Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
L'Amérique ne savait pas encore ce qu'elle était, elle ne savait pas quoi faire, ni dans quelle direction aller. Elle était encore jeune, elle se cherchait encore...
Il suivait la route et la route le menait vers l'Ouest. Le soir, il marchait en suivant le soleil qui s'enfonçait dans d'étranges horizons. Il voyait des ciels rouges, des ciels jaunes et puis des ciels si bleus dans le long crépuscule qu'ils en devenaient violets et fantastiques, rehaussés par le scintillement d'étoiles froides chaperonnées par la comète qui plongeait vers l'ouest.
En 1846, quelque part entre la frontière du Mexique et les États-Unis qu'on ne nomme pas encore ainsi, Tom Hawkins, Pigsmeat Spence et Flora forment un trio étonnant, en marche vers le Mexique. A l'arrière, dans un chariot délabré tiré par deux mules fatiguées, ils transportent un cadavre conservé dans le sel, celui de Gouverneur, le fils de Boss.
Boss avait acheté Flora pour en faire son esclave sexuelle. Elle a été enfermée dans une chambre minuscule et a été obligée de se prostituer. Tout cela parce que malgré sa grande beauté, elle avait du sang noir dans les veines. Après avoir vécu ce qu'elle pensait être le pire, Boss est parti et l'a laissée entre les mains de son fils, Gouverneur, un fils encore plus terrible que le père. Depuis la mort de son bourreau, Flora s'est déclarée "libre" et c'est à présent la rage qui coule dans ses veines, ce qui lui donne des ailes. Ce qu'elle veut avant tout, c'est se venger et ramener le corps de Gouverneur à son père...pour le voir souffrir à son tour.
Tom et Pigsmeat sont tombés tous les deux sous le charme de la belle Flora et se moquent de son sang noir. Elle éclaire leur vie de sa lumière et de sa force, et ils sont prêts à aller au bout du monde pour l'aider.
Amis depuis l'enfance, après un temps de séparation, ils se sont retrouvés et ont décidé de ne plus jamais se quitter. Ils ont donc déjà tracé leur route. Ils ont fait de nombreux petits boulots pour survivre, ont connu les guerres et ses atrocités, vécus de nombreux drames personnels et tentent de se reconstruire tout en oubliant les cadavres qu'ils ont laissés derrière eux au cours de leur vie, soit par leur faute, ou par la faute de la vie, ou encore parce qu'ils se trouvaient là au mauvais moment. Car ce sont des tueurs (surtout Tom) et leur destin semble tout tracé.
Le lecteur va marcher à leurs côtés, tout en apprenant à mieux les connaître. Mais leur route est semée d'embûches. L'époque n'est guère propice à la sérénité car la violence est partout, elle est en eux et autour d'eux mais bizarrement, le lecteur ne ressent pas les actes violents de la même manière selon les personnes qui les commettent, ou les circonstances durant lesquelles ils sont perpétrés.
Au fur à mesure de leur périple, le lecteur va trouver nos tueurs de plus en plus sympathiques_ c'est dire_ en comparaison des véritables brutes qu'ils vont croiser sur leur route et contre lesquelles nos trois héros vont devoir se défendre.
Le lecteur va découvrir qu'au cœur de cette jeune nation en pleine construction, des tueurs peuvent être de belles personnes capables d'humanité, de loyauté et d'amour...
Il naquit, finalement, le mois et le jour où le mont Tambora entra en éruption aux Indes néerlandaises, modifiant le climat et le destin de la terre entière pendant l'année qui suivit, et celle d'après également.
Cette première nuit, il lui prit tout ce qu'elle avait à donner ; tout ce qu'elle ignorait même qu'elle possédait, jusqu'au moment où il le lui prit. Tout ce qui pour elle signifiait être une enfant lui fut pris sur ces draps frais.
J'en ai fait l'expérience, dit-il doucement, les choses ont une façon bien à elles de ne pas aboutir...On m'a dit un jour que les histoires des gens leur appartenaient en propre. Que c'étaient comme des possessions qu'on ne pouvait pas leur enlever, et que personne ne pouvait s'amener simplement, une fois que c'était passé, et démêler le récit de quelqu'un d'autre de manière à lui donner un sens convenable.
Nous sommes bien avant la guerre de Sécession qui ne débutera qu'en 1861 et c'est une période de l'histoire de l'Amérique dont je ne savais pas grand chose, je l'avoue.
L'histoire racontée par Lance Weller s'étend de 1815 à 1846 environ. A cette époque, l'Amérique n'était pas encore celle qu'elle est aujourd'hui. Le territoire s'agrandit peu à peu vers l'Ouest, repoussant sans cesse ses propres frontières au fur et à mesure de ses conquêtes. Les guerres indiennes font rage et chassent les rares rescapés de leur territoire tandis qu'une autre guerre, celle contre le Mexique, se profile à l'horizon suite à l'annexion du Texas.
Dans ce contexte historique, celui d'une Amérique qui se construit dans le sang, qui ne connait pas encore ses limites ni ses frontières et se dispute les zones alentours (ces fameuses "marches"), l'auteur nous raconte d'autres "marches", celles des hommes.
Il y a d'abord celle de notre fameux trio qui se rend au Mexique et dont le périple constitue la trame du roman, mais aussi celle des pionniers qui traversent le pays vers l'Ouest, avec femme et enfants, celle des indiens qui les suivent, des ermites ou vagabonds perdus dans ce pays devenu trop grand pour eux. Et puis, il y a le terrible Kirker un chef de guerre plus ou moins officieusement investi par les autorités qui, avec sa bande, terrorise et massacre les populations indiennes et comptabilise les victimes grâce à leurs scalps minutieusement conservés dans sa sacoche...pour prouver qu'il a bien rempli son contrat.
Tout cela dans un décor magnifique et des paysages trop grands pour les hommes mais... à couper le souffle.
L'auteur nous perd un peu dans le temps et dans l'espace pour mieux revenir en arrière et nous permettre de connaitre ce trio surprenant et finalement attachant. Il distille les informations au compte goutte pour nous raconter leur enfance et leur vécu douloureux, afin que nous fassions le lien avec les différents événements présents. Nous allons ainsi suivre ces personnages de leur petite enfance jusqu'à aujourd'hui et nous les suivrons ainsi de leur lieu de naissance jusqu'aux confins de l'Amérique.
Je reconnais qu'au milieu du roman, je me suis demandée où j'allais, quel chemin j'avais envie de suivre : la cruauté et la dureté de certains passages (en particulier le massacre des indiens) est difficile à supporter. Il y a des pages dont la lecture est insoutenable et que j'ai eu envie de sauter tant les hommes sont devenus des bêtes sauvages et sanguinaires... Et puis, je me suis aperçue que j'étais prise au piège, je voulais absolument savoir la suite, suivre ce trio et comprendre jusqu'où il était prêt à aller.
L'auteur que je découvre avec cette lecture a une plume superbe, forte, directe qui nous prend aux tripes. Il s'est documenté avec précision pour nous conter cette période de l'Amérique en pleine construction, une construction qui s'est faite dans la douleur. J'ai appris beaucoup en le lisant sur l'histoire de ce pays car si la plupart des personnages sont fictifs les faits sont eux, hélas, bien réels.
J'ai donc pris tout mon temps pour gravir ces "marches de l'Amérique", m'imprégner de l'histoire et des personnages, mais c'est une très belle découverte même si cette lecture est exigeante et difficile par son contexte de violence.
Je vous présente ce roman historique dans le cadre d'une lecture commune que je partage avec Fanja (voir son avis sur cette lecture ICI). Je vous invite donc à aller lire son avis sur son blog, avis que je découvre seulement ce matin en même temps que vous.
Il ne me reste plus qu'à trouver les autres romans de Lance Weller pour les lire un jour mais pas tout de suite, car j'ai envie d'un peu plus de légèreté...
N'est-il pas dit que dans le désert se trouve le sentier qui mène au salut si l'on parvient à le découvrir ? N'est-il pas dit qu'il faut aller dans le désert pour découvrir le chemin qui permet d'en sortir ? Le Christ ne l'a-t-il pas fait lui-même ? C'est de l'autre côté du désert que Dieu attend. En ce moment même, Il attend.
Je suis en train de te dire qu’un homme qui va là-bas, dans l’Ouest, maintenant, il pourrait y prendre un bon départ dans la vie. Ou y prendre un nouveau départ. Un homme pourrait laisser derrière lui tout ce qu’il était. Peut-être se faire un jardin dans tout ce désert. Pars pour l’ouest. Et raconte-toi une nouvelle petite histoire sur toi-même.