Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Cette île est immuable. Elle me contient et me retient. J'ignore tout du reste du monde.
Ce livre est à la fois un récit autobiographique mais aussi un récit de voyage et d'évasion, ainsi qu'une quête d'identité.
L'auteur est né en 1953 dans l'île Népawa, une petite île située au Québec dans la région isolée de l'Abitibi durant une période sombre de l'Histoire du Canada que l'on a appelée la "Grande Noirceur" dont je ne savais rien, je le reconnais.
Sa famille est pauvre. Ses parents ne lui parlent jamais de ses ancêtres. Le père est illettré et s'adonne à la boisson, ce qui enfonce la famille encore davantage dans la pauvreté. La mère fait ce qu'elle peut pour élever et nourrir ses huit enfants. Les oncles sont souvent violents et le grand-père d'une dureté incroyable. La mère va tout faire pour éloigner ses enfants de cette vie et quitter l'île Nepawa en traversant le pont qui la mènera de l'autre côté. Elle va s'installer dans une petite ville minière. Là, Julien a 11 ans, va se faire des copains et découvrir de nouveaux jeux. Il réalise qu'il y a un monde en dehors de son île natale. Poussé par sa mère, il se met à dévorer les romans publiés dans le Reader's Digest auquel la famille est abonné.
Réussissant bien en classe, le jeune Julien va quitter sa famille pour débuter des études qu'il arrêtera très vite pour se payer de quoi partir au Maroc. Là-bas, il passera quelques mois en prison pour détention de drogue. Il reviendra chez lui pour travailler un temps comme mineur, puis repartira pour réaliser son rêve de visiter d'abord la France, puis l'Europe pour ensuite se rendre en Inde ou il séjournera dans un ashram.
Voyageant léger, sans le sou, il enchainera des emplois aussi divers que variés : maçon, pêcheur en Grèce, serveur ou éducateur. Il sera aidé par de belles personnes qui sauront le soutenir dans ses projets et croire en lui et en ses rêves.
Mais il n'en a pas fini avec son destin hors du commun, ni son esprit rebelle. Voilà qu'à son retour à Québec, à 27 ans, il décide de reprendre des études qui lui ouvriront des portes vers l'enseignement supérieur...et lui permettront d'être connu sur le plan international.
Ne pas faire comme tout le monde, s'instruire grâce à ses rencontres, à ses voyages et à ses lectures...lui a permis de sortir de son milieu social d'origine.
Un destin incroyable !
Je ne veux pas "perdre ma vie à la gagner". Exercer trop longtemps le métier de mineur, c'est devenir adulte, responsable, s'engager dans l'avenir. Je résiste à être capturé, assigné....
Je décide de partir faire le tour du monde.
A Rome, je cherche des yeux les personnages de Fellini dans des décors que je n'aurai jamais cru voir ailleurs qu'au cinéma.
Je suis un vagabond qui se cultive, voyage, fait des rencontres, flâne, libre de son temps, la vraie richesse.
Voilà un récit autobiographique, raconté de manière très linéaire mais fluide et riche en rebondissements, tout le contraire de qu'a été la vie de l'auteur !
Le récit est divisée en différentes parties, elles-mêmes subdivisées en "chapitres courts numérotés".
L'auteur nous propose de le suivre dans son parcours de vie atypique, dans lequel rien ne le prédestinait à devenir ce qu'il est devenu. Il nous décrit ses aventures avec simplicité et sincérité. L'emploi du "je" permet au lecteur de s'immerger très vite dans le récit.
C'est aussi un récit de voyage et un récit d'aventure, chaque voyage est empreint de découvertes, de rencontres amoureuses souvent passionnées, d'amitiés nouvelles, de joies et de peine, de questionnements et parfois d'une profonde solitude, autant d'expériences qui transformeront l'auteur en profondeur.
Il nous explique aussi la génèse de son livre, et ce que l'écriture lui a apporté. Il compare l'acte d'écrire à une enquête policière. En effet, que retenir d'important ? Comment choisir ce qu'on doit laisser de côté ? Faut-il se fier à l'émotion ressenti en visionnant des photos, ou à la puissance du souvenir ? Ce livre lui a permis de mieux comprendre celui qu'il est devenu aujourd'hui, dont il n'avait pas totalement conscience au début de l'écriture de son récit. Il s'agit donc en cela d'une véritable quête d'identité.
Mais ce livre est aussi un récit social qui nous fait parcourir au fur et à mesure des voyages de l'auteur, tout un pan de l'Histoire, de l'Europe à l'Asie.
Je reconnais que si j'ai suivi sans aucun problème le début de son périple, j'ai été parfois un peu perdue dans la dernière partie, en lisant tous les sigles concernant la gestion du travail. C'est cependant une découverte intéressante pour moi qui lit très peu de récits.
A la fin du livre, le lecteur trouvera un glossaire bien utile, et une bibliographie complète. La postface écrite par Paul Bouffartigue (Sociologue, directeur de recherche au CNRS) est très instructive. Devenu un ami de l'auteur, c'est lui l'a poussé à témoigner de son parcours exceptionnel en écrivant ce livre.
Chaque chapitre de ma vie semble une confrontation à l'histoire et au monde social traversé. Je sors meurtri de ces affrontements, mais jamais détruit. Je tiens ma trajectoire ou la renouvelle, puisant sans doute dans l'endurance des origines et dans la force de la promesse de l'enfance : réparer les injustices faites à ma mère.
L'évasion peut être la stratégie du faible, du dominé, qui utilise la ruse, l'art de la débrouille, la (dis)simulation et le déguisement, le changement d'identité, afin d'échapper à l'assignation à un destin programmé. Se déraciner pour mieux s'enraciner ailleurs. Raconter sa vie comme une aventure et considérer que bien vivre est un art du recommencement.