est pas une chose simple tant il s'agit souvent de fuir son coeur...

L'histoire débute à Saïgon en 1953. Paul-Bernard est parti là-bas comme tous les jeunes soldats sur la base du volontariat. Il fait connaissance avec Pierre Motton, un vieux médecin qui parcourt le pays pour suivre une mystérieuse quête, et lui sert de guide spirituel car ses propos sont empreints de philosophie. 

Paul-Bernard rêve de devenir cinéaste et filme donc, ici ou là, des scènes particulièrement éprouvantes pour ceux qui les découvrent...car elles mettent en avant l'horreur de la guerre et sa violence. Il a mis sa caméra au service de l'armée. Ces bandes seront volées et censurées par le Viêt-minh : il y a des scènes qu'on ne peut pas montrer au grand jour même en temps de guerre.

Des années après, déçu par son expérience ratée de cinéaste, il va tenter de produire d'autres films, pourtant engagés, qui feront tous l'objet de la censure ou n'intéresseront  que de loin le public. Personne ne veut voir l'indicible et la guerre d'Indochine n'intéresse pas en Occident, même dans les milieux intellectuels.

Après une longue traversée du désert, il rebondit et décide de se plonger dans une autre sorte de films eux-mêmes provocateurs, les films X, plébiscités et "démocratisés" si je peux dire, dans les années 70. C'est en ce temps-là qu'il rencontre celle qui deviendra sa femme et lui donnera un fils. 

A sa mort, en 2017 à Paris, son fils Pierre qui ne savait rien de tout cela, rencontre Veronica Billa, l'actrice principale des films X qui avait été l'amante de son père et l'a rendu riche et célèbre. Elle vit toujours là dans l'immeuble où étaient tournés les films, et invite Pierre à venir visiter les lieux pour faire connaissance avec ce père dont il ignore tout. Il va découvrir avec stupeur toute une époque autour de personnes inconnues pour la plupart, ou qu'il a connues durant son enfance et dont il était très proche, comme par exemple Angelo Molino, le grand ami de son père devenu chanteur qui se suicidera en 1997. Tous deux s'étaient rencontrés en Indochine. 

En parallèle, Pierre a une vie chaotique. Il est atteint de narcolepsie, une maladie étrange qui le poursuit jusque dans sa vie privée. Son amie Anne est sur le point de le quitter. Il fait connaissance par hasard, alors qu'il se trouve au bord de l'océan avec le jeune Alexandre qui va devenir son ami. Mais le hasard existe-t-il vraiment ? Jade, la grand-mère d'Alexandre a très bien connu Linda, durant leur enfance dans un orphelinat, or Linda était l'amie de Veronica et la maîtresse d'Angelo...

La vie de Pierre ne semble alors plus du tout lui appartenir et, entre passé et présent, le jeune homme se laisse porter par les événements...et surtout par les découvertes qu'il va faire sur le mystérieux passé de son père et ce qui semble être à présent, son étrange destin. 

A l'instant où il allait appuyer sur le déclencheur, il posa sa main sur l'objectif et détourna l'appareil. "On ne peut pas, on ne peut tout simplement pas. Rentrons." C'est tout ce qu'ils veulent, pensait le jeune homme, cette hallucinante mise en scène, ce spectacle. Tout ce qu'ils veulent, c'est qu'on le voie, qu'on l'immortalise, qu'on se le refile ensuite pour s'effrayer, s'exciter, assouvir la soif. Qui était ce "ils" ? Français, Viêt-minh, c'était du pareil au même. La folie n'avait pas de camp...

J'ai vu le film, j'ai vu comment tu regardais les corps, pourquoi ne m'as-tu jamais dit que ton cinéma, c'était ça, ce désir que tu as eu de garder prisonnier ce qui t'échappait, que tu l'avais fait pour toi, pour ne pas laisser partir les souvenirs, fussent-ils tes pires cauchemars ?

Je ne savais pas à quoi m'attendre lorsque Babelio m'a proposé ce roman lors d'une Masse Critique exceptionnelle. Je remercie l'éditeur et Nicolas de Babelio pour leur confiance.

Comme je ne lis jamais les résumés, et que le bandeau sur la couverture m'attirait, car il décrit une ambiance particulière, par curiosité j'ai accepté. En effet peu de romans mettent en scène la Guerre d'Indochine, et je pensais que c'était l'occasion de faire connaissance avec cet auteur dont c'est seulement le second roman. Je savais par contre que l'auteur avait été finaliste du Prix Décembre en 2022 pour son premier roman que je n'ai pas eu l'occasion de lire.

Dans ce nouveau roman, Corentin Durand s'inspire librement de personnes ayant réellement existé, pour décrire entre autre, l'ambiance particulière qui régnait dans les milieux artistiques parisiens dans les années 70.

On y croise un chanteur yéyé, Angelo Molino, ami de la famille, librement inspiré de Nino Ferrer. C'est un des grands amis de Paul-Bernard (Claude Bernard Aubert / appelé aussi Claude Ogret). On y croise des actrices comme  Veronica Billa (de son vrai nom dans le roman, Marguerite Anouet/ mais en réalité Dominique T ?) et son amie Linda Williams devenue l'amante d'Angelo et chanteuse grâce à lui. Ce sont deux jeunes femmes libérées, tout du moins le croient-elles. On croise aussi au fil du roman des noms connus comme celui de Lucien Leibovitz, entre autres références.

Le roman est axé sur la quête d'identité de Pierre, le fils (fictif ?) de Claude Bernard Aubert. Il nous parle donc de sa vie qu'il découvre, de son engagement et de son premier film "Patrouille de choc" (sorti en salle en 1957) qui passa de peu la censure après avoir été retouché, et bien entendu aussi de sa vie personnelle, puis de sa reconversion dans le cinéma pornographique. 

Le fait est que je ne suis pas arrivée à me passionner pour les personnages. Pourtant le roman est bien écrit et la quête d'identité de ce jeune homme de 28 ans, est tout à fait intéressante et souvent émouvante. L'auteur a une belle écriture et j'ai aimé les passages en italique qui font penser à la retranscription d'interviews réels (ou imaginaires).

Il y a beaucoup de personnages qui gravitent autour des personnages principaux, mais cela ne m'a pas dérangé. 

Certains événements sont totalement invraisemblables même s'ils sont expliqués à la fin du roman. Certes nous sommes dans une fiction et l'imagination de l'auteur est foisonnante, mais...Par exemple, lorsque Pierre se rend au Vietnam pour son entreprise et en revient avec un fond d'écran différent sur son téléphone portable...le lecteur ne saura qu'à la toute fin pourquoi, il est donc surpris que le principal intéressé ne se pose aucune question à ce sujet. Je prends cet exemple, mais il y en a d'autres.

Si chaque chapitre indique bien le lieu et l'année où les évènements se déroulent, cela n'empêche en rien la sensation de fouillis qui en résulte pourtant je ne me suis pas perdue dans les époques. On passe des années 50 en Indochine quand débute le roman, à l'année 2017, puis on repart dans les années 90 sur la côte atlantique, pour revenir dans les années 70 ou 80...

Qu'importe, toute cette jeunesse se sent invincible alors que le Sida les rattrape. Mais ce qui a surtout marqué les hommes de ce roman, et toute une génération, c'est la guerre d'Indochine ce qui expliquera tout ce qu'ils vont vivre ensuite : leurs décisions souvent imprévisibles, leur incapacité d'aimer et de s'engager, l'impossibilité pour eux de se reconstruire, les séparations sans explications, les non-dits et les suicides malgré l'apparente légèreté de leur vie. 

J'ai apprécié de lire la première partie qui se passe en grande partie durant la Guerre d'Indochine, nous touche par son réalisme, par les scènes quasi insupportables mais dans lesquelles on découvre l'amitié entre les hommes.  Le lecteur comprend à quel point tous ces événements les ont rapprochés.

Mais j'ai un peu décroché lors de la seconde partie, ce qui m'a déçue. Elle est trop fouillis, passe d'un sujet à l'autre et présente surtout trop de longueurs, d'où mon avis mitigé sur ce roman.

Les dernières pages redeviennent pourtant intéressantes.

Un auteur à encourager cependant et qui mérite notre attention par la qualité de son écriture et de ses recherches, et la manière dont il construit son roman. 

La voix du père soudain :
"Ils ont un message pour vous, c'est tout chaud dans leur gorge, ça sent la poudre, le cuir humide, la pipe froide, le caoutchouc brûlé et le brouillard des rizières (ça sent le sang aussi). Ils étaient partis vers de lointains rivages_ si lointains que la vie d'un homme ne suffit pas pour en revenir. Et puis ce n'étaient que des enfants...

tous les livres sur Babelio.com
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S
Bonsoir Manou, l'idée de départ est intéressante, mais difficile à suivre avec des allers-retours dans le temps d'après ce que tu dis, faut s'accrocher pour le lire....Bises.
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F
Quelques réserves mais tu l'as bien défendu tout de même. Malgré tout, je n'ai pas l'impression que j'y trouverai mon compte.
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G
Tant pis !
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P
Un billet en mi-teinte. Je vais donc passer...
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L
C'est rare que tu sois déçue. Bisous
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J
Une partie du sujet est plutôt originale mais cela semble vraiment trop fouillis pour moi
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D
Je ne pense pas que j'aurais envie de lire ce roman : la thématique de la guerre d'Indochine ne m'inspire pas trop, tout comme l'impression de se perdre entre les époques et le fait que certaines révélations soient un peu trop tirées par les cheveux. Merci pour ta présentation.
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R
Merci pour cette très bonne présentation. Bon mercredi Bises https://envie2.ch/
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B
Je note pour l'ambiance des années 70.
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P
Chère Manou,<br /> Je te remercie pour le temps que tu sais nous donner pour décortiquer chaque livre.<br /> Tu es incroyable.<br /> Bises de bonne journée
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M
Bonjour Manou,<br /> je ne suis pas trop tentée.<br /> Bisous.<br /> Bon après-midi,<br /> Mo
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G
Trop de bémols dans ton billet, et si le sujet de la guerre du vietnam pouvait m'intéresser, le reste, les années 70 et autres à Paris, c'est pas trop ma came. Je passe donc
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M
Intéressant mais comme tu le dis, sans doute compliqué à lire, moi qui ai tendance à oublier certains prénoms...<br /> Bisous Manou
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K
je ne suis pas convaincue, mais admire comment tu décortiques bien en détail. Tu suis le travail de l'auteur
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B
Merci pour ta présentation de ce livre et ton ressenti<br /> Je passe mon chemin... Je ne pense pas qu'il me plairait<br /> Bisous Manou et bon mercredi
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L
Je passe mon tour, il ne m'attire pas du tout<br /> Bisous et bonne journée
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E
Bonjour Manou. Ce roman semble bien fouillis et ne me tente pas trop. Bonne journée et bisous
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I
En effet, à lire ton billet, on a l'impression que l'auteur a voulu mettre dans son roman trop de sujets, et trop de personnages.. dommage..
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S
Tu as raison, il y a peu de romans sur la Guerre d'Indochine et sur ses conséquences à moyen et long terme sur les hommes qui y ont combattu. C'était un bon point de départ mais ça semble en effet fouillis et ma PAL est trop longue pour noter des romans qui ne sont pas totalement convaincants.
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G
Bonjour Manou<br /> Merci pour la présentation de ce livre, j'ai lu ton billet de A à Z mais ce n'est mon genre de lecture......<br /> Bon mercredi Bises !!!
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