Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le cancer n'est pas un rhume. Le cancer ne s'attrape pas, c'est lui qui vous attrape. Dans le mot cancer, il y a de l'injustice. De la traîtrise. C'est le corps qui renonce. Qui cesse de vous défendre. C'est une écharde mortelle. Un visiteur du soir que l'on voit se faufiler en tremblant. Il dormait sur votre seuil, comme un vieux chat fourbu. S'est installé sur le canapé. Puis sur votre lit. Puis s'est senti chez lui partout dans la maison. C'est l'importun. Le nuisible. L'ennemi intérieur...
Jeanne est libraire et aime son métier. Tout le monde apprécie sa gentillesse, sa qualité d'écoute et ses conseils. Elle sait être discrète et rester à sa place, souvent en retrait. Avec Matt son mari, elle forme un couple fragilisé par la perte de leur petit garçon cinq ans auparavant. Matt se noie dans son travail ce qui l'oblige à partir souvent.
Un jour, après un examen de routine, Jeanne apprend qu'elle a un cancer du sein. L'angoisse l'envahit. Son mari ne trouve pas les mots pour la rassurer et la soutenir. Il ne supporte pas la maladie et ses conséquences et prononce des mots très durs, choquants, ignobles même, tant ils sont égoïstes. Il fuit et elle se retrouve seule pour affronter les traitements douloureux et ses angoisses les plus inavouables.
Mais au cours des séances de chimio, elle rencontre Brigitte, une belle personne qui la soutient et l'invite à s'installer chez elle. Elle fait également connaissance avec Assia, la compagne de Brigitte, et Mélody la plus jeune des quatre.
Ensemble, elles forment le club des K. Une amitié forte va les unir et se renforcer au fil du temps. Malgré leur différence, elles peuvent compter les unes sur les autres et vont apprendre à se confier...et surtout, à résister ensemble.
Jusqu'où iront- elles pour se prouver qu'elles sont bien vivantes ?
Pour la première fois depuis mon arrivée à la clinique, quelqu'un employait un terme militaire. J'ai observé mes jambes ballantes, mes pieds nus, le sol carrelé. Je me suis dit que j'étais en guerre. Une vraie. Une bataille où il y aurait des morts. Et que l'ennemi n'était pas à ma porte mais déjà entré. J'étais envahie. Ce salaud bivouaquait dans mon sein.
Courageuse. Je n'entendais que ça. Courageuse pourquoi ? Parce que je passais à la librairie en souriant ? Parce que j'allais acheter une baguette pas trop cuite en cherchant ma monnaie ? Parce que je marchais sur le trottoir, au milieu de tous les bien-portants ? Quel courage ? Je n'étais pas courageuse, je résistais. Je faisais avec. Je me levais le matin avec la peur au ventre.
Assise dans le salon, mon sac posé à terre, j'ai encore hésité. Une feuille, une enveloppe. Pour écrire quoi ? Il partait, pourquoi m'en excuser ? J'ai laissé la feuille blanche au milieu de la table, le stylo dessus. Le silence de cette page était pire que tout. Ce n'était pas juste. C'était rude. J'avais besoin de cette violence.
J'ai été surprise en lisant ce roman tant l'auteur est loin de son univers habituel que je commence à connaître un peu à présent puisque c'est mon auteur chouchou de l'année et que j'ai déjà lu de lui pas mal de livres, tous présentés sur le blog. Mais en terminant ce roman, j'ai réalisé que je me trompais. En effet, l'auteur nous a habitué dans ses romans à nous parler de combat et ce roman est bien lui aussi un livre sur le thème du combat, à mener cette fois contre la maladie, le cancer, mais aussi contre la culpabilité engendrée par le fait d'être malade et de ne plus pouvoir mener sa vie comme avant, et ce qui n'est pas moins important, à mener contre les regards déplacés. C'est un véritable combat pour la vie...
C'est un roman qui sent le vécu et j'ai lu dans la presse que l'auteur avait eu à lutter lui-même contre un cancer ainsi que sa femme ce qui explique sans doute qu'il ait voulu aborder ce sujet inhabituel chez lui. De plus, il se met pour la première fois dans la peau d'une femme et je peux dire que ses propos sonnent juste et qu'il le fait avec brio.
Dans la première partie du roman, le lecteur suit Jeanne, la narratrice dans sa découverte de la maladie (de son "camélia" comme elle l'appelle), les soins subis, les angoisses et la confrontation avec son mari, un homme qui ne peut pas vivre davantage de drame et s'éloigne d'elle. C'est une femme lumineuse, une battante, mais forte seulement en apparence. Elle sait comprendre les autres, s'excuse sans cesse, d'ailleurs ses nouvelles amies la surnomment "Jeanne pardon". Elle devra apprendre à oublier les autres pour enfin penser à elle. Elle va donc se battre avec courage, aidée par la nouvelle amitié qui l'unit à Brigitte, à Assia la compagne (qui n'est pas malade) et à Mélody.
Le lecteur est quasiment dérouté dans la seconde partie de les voir monter un projet insensé et totalement loufoque que je ne vais pas vous dévoiler pour vous laisser le plaisir de la découverte, et tout cela pour aider Mélody qui sait être convaincante. Elles vont entrer sans hésiter dans l'illégalité, sans réellement penser aux conséquences.
C'est un livre à la fois touchant et décalé, une ode sincère à l'amitié et à la solidarité entre femmes quoi qu'il leur en coûte, et au respect de la différence. En ce sens, c'est un roman très positif car il nous prouve que le pardon et le partage sont plus forts que la maladie et l'angoisse de l'avenir.
C'est aussi l'histoire d'une femme, Jeanne qui va reprendre sa vie en main.
J'ai retrouvé la plume sensible de l'auteur, sa manière de parler des drames et de la souffrance psychologique et j'ai bien aimé l'histoire qui unit ses quatre femmes sans retrouver pourtant la force des autres romans de l'auteur.
Je participe à nouveau, avec cette lecture, au challenge de Géraldine "Lisez votre chouchou" mais je profite aussi de cette chronique, pour rappeler à toutes mes lectrices l'importance de la prévention en matière de cancer du sein.
Bon mois d'octobre à tous et à toutes !
Un jour je partirai mais les cygnes ne disparaitront pas. Et aussi les canards, les mouettes, les nuages d'été, les feuilles d'automne, le vent d'hiver et les rires sur la berge. Tout cela continuera d'exister après moi. Mon camélia m'a appris que le monde était moins fragile que je ne le craignais. J'ai inspiré longuement, expiré à en avoir mal. La peur avait cessé...