Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Désolé d'être grossier. J'aime pas être grossier. Ce n'est pas parce qu'on utilise des abaisses- langues qu'on doit rabaisser la nôtre. Qu'est-ce que je ressens en ce moment ? Rien du tout, et c'est normal, je crois, parfois on ne sait plus comment se défendre contre la vie, et on ne devrait pas s'en vouloir : on fait ce qu'on peut avec nos digues personnelles, et parfois on est débordé_ on est seulement humain.
Jean a trente-six ans. Il est médecin généraliste dans le sud-ouest, homosexuel et fume trop mais n'arrive pas à s'en passer. Il nous raconte sa vie quotidienne au sein de son cabinet médical. Il s'appuie sur de nombreuses anecdotes qui nous font pénétrer dans la vie de certains de ses patients de tout âge, parmi lesquels beaucoup de femmes. Il nous explique que c'est parce qu'il trouve les femmes admirables par rapport aux hommes, qu'il ne peut pas s'empêcher de parler d'elles.
Il a quitté le CHU quelques années auparavant après un accident qui a marqué sa vie : il est arrivé trop tard pour sauver un enfant, tout simplement parce que sa mère, dans l'affolement, a inversé le numéro de leur domicile...et que les secours ont passé 6 minutes à chercher la maison, six minutes de trop...fatales pour l'enfant. Un drame dont il ne se remet pas, le lecteur le comprend...
Depuis qu'il est installé en province, il s'interroge sur son apparente indifférence devant des situations somme toutes toujours émouvantes, ou devant des familles et des patients qui souffrent.
Pourquoi n'arrive-t-il plus à pleurer face à tant de douleurs ?
Il cherche donc à comprendre où sont passés ses larmes et celles de ses patients. La maladie est un autre moyen de s'exprimer quand les soucis, les déceptions ou la tristesse s'installent.
Il va droit au but et nous livre des récits en toute simplicité, des franges de vie d'une grande authenticité et pose un regard empli d'humanité sur la diversité humaine tout en nous livrant une analyse plutôt fine de la psychologie qui se cache souvent sous la maladie ou vice versa, ce qui ne l'empêche pas de s'interroger au passage sur l'effet de ses traitements dans des cas parfois désespérés.
Peu à peu, en nous racontant la vie de ses patients dont certains sont de belles personnes, il se livre lui- aussi, dévoile ses faiblesses d'être humain, ses blessures et ses failles.
Il s'interroge au passage sur l'utilité de son travail de médecin de famille qui se déplace encore à domicile, mais désormais à vélo. Il est très proche de ses patients, sait se rendre disponible mais il est obligé d'effacer son numéro personnel sur les ordonnances pour conserver un semblant de vie privée car sa salle d'attente déborde de patients tous les jours et toujours plus nombreux, et il ne peut en assumer davantage.
C'est ainsi pour tous les médecins dans les déserts médicaux...et le système de santé d'aujourd'hui ne va que vers une aggravation et toujours plus d'injustice. Il nous livre son opinion à ce sujet au passage.
C'est finalement un être à fleur de peau que l'on découvre derrière le médecin, au langage cru et souvent dérangeant par ses descriptions un peu trop intimes (à mon goût) de ses patients...
Le plaisir, c'est ce qui me distrait de mon chagrin habituel, docteur. Un peu comme la météo et le climat. C'est pas la même chose. Parfois j'éprouve du plaisir, et c'est comme s'il faisait beau temps. ça veut pas dire que le climat est meilleur. Mais quand il fait beau souvent, on finit par se dire : tiens cette année, le climat a été clément. Voilà.
Je ne suis pas sûr qu’il existe des vies plus réussies que d’autres. D’ailleurs, c’est quoi une vie réussie ? On ne mobilise pas autant de gens à son chevet, autant de tristesse et de joie mêlées, autant d’énergie positive, autant de fraternité et de sororité sans avoir réussi à laisser quelque chose de profondément beau, de profondément bon dans le cœur et l’histoire des autres. Et cela n’est pas triste. C’est beau, c’est bon, et c’est ce qui nous garde humains. Mais ça fait un peu mal aussi. On se réfugie dans la beauté pour oublier. Pas le choix.
Je n'avais lu que de bonnes critiques à propos des romans de cet auteur et c'est avec plaisir que j'ai emprunté ce roman à la médiathèque, n'étant pas sur les réseaux sociaux (en particulier instagram) il a été pour moi une totale découverte. La librairie indépendante de ma commune le mettait également en valeur, avant les fêtes car c'est un auteur qui a beaucoup de succès, y compris dans la blogosphère.
En fait, je trouve que ce livre est plutôt un récit même si bien entendu pour les besoins de l'écriture les patients ont changé de nom et que je soupçonne l'auteur d'avoir joué avec la réalité soit en minimisant, pour ne pas trop en dire, soit au contraire en caricaturant ses patients, pour détendre l'atmosphère, mettre un peu de piment dans ses propos, amuser ses lecteurs et prendre lui même du recul par rapport à la réalité.
Nous faisons donc connaissance avec Monsieur Soares, Josette, Madame Moreno, Madame Chahid, et Madame Gonzales, entre autres patients... Ils sont beaux ces patients, ils sont touchants. Ils ont de la chance finalement d'avoir un médecin qui les comprend, les écoute et est si proche d'eux.
Au début de ma lecture, j'ai eu du mal à accrocher avec le style de l'auteur, à entrer dans l'histoire de ces patients dont les vies sont dévoilées sans pudeur. Cela m'a dérangée et je me suis demandée à plusieurs reprises si j'allais poursuivre ma lecture. Certes, c'est normal cette intimité dans la relation patient médecin, mais tout de même j'ai trouvé certains passages difficiles à supporter et son langage bien trop cru à mon goût.
Bien entendu, malgré ce premier ressenti, j'ai compris que derrière ces mots, il y avait beaucoup de tendresse, d'humanité et de respect pour la nature humaine qui exprime ses souffrances comme elle le peut, et le plus souvent en tombant malade, justement ce que les généralistes et en particulier les médecins de famille savent bien. En cela, il expose avec clarté ce qui est normal et pas normal de la part d'un médecin, comme expliquer tout ce que l'on fait, ce que l'on va faire, la maladie, les analyses, les prescriptions mais aussi demander le consentement du patient avant de l'examiner.
Au fil de ma lecture, j'ai finalement aimé de plus en plus découvrir ce médecin qui n'arrive plus à pleurer...son humanité, ses qualités de patience et d'écoute, le regard plein de respect qu'il porte sur les autres (même s'il traite certaines personnes de "connard", ce sont des cas très particuliers...), et l'humour dont il fait preuve dans certaines situations, tout comme la manière réaliste dont il analyse la situation actuelle du milieu médical.
J'ai aimé aussi qu'il se dévoile. Il est normal qu'un médecin ait des convictions (il éprouve une haine réelle pour les hommes qui violentent des femmes), des sentiments, des doutes, ou qu'il éprouve de la culpabilité quand il n'a pas vu ou prévu quelque chose, quand il n'a pas su aider un des ses patients à se livrer, ou n'a pas réussi à le sauver : ce sont des sentiments humains.
Cependant, malgré le fait que la plupart des gens qui ont lu ce livre, le classe en "feel good" (voir sur Babelio ICI) , moi, je l'ai trouvé dans le fond empli de gravité, et malgré son air léger, il ne m'a pas fait rire.
L'auteur est une belle personne et il essaie de nous parler de tout cela avec un peu d'humour et beaucoup de recul. Il aborde dans ce livre, avec beaucoup d'empathie et de réalisme, différents thèmes graves comme la mort, la maladie, la solitude, les drames personnels, les violences conjugales, tout ce qui fait souffrir dans le monde d'aujourd'hui les êtres sensibles.
Au passage, il nous fait réfléchir sur nos propres maux, nos angoisses, et notre vécu familial...
Voilà pourquoi je ne regrette pas ma lecture.
Faut vraiment rêver petit quand on est sur Terre : on minimise les risques d'être déçu.
Plus jamais je ne veux :
- réduire un patient à sa pathologie.
- me réjouir de la mort de quelqu'un.
Ce n'est pas pour cela qu'on devient soignant.
Certes, on ne peut pas sauver tout le monde, mais je suis, à cette heure de ma vie, trop jeune pour me ranger à cette idée...
Désolé, je suis sinistre. J'ai plombé l'ambiance, je le sens bien. Mais on s'accuse tellement, dans la vie. Et on se déteste sans raison, on se vilipende, on se toise, on se juge, pour tout, pour rien, un diagnostic tardif, un bourrelet qui dépasse, un bouton disgracieux, des cernes un peu trop caves, deux trois kilos en trop, c'est toujours notre corps qui accuse le coup le premier : qu'il serait bienvenu de se regarder dans le miroir en se foutant un peu la paix ! Si on oubliait toutes les phrases méchantes qu'on s'adresse à soi- même.