Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Elle devait arrêter de subir. On ne crée pas l'échine ployée. Elle devait se redresser. Il n'y avait aucune raison qu'elle continue de s'attarder dans une attente quotidiennement trahie, du seul fait qu'il s'attardait, lui son mari, dans la passivité, le laisser-aller et la procrastination...C'est à lui de souffrir, pas à elle.
De l'auteur je n'avais plus rien lu depuis "L'amour et les forêts" présenté ICI sur le blog. un livre que j'avais aimé. C'est donc tout naturellement que j'ai eu envie d'emprunter en médiathèque ce dernier titre.
C'est un auteur qui n'est pas toujours facilement abordable et j'ai eu cette fois beaucoup de mal à entrer dans cette histoire. L'auteur dit qu'il a eu l'idée d'écrire ce roman suite à un courriel reçue d'une de ses admiratrices qui souhaitait lui raconter ce qu'elle était en train de vivre. Il a accepté de la recevoir pour en savoir plus. Cette lectrice dans le roman c'est Sarah, et son double dans l'histoire, Susanne. Elles vivent dans deux régions différentes.
Vous vous en doutez donc le roman va nous raconter l'histoire de ces deux femmes en parallèle, car l'auteur passe de l'une à l'autre, fait intervenir Sarah pour donner son avis sur ce qui arrive à Susanne, sur ce que l'écrivain dans le roman a pris la liberté de modifier, les événements qu'il décide de faire vivre à son héroïne.
Sarah n'a pas le souvenir d'avoir jamais reçu autant de violence que ce soir-là. La violence du silence. La violence du refus d'échanger. La violence de l'absentement, si elle pouvait s'exprimer ainsi...
La violence de la vitesse à laquelle Sarah s'était sentie répudiée, devenir une étrangère.
Sarah vient de "guérir" d'un cancer du sein. En fait, elle sait bien qu'on ne guérit pas vraiment, jamais, mais cette rémission lui permet de reprendre confiance en elle. Elle a 44 ans et est architecte (Susanne sera généalogiste), mais elle a arrêté de travailler depuis sa maladie. Elle recommence pourtant à faire des projets et retrouve goût à la vie. Elle a tout pour être heureuse, un mari aimant, avec qui elle vit depuis 21 ans, et deux beaux enfants, à présent grands adolescents. Mais elle se sent délaissée par son mari (avocat fiscaliste) qui passe plus de temps dans sa cave aménagée en bureau (vous saurez pourquoi en lisant le livre) qu'à s'occuper d'elle et de ses enfants. De plus, elle a découvert que le domicile familial appartenait à 75 % à son mari et celui-ci ne veut rien faire pour modifier ce fait-là, tellement injuste.
Pour le faire réagir et prendre du recul par rapport à leur vie quotidienne routinière, mais tout en l'assurant de son amour, elle décide de quitter le domicile familial pour s'éloigner temporairement...sans en mesurer les conséquences.
Mais rien ne se passera comme prévu...elle va se retrouver isolée, rejetée par sa famille et ses amies et, sans ressources...
Ils ne pensent pas à elle, elle le voit bien.
Elle n'existe plus. Elle leur est complètement sortie de l'esprit.
Comment peut-on disparaitre aussi vite de la vie de ceux qu'on aime ?
C'est comme si elle était morte de son cancer et qu'elle avait eu la faculté de revenir les voir vivre une fois décédée.
L'auteur a du talent pour dessiner le portrait de ses deux femmes avec beaucoup de justesse et de sensibilité.
Le mari apparait d'une froideur incroyable et bien entendu par son attitude, le lecteur comprend très vite qu'il garde un certain pouvoir sur sa femme, se dérobant quand il s'agit de lui répondre, montant les enfants contre elle, leur cachant les raisons profondes qui ont amené Sarah à partir... Le silence est une arme redoutable et d'une telle violence que nous ne pouvons pas rester indifférent en lisant ces pages. De plus, il va profiter de sa faiblesse...
Ce que veut Sarah c'est occuper la juste place dans sa famille et ne plus subir la domination de son mari.
Par moment, je ne savais plus si c'était Sarah qui s'exprimait ou Susanne, c'est perturbant au début mais j'ai fini par me dire que cela n'avait aucune importance, que ce qui importait, c'était l'histoire de ce(s) femmes, ce qu'elle(s) vivai(en)t de cruel au quotidien : le pouvoir et la suprématie masculine, et le manque d'empathie de ce mari "bien sous tout rapport" mais qui cache bien son jeu, car finalement, tout en manipulant sa femme, il la pousse à partir, tout en rejetant la faute entièrement sur elle ensuite.
L'auteur s'amuse à nous perdre et mélange les deux personnes parfois même dans un même chapitre.
Le roman est une réflexion sur le lien entre l'écrivain et ses personnages et là se rajoute le lien entre le lecteur (ou la lectrice) et lui-même, car lui aussi va nous faire des confidences sur sa propre vie. A noter que même s'il est présent, jamais il n'apparaît encombrant car il sait rester à sa juste place.
Il y a des passages poignants comme ceux où elle s'installe devant sa maison un soir d'hiver pour regarder par la fenêtre éclairée vivre sa famille sans elle. C'est d'une telle violence psychologique...J'ai aussi été touchée par les dialogues avec son fils.
L'intervention du tableau religieux du XVIIe siècle dans l'histoire permet de rajouter un petit côté fantastique dans cette histoire de la vie quotidienne somme toute simple et de mesurer à sa juste valeur la descente aux enfers psychologique de Susanne.
C'est donc un roman qui aborde différents thèmes, le couple et la famille, bien entendu, le pouvoir de l'argent (et des contrats de mariage), la différence de milieu social, les droits liés au mariage et au divorce, l'art et l'architecture, la signification symbolique d'un tableau ou d'une œuvre, mais aussi les troubles psychologiques.
Mais malgré tout pour être honnête, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire et par moment je me suis ennuyée. Mon ressenti a été trop variable lors de ma lecture : je lisais avec plaisir certains passages et buttais sur d'autres. A maintes reprises, j'ai cru abandonner ma lecture mais le lendemain j'avais envie de la reprendre pour savoir la suite d'autant plus que la vie de ces femmes nous interpellent et que certains passages sont d'une telle justesse et tellement émouvants, que nous ne pouvons pas ne pas les lire.
J'ai donc un avis mitigé sur ma lecture.
Vos lectrices, vos lecteurs me prendront peut-être pour une demeurée. Peut-être aura-t-on envie de secouer votre héroïne. Sans doute recevrez-vous des courriers mécontents de tant d'invraisemblance et de passivité, mais en réalité je n'y croyais pas. J'ai signé ces papiers parce que je n'y croyais pas à ce divorce.