Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Qu'est-ce que ça signifie d'être sœurs, si ce n'est pas pour confier ses malheurs, demander de l'aide, reconnaître ses souffrances, sa peur ? Louise est hors d'elle. Elle a envie de hurler. Alors, dans le huis clos de sa vieille bagnole, elle crie à s'en briser la voix. Ça lui fait du bien. Elle tape sur le volant et elle gueule. Sur ces mensonges, ces secrets, ces petits arrangements avec la réalité. Sur ces repas de famille, ces coups de fils censément complices, ces anniversaires, ces vacances où tout le monde vient avec son masque, son beau sourire, ses petites conversations légères avant de repartir vers la réalité d'une existence que les autres ne connaîtront sans doute jamais...
Elles sont trois sœurs, Mathilde, l'aînée, Violette la cadette et Louise, la benjamine, née des années après.
Les vacances approchent et elles se font une joie de se retrouver à La Garrigue, une bâtisse proche de Saint-Rémy-de-Provence que leurs parents ont acheté autrefois et où elles viennent chaque année passer les vacances ensemble. Même Louise qui habite la région vient s'y installer quand ses sœurs et leur petite famille, sont là.
Mais cet été ne sera pas comme les autres.
C'est la première fois qu'elles vont se retrouver dans la maison de leur enfance depuis que leur père, un an auparavant a décidé de quitter Jeanne leur mère, pour s'installer avec la pharmacienne du village.
Louise, la plus jeune, a décidé de travailler tout de même (elle est infirmière) parce que tout simplement une famille a besoin d'elle, mais la vraie raison n'est pas là.
Violette, la cadette, vit seule à présent avec sa fille mais a invité Jérôme son nouveau copain à les rejoindre pour le présenter à ses sœurs.
Quant à Mathilde la parfaite et lumineuse sœur ainée, que tout le monde admire, son mari la rejoindra très bientôt et en attendant, elle arrive seule en train avec ses enfants et de lourdes valises à porter, au propre comme au figuré.
Cet été -là, la maison tellement accueillante avec son grand jardin et sa piscine, ne va pas suffire à conserver intacts tous leurs secrets, et les non-dits accumulés depuis des années.
Il faudra bien que chacune arrive tour à tour à exprimer ce qu'elle a sur le cœur !
Rien ne change en fin de compte. On croit devenir adulte mais à part le corps et les soucis, on reste les mêmes qu'il y a trente ans.
Plus jeune, elle ne s'était préoccupée que de ses études. Et puis, elle avait rencontré Yves, et elle était tombée enceinte de Mathilde. Ses journées s'étaient alors remplies de tâches dédiées aux autres. Ses patientes, leurs époux. Ses filles, qu'il avait fallu élever, nourrir, habiller, veiller, soigner, inscrire, chercher, accompagner, coiffer, consoler, départager. Son mari, qu'il avait fallu écouter, rassurer, attendre. Mais elle, dans tout cela ? Et eux deux ? Qui étaient-ils devenus, une fois le nid familial vidé ? Lorsqu'ils étaient réunis tous les cinq, Jeanne se sentait invincible...
Louise réprime un sanglot. Entendre ce grand gaillard appeler cette vieille femme "maman" l'émeut plus que de raison. Elle a immédiatement la vision du petit garçon qu'il a été , regardant cette femme belle, jeune et forte avec toute l'admiration que les gamins ont pour celle qui leur a donné la vie. Des décennies plus tard, les voilà réunis dans cette chambre de la région de l'enfance, lui au chevet de celle qui avait pour mission de le protéger. Les rôles se sont inversés.
Voilà un roman que je qualifierai de feel-good, sans aucune connotation péjorative de ma part, car il est finalement plus profond qu'il n'en a l'air, même s'il se lit facilement et semble parfait comme lecture de vacances.
L'auteur alterne les voix de trois générations : les trois sœurs, leur mère et Clarisse, la fille de Violette qui est adolescente. Le ton sonne juste, l'écriture est simple mais vivante car rythmée par de nombreux dialogues. Les chapitres sont courts et proposent juste ce qu'il faut de rebondissements pour que le lecteur ait envie de poursuivre sa lecture. Pour être honnête, j'ai trouvé qu'au départ la description de la personnalité de chacune des sœurs était un peu caricaturale, mais ensuite quand le lecteur entre dans la vie quotidienne de cette petite famille aux apparences sans problème...il découvre que ce n'est pas si simple de vivre ensemble en oubliant les différents, et la personnalité de chacune se dévoile plus finement.
C'est une famille avec ses secrets, ses drames, ses blessures, ses rivalités non résolues, enfouies depuis des années. Pourtant malgré les heurts, les différences de personnalités, les désirs des unes et des autres, les sœurs sont inséparables et la tendresse coule à flot à chaque page.
L'auteur, avec humour et finesse, sait nous émouvoir et nous donner envie que la vérité de chacune éclate enfin, pour préserver tout cet amour qui les unit. Les souvenirs d'enfance des sœurs, pleins de candeur et de légèreté, contribuent largement au plaisir de la lecture.
C'est donc un livre qui fait du bien mais qui n'occulte en rien les drames humains, une histoire universelle en quelque sorte, dans laquelle chaque famille pourra se reconnaître, que vous ayez ou non des sœurs.
Il ne semblait pas triste. Seulement résigné. Il a ajouté qu'il fallait bien réfléchir. Que la vie, ça tenait à ces choix minuscules qui pouvaient tout changer. Qu'il ne fallait pas se laisser enfermer dans la colère, l'entêtement, le doute. Parce qu'on n'a qu'une vie, et qu'on est finalement seuls à l'écrire.