Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
A ce moment-là, elle croyait encore que tout ce dont elle parviendrait à se libérer, les non-dits, les années de silence, la violence de ce silence, sa solitude, le sentiment d'abandon profond dans lequel elle s'était trouvée, le désamour aussi, que tout ce qu'elle exprimerait à travers un rôle la soulagerait. Elle espérait débusquer une réponse, une raison. Chaque fois, elle était déçue. Il n'y avait rien à comprendre.
Magdalena est aujourd'hui une actrice connue. Elle a quarante quatre ans et ne s'est jamais remise du départ inattendu de sa mère durant son adolescence. Elle en a beaucoup souffert. Certes Apollonia était déjà "absente" à sa manière car très dépressive, mais les silences et les non-dits ont été trop lourds à porter car personne n'a jamais répondu à ses questions. Son père lui a tout simplement annoncé un jour que sa mère était partie, et puis il a refait sa vie, et elle a vécu chez ses grands-parents, des personnes aimantes certes, mais terriblement tristes. Eux non plus ne lui ont jamais donné aucune explication...
C'est grâce à une enseignante de français qu'elle a trouvé un sens à sa vie et est sortie de son mutisme. En classe, en effet, on lui attribue le rôle d'Antigone. Le théâtre qui deviendra sa passion et son métier va lui permettre d'endosser tous les rôles, de s'exprimer à travers les personnages, d'oublier sa solitude pour "entrer en vie" et combler en partie le vide laissé par l'absence de sa mère. Il va lui permettre enfin de se sentir vivante et d'exister.
Lorsqu'elle reçoit un message de son agente, lui annonçant que trente ans après sa disparition, on vient de retrouver sa mère, elle n'hésite pas un instant et grimpe dans le premier train. Elle veut des réponses, comprendre pourquoi sa mère les a abandonnés. Elle a peu de jours devant elle avant sa prochaine montée sur scène, alors le temps presse.
Sa mère s'est installée dans une petite maison éclusière dans le sud-ouest. Magdalena va tout d'abord l'attendre car elle est absente. Elle plante donc sa tente à côté de la petite maison. Puis Apollonia arrive (d'où on ne le saura jamais...) et leurs retrouvailles ne sont pas ce qu'elle espérait.
Sa mère vit dans un désordre innommable et parait totalement sous l'emprise de ses médicaments. Elle mène une vie de clocharde, isolée au bord du canal. Personne ne s'occupe d'elle. Enfin pas tout à fait car une personne passe lui apporter des médicaments et c'est tout. Apollonia ne se nourrit que de biscuits et passe ses journées à dormir.
Mais Magdalena ne se décourage pas, elle est venue là pour la rencontrer, renouer une relation avec elle, obtenir des réponses et va tout d'abord se retrousser les manches pour nettoyer la maison et préparer à manger. Puis à force de pugnacité et de monologues, elle va obtenir l'attention de sa mère et finir par découvrir son secret : il tient tout entier dans une mystérieuse enveloppe conservée précieusement au milieu du fatras...
J'ai cru que ma vie était celle de l'attente d'une absente. Et si je m'étais trompée tout du long, si cet évitement m'avait simplement déplacée, posée à côté, délicatement posée à côté du lieu de la blessure, à une distance suffisante pour la voir sans la subir ?
Voilà une autrice dont j'avais beaucoup aimé la plume dans "Pietra Viva" ICI et un peu moins dans "Amours" présenté ICI, tous deux sur le blog. Depuis, je n'avais rien lu d'elle.
Je me suis donc laissée tenter par "Revenir à toi" parce que le sujet me plaisait. Il s'agit d'une quête des origines, une quête de soi pour découvrir ce qui peut amener une mère à tout quitter du jour au lendemain sans explication et à abandonner les siens.
Mais cette fois, j'ai été déçue et j'ai donc un avis mitigé sur cette lecture. Il est de bon ton d'aimer l'autrice mais sur ce blog je suis toujours sincère. Bien entendu, d'autres personnes pourront aimer plus que moi, mais c'est ainsi, je n'ai ressenti aucune empathie pour les personnages et la position de victime de l'héroïne m'a même profondément dérangée. Je peux évidemment la comprendre, mais j'ai trouvé qu'elle se complaisait beaucoup trop dans sa situation d'enfant abandonnée et ne prenait aucun recul par rapport à son vécu alors qu'elle a beaucoup de chance dans sa vie d'adulte.
J'étais pourtant contente de retrouver la plume pleine de finesse de l'autrice. Habituellement, elle sait montrer les sentiments profonds de ses personnages, leurs contradictions, leurs doutes et leurs espoirs. Mais là, j'ai trouvé que l'héroïne était trop froide, trop centrée sur sa propre personne. Ses doutes et ses questionnements n'ont pas réussi à me toucher.
Jai trouvé cependant positif, les nombreuses références au personnage d'Antigone qui étayent le roman et les réflexions de la jeune femme, ainsi que l'importance du théâtre dans sa vie et la construction de sa personnalité.
J'ai également apprécié vu le sujet, que Magdalena évolue vers la toute fin du roman, et arrête de se placer en victime. Elle comprend alors que c'est sa mère qui en est une, mais cela n'a pas été suffisant pour la réhabiliter à mes yeux.
Pourtant l'histoire de cette actrice renommée avait de quoi me toucher en tant que lectrice. Sa quête intérieure aurait pu être bouleversante, la rencontre avec sa mère aussi. C'est rare que je reste ainsi en dehors d'une histoire.
En fait, je pense que tout cela est du aux trop nombreuses invraisemblances dans le roman. Déjà Magdalena n'a pas un comportement qui correspond à son personnage. Ensuite il parait totalement incroyable que la mère vive seule dans de telles conditions. Il est tout aussi impensable que le père sachant sa femme dépressive, ne l'ait pas fait pas rechercher : il savait donc où elle se trouvait et dans quelles conditions et quelle solitude elle survivait...ce qui avec le recul m'a beaucoup choquée.
Ma déception est montée d'un cran lorsque Magdalena rencontre ce jeune homme chez Decathlon et entame avec lui une relation improbable, alors qu'elle est entièrement mobilisée psychologiquement par sa mère. Je n'y ai pas cru une seule seconde.
Quant à la révélation finale, même si le sujet principal n'est pas là, j'aurai aimé ne pas la deviner à l'avance. Bien entendu, que les malheurs qui ont touché les enfants dans la guerre se répercutent sur les générations futures, mais là je trouve que l'autrice est passée totalement à côté du sujet qu'elle voulait aborder.
Heureusement le roman est court car l'émotion attendue n'a pas été au rendez-vous et je ne crois pas que je sois seule dans ce cas, vu les avis mitigés de la plupart des lecteurs que je suis allée lire pour une fois sur Babelio, avant d'écrire ma chronique. Dommage...car je vais hésiter maintenant à découvrir les autres titres de cette autrice.
Elle n'a pas de formules d'excuses ou de pardon, seulement sa grande fragilité et ce qu'il reste de son corps qui, sans le savoir, a porté l'histoire d'une famille, d'un peuple, l'histoire du monde dans ses veines.
La lettre lui décrivait quelque chose qui ne pouvait pas exister sans l'interdire à la vie, l'anéantir. La tuer.
Quand cet été, elle entrera sur les planches du palais des Papes, quand elle s'élancera avec sa robe sombre dans le puits de lumière, quand elle y sera, ils seront tous avec elle. Réunis, les connus depuis peu, les rescapés, les assassinés. Et de sa main fragile, elle posera une poignée de terre sur les dépouilles en prononçant leurs noms, un à un.