Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Je refuse de prendre part à cette vénération de l'Histoire, de la poésie, des grands hommes et de la nation, cette adulation permanente de l'Islande, de son peuple et de son passé. Ces trucs-là ne sont plus d'actualité. Ce ne sont pas les individus qui influent sur le cours de l'Histoire, même si certains sont de grands hommes. Toute cette vénération du passé nous empêche d'aller de l'avant, c'est un frein au progrès qui ne fait qu'affaiblir les gens...
Le corps d'une jeune toxicomane est retrouvé nu dans un cimetière, posé sur la tombe du héros national de l'indépendance islandaise. Elle a tout juste seize ans, et personne ne la recherche, personne ne la connait, et elle a apparemment subi des violences physiques.
Comme le héros de l'indépendance était originaire des fjords de l'Ouest, le commissaire Erlendur décide d'aller avec son adjoint Sigurdur Oli, enquêter là-bas afin de suivre cette piste. Sur place, ils découvrent une situation sociale dramatique, les quotas ayant entrainé la désertification des lieux. Mais aussi que la jeune fille était bien originaire de cette région, et avait un ami d'enfance, Janus, lui aussi venu s'installer à Reykjavik.
Ce n'est pas de gaieté de cœur qu'il se décide à interroger sa propre fille pour tenter d'obtenir des renseignements précis sur les trafics de drogue en ville, les fournisseurs et surtout celui qui dirige tout cela. Elle va lui donner des informations intéressantes (dont pour certaines il aurait préféré ne rien savoir) qui vont l'amener à faire connaissance avec une amie de la victime, de découvrir donc son identité et son histoire, et de resserrer son emprise sur un des magnats de la drogue, Herbert. Mais ce dernier disparait, il a apparemment été enlevé. Il avait des relations avec un promoteur immobilier, richissime et protégé, mais amateur de très jeunes filles...un dénommé Kalmann.
Bien entendu, comme vous vous en doutez tout cela est lié...
Voilà encore un excellent thriller de cet auteur dont je ne me lasse pas ! J'apprends en rédigeant cet article que ce titre est le second de la série qui met en scène le commissaire Erlendur. De cette série j'ai déjà lu "Les nuits de Reykjavik" présenté ICI qui est je crois le dernier. Comme vous le voyez je lis la série dans le désordre et au gré de mes envies, car bien entendu chacun des titres peut se lire séparément !
Comme toujours dans cet opus, le commissaire Erlendur est secondé dans son enquête par Elinborg, toujours excellente cuisinière et Sigurdur Oli avec qui il entretient des relations complexes faites de taquineries, voire de piques désagréables ou de disputes, mais aussi de compréhension mutuelle. Erlendur a subi un traumatisme durant son enfance dont il ne se remet pas et qu'il garde bien enfoui au fond de lui. Il sera révélé au fil des tomes.
Dans cet opus, nous retrouvons aussi les deux enfants d'Erlendur, à présent divorcé, qu'il a eu avec Halldora avec qui il a toujours des relations conflictuelles. Sa fille, Eva Lind, lui cause beaucoup de soucis parce qu'elle se drogue toujours et lui ment effrontément mais elle va beaucoup l'aider dans son enquête même si, à cette occasion, Erlendur se serait bien passé d'apprendre ce qui va lui être dévoilé sur elle. Son fils, Sindri Snaer, qu'il voit encore plus rarement, est devenu alcoolique. Autant dire que sa femme l'accuse d'être responsable de ce que sont devenus ses enfants...qu'elle a élevés seule après son départ (pour ne pas dire sa fuite) des années auparavant.
Ce que j'aime dans cette série et les autres de l'auteur c'est qu'au -delà de l'enquête, toujours merveilleusement ficelée, et du regard plein de tendresse qu'il pose sur ses personnages, il nous propose une véritable immersion dans la société islandaise et ne cache rien de son histoire ou de ses problèmes. Là, l'histoire des quotas de pêche qui ont provoqué le départ de milliers de personnes vers la capitale et donc la désertification et la paupérisation des populations des petits villages côtiers. Mais aussi ses conséquences quand à l'intégration des populations en ville, l'abus de drogue et d'alcool des jeunes, la vie dans des immeubles construits par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux, pour ne pas dire machiavéliques, mais je ne vais pas vous en dire davantage.
J'aime son regard sur le monde, ses réflexions toujours justes sur la perte des traditions liée à la mondialisation et les décisions politiques qui vont à l'encontre du bonheur des habitants.
Nous sommes comme le cabillaud. En dessous d'un certain nombre d'individus, les bancs se dispersent puis disparaissent. Je crains que ça ne s'applique également à l'espèce humaine. Quand les gens quittent les villages comme le nôtre, la vie ralentit. D'ici peu, elle sera complètement éteinte...