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Comme je vous l'ai expliqué lors de la brève visite du village de Lauris (ICI), nous sommes venus sur place lors des Journées du Patrimoine, afin de visiter le Jardin Conservatoire des Plantes tinctoriales.
Ce Jardin Conservatoire est un jardin botanique unique en Europe. Il s'étale sur 2800 m2 et est entièrement consacré aux plantes du monde entier dont on extrait des colorants pour la teinture des tissus, et autres composants utilisés dans la cosmétique ou l'alimentation.
De plus, ce qui ne gâche rien, il offre une très jolie vue sur la plaine de la Durance et jusqu'aux Alpilles (que je n'ai pas pris en photo car le paysage était totalement brumeux, donc bouché le jour de notre visite !).
Le jardin est implanté sur les terrasses du château, des terrasses inscrites à l'inventaire des Monuments historiques, car elles constituent un lieu exceptionnel, et l'un des plus grands jardins architecturés construit en Europe durant le XVIIIe siècle. Le château est privé et ne se visite pas.
Ces terrasses, restées inachevées, furent tout d'abord utilisées comme des terrains agricoles pendant des décennies, se trouvant proches du village.
Sur les différentes terrasses du château, on trouve aujourd'hui un jardin public ouvert librement, une salle d'exposition et de conférences, une esplanade mise à disposition pour des spectacles et bien entendu le Jardin des Plantes tinctoriales. L'ensemble a obtenu le label "Jardin remarquable".
Le Jardin botanique a vu le jour dans les années 2000, grâce à l'action d'une association "Couleur Garance" sous l'impulsion de Michel Garcia, un habitant de Lauris. Il est aujourd'hui géré par une autre association. Le Jardin est ouvert toute l'année et propose diverses animations, spectacles et visites, ainsi que la vente de graines à la boutique.
Plan du Jardin des Plantes tinctoriales
Le parcours de la visite est conçu pour ne rien rater de la cinquantaine de carrés thématiques. Le Jardin renferme plus de 300 espèces différentes de plantes cultivées traditionnellement en Europe et sur tous les continents.
Nous avons eu la chance d'arriver à l'heure précise où débutait une visite guidée effectuée par le jardinier. Passionné par son métier, il était impossible pour nous de tout retenir !
L'histoire du jardin
Déjà au XVIe siècle, le village était un centre de production de couleurs naturelles très actif. C'était un centre important de collecte et de traitement des cochenilles qui produisent un rouge magnifique, aujourd'hui essentiellement utilisé comme colorant naturel alimentaire. Les archives du village attestent de la présence de cette "vermillonnière".
Au XVIIIe siècle et jusqu'en 1900, c'est la garance des teinturiers qui fut utilisée et cultivée dans toute la plaine de Durance pour la production d'un rouge intense utilisé pour teindre les cotons, le rouge garance.
Les pigments appartenant au groupe des alizarines se retrouvent dans la partie souterraine de la plante stolons et racines). C'est la poudre obtenue après séchage et broyage qui est utilisée pour extraire le pigment colorant.
Aujourd'hui, on la rencontre à l'état naturel au bord des chemins et dans les friches, elle est échappée des cultures anciennes.
Cette plante tinctoriale, originaire d'Asie mineure et du bassin méditerranéen a été cultivée pendant des siècles comme plante médicinale et tinctoriale. Elle est connue depuis l'Antiquité et a été diffusée et cultivée par les Grecs, les Romains, puis les Gaulois qui l'utilisaient déjà comme teinture pour tissus.
A noter la garance voyageuse est elle aussi une plante tinctoriale. Elle a été très peu utilisée comme telle car elle contient beaucoup moins de pigments que sa cousine tinctoriale.
Ces deux espèces sont du genre Rubia qui vient du mot "ruber" qui signifie comme vous vous en doutez rouge.
Le nom commun "garance" (qui s’écrivait autrefois garence) dérive du mot "warance" qui au XIIe siècle désignait la couleur rouge obtenue à partir de la plante.
Avec le nerprun alaterne et le fustet (ou arbre à perruques), la garance fait partie des plantes provençales à couleur les plus utilisées. Elles poussent à l'état sauvage dans toute la région du Luberon et du Mont Ventoux.
Le nerprun alaterne était en particulier très utilisé au Moyen Âge comme plante tinctoriale. Son écorce permettait d'obtenir une jolie couleur jaune. On vendait aussi ses baies (mêlées à celles d'une autre espèce de nerprun) sur les marchés sous le nom de "graines d'Avignon". Les baies cueillies en juin encore vertes et broyées, permettaient la fabrication d'une pâte que l'on mettait à sécher dans des vessies. Elle procurait alors le "vert de vessie", une couleur bien connue des aquarellistes (source internet)
Le fustet (encore appelé "arbre à perruques" ou "sumac") est un arbrisseau que je vous ai déjà montré plusieurs fois sur le blog. Le feuillage devient rouge en automne et sa floraison au printemps est spectaculaire.
L'écorce qui contient des flavonoïdes et des tanins, est utilisée pour obtenir un joli jaune mordoré, en ajoutant du fer on obtient une couleur vert olive. On l'utilise broyé sous forme de copeaux. La fleur permet d'obtenir des couleurs brunes proches de celles obtenues avec le brou de noix.
Attention, car je vous rappelle que le sumac est toxique ce qui explique que son importation fut interdite en Italie au Moyen Âge. La plante était importée en secret de France sous le nom d'Herbe de Provence ! C'est en effet sur le mont Ventoux, qu'elle poussait alors en abondance.
En France, on utilisait aussi la gaude, un réséda jaune appelé tristement pendant la Seconde Guerre mondiale, "herbe aux juifs" vous comprenez pourquoi (dont je n'ai pas pris de photo) ou le genêt des teinturiers pour la couleur jaune dont les pigments de type flavonoïdes se trouvent en abondance dans les fleurs fraiches.
Le pastel était employé pour obtenir du bleu. Cette plante dont je vous montre uniquement la rosette de feuilles, aime le calcaire du sud de la France. Sa culture renait depuis quelques années dans le sud-ouest. Ce sont ces feuilles qui permettent d'obtenir le pigment bleu. Il faut les faire sécher, puis les broyer. On obtient une pâte (le mot pastel vient de pâte) qu'il faut laissez fermenter dix jours. On en fait ensuite des boulettes qui sècheront et pourront être utilisées au fur et à mesure des besoins après dilution.
Ce sera tout pour aujourd'hui ! Ce jardin est à la fois un lieu de culture, de conservation, et d'étude ainsi qu'un véritable pôle scientifique de recherche et de diffusion de la couleur végétale naturelle, alternative importante aux colorants chimiques.
Il comporte deux niveaux en terrasses que nous visiterons plus en détails dans mes prochains articles, enfin, comme d'habitude...si vous le voulez bien !