Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Il faut dorénavant s'attacher aux choses minuscules, aux figures des lézardes sur le sol, à la tramontane qui fait ondoyer le faîte des arbres, aux carreaux froids et bleus de la cuisine, aux draps blancs en coton si usé qu'on croirait des ailes de libellule, aux ravines remplies de poussière derrière les meubles, au mouvement des nuages....il faut s'attacher aux détails, parce que leur multitude, avec un peu de chance, fera apparaître un grand motif plein de sens.
Pourquoi Gloria a-t-elle attendu ce jour de juin ensoleillé et la fin de l'année scolaire pour sortir Loulou de l'école et Stella du collège, et quitter les rives de la méditerranée où elle a toujours vécu. Et que veut-elle fuir ainsi en roulant vers le Nord pour se cacher dans la maison de sa grand-mère où durant son enfance, elle a passé de nombreuses vacances.
Dès le départ, le lecteur est surpris et forcément attentif, il ne comprend pas ce départ soudain qui arrache Stella, privée désormais de téléphone portable, à ses amies, et les oblige à se cacher pour un temps indéterminé dans cette maison située en Alsace au bord d'un lac, dans la forêt de Kayserheim.
Peu à peu le lecteur apprend des détails de la vie de Gloria depuis sa petite enfance, le départ définitif de sa mère, la maladie puis la mort de son père. Tonton Gio qui parce qu'elle a seize ans à peine, la prend sous son aile, comme il l'avait promis à son père avant sa mort et devient finalement un père de substitution malgré son côté timbré, sa passion pour les boites à musique et ses idées complotistes.
Et puis Gloria va rencontrer Samuel, le père de ses filles qui va périr dans l'incendie de son atelier où il avait décidé de passer la nuit après une dispute entre eux deux. Samuel qu'elle a tant aimé pour son côté un peu voyou plein de charme. Samuel qui était comme son frère siamois tant tous deux s'accordaient, avant de se déchirer et de voir leur relation progressivement se détériorer.
Mais le lecteur s'interroge encore, que vient faire au milieu de cette histoire, Pietro Santini, l'avocat de la famille censé gérer les finances de Gloria suite à l'héritage de son père? Pourquoi se fait-il de plus en plus pressant ?
Est-ce lui qui va les pister jusqu'en Alsace ? La maison est-elle hantée comme le pense la petite Loulou ? Pourquoi les chiens de leur voisin sont-ils empoisonnés ?
Et que cache Gloria que le lecteur doit encore découvrir ?
Elle cherchait continuellement la bagarre. La colère montait et trouvait sa justification, elle s'exposait, puis semblait disparaître. Cependant, elle était toujours là, embusquée. Chaque matin Gloria se disait. Aujourd'hui je ne me mettrai pas en colère. Et chaque jour, elle échouait. Que fait-on d'une colère que l'on garde toujours en soi ?
Elle [Gloria] les avait toujours considéré comme des trésors. Mais il est certain que chacun de nous pense que ses rêves sont des pépites remarquables _ et c'est sans doute pour cette raison qu'on assomme nos partenaires en les leur révélant au petit matin...
Voilà un roman plein de mystères, de suspense mais aussi ce qui est inattendu, d'humour.
Il met en scène un personnage féminin pas comme les autres, une mère éprise de liberté qui rêve d'une nouvelle vie, et qui aime profondément ses filles et cherchera à les protéger coûte que coûte, à aplanir les difficultés de la vie pour que jamais elles n'aient à vivre ce qu'elle-même a subi durant son enfance. C'est une mère qui les entoure de sa tendresse mais aussi de sa tristesse. Une mère attachante, bien que paranoïaque qui n'hésite pas à affronter le monde, et sa propre colère, avec sang-froid et beaucoup de courage.
Un personnage fascinant qui pourtant n'inquiète personne, car comme nous le dit le titre "Personne n'a peur des gens qui sourient".
L'autrice nous livre ici un portrait de femme surprenant, qui veut avant tout resté loyale à ses rêves et à la petite fille qu'elle a été et qui, pour cela doit se débarrasser de ses fantômes.
Ce roman est une véritable quête existentielle sous forme de roman noir mais aussi un roman d'amour et de passion, qui laissera donc de chaque côté de la route de nombreux cadavres.
Machiavélique, remarquablement écrit et terriblement addictif !
Depuis "Les hommes en général me plaisent beaucoup", lu en 2004, "Ce que je sais de Vera Candida" lu en 2009 donc tous deux bien avant d'avoir ce blog (ainsi qu'un livre jeunesse dont je ne me souviens plus le titre), tout cela avant la création de mon blog, je n'avais plus rien lu d'elle. Il était temps que je comble cette lacune, en attendant de découvrir son dernier roman "Fille en colère sur un banc de pierre", toujours indisponible à la médiathèque.
Elle pouvait vivre avec l'absence de son père comme si elle avait endossé chaque matin un châle transparent fait de son émotion, ou bien un habit qu'elle aurait été la seule à voir scintiller, un habit qui aurait été incroyablement léger mais solide, une cote de la maille la plus fine qui l'aurait protégée comme une armure invisible.