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Je ne sais pas comment je me suis retrouvé en train de chanter.
Ou plutôt si, je sais très bien pourquoi. Je l'ai fait pour ma mère. C'était un peu comme si, l'espace de quelques minutes, j'étais encore avec elle dans l'appartement. Et son visage est apparu plusieurs fois dans ma tête.
J'ai découvert ce roman chez DocBird et lu sa présentation avec beaucoup d'intérêt (voir sur son blog ICI). En effet le sujet de l'enfance placée est rarement abordé en littérature jeunesse ou pour adolescents. Et quand je travaillais encore, j'ai eu plusieurs collégiens ou lycéens qui étaient placés en famille d'accueil pour diverses raisons familiales et j'ai connu également personnellement une famille qui accueillait ainsi des enfants.
Bien entendu, quand je l'ai trouvé dans les rayons de la médiathèque, je n'ai pas hésité à l'emprunter.
Dans ce roman, Rudy, 11 ans, vient d'être placé avec Hissa et Lily, ses petites sœurs dans un village, SOS Villages d’Enfants. Sa mère ne peut plus s'occuper d'eux et c'est le juge pour enfants qui a choisi cette solution pour ne pas séparer la fratrie. Depuis, Rudy ne décolère pas car il ne voulait pas être séparé de sa mère qu'il défend bec et ongles et qu'il veut absolument protéger.
Il ne s'intègre pas, malgré la gentillesse et l'empathie de Claire, leur maman SOS que Rudy appelle "la vieille" en secret et le fait qu'ils habitent avec deux jeunes ados, Nadir et Zakaria.
Rien n'est simple. Les enfants ont été enlevés à la famille à cause du beau-père maltraitant, un homme que leur mère n'est pas prête à éloigner de leur foyer. Rudy veut qu'elle le quitte pour que tout redevienne "comme avant" et qu'ils forment à nouveau une famille.
Alors à cause de sa souffrance et de ses émotions qu'il n'arrive pas à gérer et à surmonter, la violence déborde et ses accès de colère sont de plus en plus incontrôlables et effrayants pour ses petites sœurs.
Mais c'est sans compter sur ses petites sœurs qui commencent à s'habituer à leur nouvelle maison et à leur "maman" de substitution, à l'empathie et la compréhension qui l'entoure, mais aussi à un éducateur qui va lui faire découvrir la musique et le chant...et à Gabin, un des ados de sa classe.
Peu à peu, grâce à l'aide des adultes du village et à Pauline, la psy, il va découvrir que d'autres voies sont possibles et que sa mère restera toujours sa mère, malgré ses faiblesses.
Je jette un regard sur l'homme qui se tient derrière moi. Il est immense...
- Viens avec moi Rudy, on va faire un tour, continue-t-il tranquillement.
Comme je ne bouge pas, je sens sa main qui se pose sur mon épaule.
- La colère n'est pas interdite ici, mais le refus d'écouter l'autre, oui.
Il me pousse vers la porte et là, je n'ai pas vraiment le choix.
Le lecteur adulte ressent immédiatement toute la souffrance de ce jeune ado qui ne sait plus qui il est, ni à qui faire confiance, et ne veut pas que sa vie lui soit imposée par un juge et des personnes qu'il ne connait pas. Sa colère est immense et destructrice avant tout pour lui-même et pour ses petites sœurs qui sont très impressionnées par ses accès de violence qui leur rappellent ce qu'elles ont vécues avec leur beau-père.
C'est un roman émouvant qui nous donne à entendre la voix de Rudy et nous plonge dans sa détresse. Il m'a beaucoup touchée. Il décrit aussi en alternance, les différents événements et nous permet de prendre connaissance des enregistrements de Pauline, la psy qui retranscrit leurs entretiens.
Avec un ton très juste et beaucoup de simplicité et de finesse psychologique, l'autrice nous fait entrer dans le ressenti de ce jeune ado perdu qui doit trouver un nouveau sens à sa vie pour se construire.
A mettre entre toutes les mains, non seulement des ados qui vivent un éloignement familial et se sentiront sans nul doute mieux compris, mais aussi des autres qui ainsi comprendront mieux leur situation et leurs ressentis.
Elle a déclaré d'une voix émue :
- Merci mes enfants.
J'allais lui dire que je n'étais pas son fils. Mais Hissa m'en a empêché puisqu'elle s'est tournée vers la vieille en disant :
- Le cadeau de Rudy, c'est une chanson pour toi !
Ils ont tous crié. Comme avant un concert. Je suis allé chercher ma guitare et je leur ai chanté "Wonderwall". Je connais juste trois accords mais ça a suffi.
Claire a applaudi de toutes ses forces à la fin du morceau.