Le cimetière des bateaux sans nom / Arturo Pérez-Reverte

L’ex- officier Manuel Coy est désœuvré depuis qu'il est devenu un "marin sans bateau". La Marine marchande l'a en effet condamné à ne plus naviguer suite à un malheureux accident survenu alors qu'il était de quart. Alors qu'il assiste à une vente aux enchères d'objets nautiques, il croise une jeune femme charismatique et pugnace, Tanger Soto. Il apprendra plus tard qu'elle travaille au Musée de la Marine de Madrid. Elle vient d'acquérir, "L'Atlas maritime des côtes d'Espagne" d'Urrutia Salcedo, contenant une carte nautique précieuse, ce qu'il ignore. Mais ce jour- là, elle n'était pas la seule à désirer acheter ce précieux atlas et elle attise donc les convoitises. Aussi, lorsque Manuel Coy la découvre en difficulté en pleine rue, face à un des intéressés, déçu et en colère, il n'hésite pas à intervenir sans réfléchir. Pour le remercier, elle va lui proposer un travail particulier : l'aider à retrouver l'épave d'un navire attaqué par des pirates, voilà plus de 200 ans. Le voilà tombé définitivement sous son charme et pris au piège  ! 

Mais la belle Tanger Soho ne lui dit pas toute la vérité sur cette affaire et distillera les informations importantes, mettant Coy de plus en plus en danger. Profondément épris de la jeune femme, il  est prêt à tout pour pouvoir un jour, il l'espère tant (!) compter sur son corps ses nombreuses taches de rousseur dont il raffole qui donnent à la jeune femme un air de fragilité tout à fait trompeur.

Leur route va croiser un non moins dangereux chasseur d'épaves, prêt à tout lui aussi pour mettre la main sur cette carte et ce qu'elle pourrait révéler sur le brigantin enfoui, à ceux qui sauront la lire. 

Dans quoi Manuel Coy s'est-il embarqué ?

Que cache l'épave du "Gloria Dei", parti de La Havane et coulé quelque part au large de Carthagène vers l'an 1767, alors qu'il comptait regagner Valence ?

Heureusement que Coy sait naviguer en eaux troubles et même par temps de brouillard car je ne vous dirai rien de plus, vous le saurez en lisant le roman. 

Sachez cependant que suspense, mensonges et tromperies sont au programme de cette lecture ainsi qu'explorations sous-marine, piraterie, navigation et histoire de l'Espagne au XVIIIe siècle. 

Voilà un roman à la fois roman d'aventure et d'amour, enquête maritime ou polar que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir. 

Le titre invite déjà le lecteur à la rêverie et au voyage et, avec ses 568 pages, il est parfait pour les vacances quand on peut prendre le temps de le lire en le savourant. Il vous fera voyager en mer et partir explorer les fonds sous marins à l'aide d'une carte nautique ancienne qu'il va bien falloir apprendre à déchiffrer et vous le verrez, c'est beaucoup moins facile que cela en a l'air. 

Vous partirez à la recherche d'un bateau naufragé, il y a plus de 200 ans en 1767. Ses vingt-neuf marins, ses deux passagers et sa cargaison, qui était la propriété de la Compagnie de Jésus ont tous disparu ou presque. De rares traces de ce naufrage (fictif ?) ainsi que du témoignage de l'unique rescapé, se trouvent au fin fond des musées et des bibliothèques maritimes.

Il faut savoir que la Compagnie de Jésus a réellement existé. Elle représentait tout ce que le Siècle des Lumières combattait. C'était un ordre religieux richissime, qui dépendait directement du Vatican et avait donc un énorme pouvoir. 

Le roman est très prenant et le lecteur est pris au piège de l'histoire dès les premières pages. Par moment, les tergiversations de notre héros, au caractère imprévisible, à la fois touchant et maladroit, dépressif ou coléreux, et toujours prêt à se battre, peuvent nous sembler répétitives, mais cette impression ne dure pas et n'a pas gâché ma lecture. Le roman retombe très vite dans l'action et sait surprendre le lecteur à des moments où il ne s'y attend pas, et notre héros est capable de se moquer de lui-même et ne manque pas d'humour.

J'ai été un peu perdue je le reconnais devant certains des termes maritimes pointus que je ne connaissais pas et certaines manœuvres dont j'ignorais tout, mais c'est l'occasion d'apprendre justement et de sortir de ma zone de confort et il faut bien reconnaître qu'à chaque page, on sent bien que l'auteur est un passionné de navigation. 

De nombreuses références aux auteurs de récits maritimes ou d'aventures connus étayent le roman. Coy a rêvé en les lisant et ces écrits sont venus nourrir son imaginaire comme ils ont souvent nourri le notre durant notre enfance ou notre jeunesse. Vous reconnaitrez sans peine au passage les héros mythiques d'Herman Melville, mais aussi d'Hergé, de Jack London, Jules Verne, Patrick O'Brian ou encore Conrad...et autres. Le mystère et la fascination des hommes pour les chasses au trésor ou les explorations maritimes, sont bien là au cœur de ses pages.

Le narrateur, professeur d'université et éminent cartographe, va intervenir dans l'histoire à la toute fin du roman (à partir de la page 446). Le récit passe alors de la troisième personne du singulier à la première pour un bref instant.

Arturo Pérez-Reverte est un auteur que je n'avais encore jamais lu et la lecture de ce roman me permet de participer encore une fois au challenge "Book trip en mer" organisé ICI par Fanja.