Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Tout d'abord je tiens à remercier la traductrice, Murielle Hervé-Morier, de m'avoir proposé ce roman original traduit de l'italien, et je m'excuse sincèrement auprès d'elle et de l'auteur du retard que j'ai pris pour le présenter sur mon blog et donc sur Babelio, durant l'été, mes petits-enfants en vacances sont prioritaires sur mes lectures et mes programmations d'articles.
Autant vous prévenir tout de suite, fidèles lecteurs de mon blog, c'est un roman sur la violence faite aux femmes, les homicides de proximité parfois non élucidés. Le récit est saupoudré de fantastique et jongle avec brio entre le passé et le présent, au point que parfois le lecteur doit revenir en arrière un bref instant pour s'y retrouver. Je vous conseille de le lire d'une traite, ou presque, pour l'apprécier pleinement comme je l'ai fait, afin de vous immerger en totalité dans l'histoire.
Nous sommes en Italie à Nuovariva, dans la basse plaine de l'Émilie-Romagne envahie de marécages, une jeune femme revient à la vie après avoir mystérieusement disparue des années auparavant : c'est la Merlette. Elle a été surnommée ainsi car elle a disparu lors des jours de la Merlette qui en Italie correspondent aux trois derniers jours du mois de janvier, les jours les plus froids de l'hiver.
Devenue chroniqueuse judiciaire, elle se sent investie d'une mission difficile mais indispensable à ses yeux : révéler les violences faites aux femmes dans la région, et enquêter sur les crimes qui n'ont pour la plupart jamais été élucidés, afin de se venger de ceux qui les ont perpétrés. Elle va donc s'atteler à parler à la place de toutes ces femmes qui ont été violentées et tuées.
Si cela parait facile pour les violeurs ou assassins de maquiller leurs crimes et de cacher ensuite les corps au cœur du marais, ce dernier sait aussi les rendre aux humains...
C'est oublier aussi que depuis sa résurrection la jeune femme sait parler aux disparues qui lui racontent leur histoire. Elle a donc toujours un temps d'avance sur ses collègues journalistes (comme par exemple son concurrent direct, le "Professeur") et même sur les enquêteurs qui recherchent son aide pour arriver à résoudre les affaires en cours.
Soutenue par le maréchal Fringolesi (en Italie le Maréchal des carabiniers est l'équivalent d'un adjudant en France), et une Sœur dévouée, elle va tenter de mener à bien sa mission.
Le roman débute alors qu'il lui faut à présent résoudre une nouvelle enquête... celle des "Amants de la Saint-Valentin" : une jeune femme vient en effet d'être retrouvée morte et la Merlette devine très vite que les enquêteurs partent déjà sur une fausse piste. Il ne faut jamais se fier aux apparences.
J’aimais naviguer à la surface du marais, protégée par la pleine lune, les eaux profondes, les étoiles et une couverture de brouillard. J’avais du mal à gouverner mon embarcation, une coque de noix en osier, qui supportait tout juste mon poids et celui de mon chien Brigida. Je poussais la perche dans la vase et je filais à toute vitesse parce que, bien qu’étant seulement une fillette chétive, j’étais forte et obstinée. Déjà à l’époque, j’avais ce caractère rebelle. Si une vérité tombait prisonnière des brumes, je voulais la libérer.
Voilà un roman qui mélange les genres, à la fois roman noir et sombre, dans lequel le suspense et le fantastique, côtoient l'humour noir. C'est un roman prenant que le lecteur ne peut pas lâcher avant d'arriver au bout de sa lecture. J'ai eu un peu de mal à entrer dans l'histoire, mais ensuite je l'ai lu d'une traite.
Les propos sont crus sans fioritures, un crime est un crime, les protagonistes ne sont pas des anges et l'auteur appelle un chat un chat, et va droit au but, ce qui peut expliquer que certains lecteurs aient été choqués par les propos. C'est bien vrai que nous passons par tous les ressentis dont le dégoût et la colère, mais forcément c'est facile de deviner que l'auteur veut avant tout dénoncer les violences quelles qu'elles soient. Certains des personnages vont vous marquer et je n'ai pu m'empêcher de penser qu'heureusement tous les hommes ne sont pas comme ceux qui sont décrits dans ce livre qui je le rappelle est une fiction, même si nous savons que ces actes sont commis dans la vie réelle, le but est bien de les dénoncer et de nous faire réfléchir.
L'écriture est parfaite. Bravo à la traductrice qui a su conserver l'ambiance particulière autour du marais mais aussi dans le petit village, et le rythme des propos. Le style est clair, concis et l'histoire tout à fait réaliste.
Les personnages masculins, tous ou presque psychopathes, sont dérangeants. Disons qu'on n'aimerait pas les rencontrer un soir à la nuit tombée, surtout au bord d'un marais et dans le brouillard !
La petite communauté apparait soudée mais est bien entendu responsable elle-aussi des secrets enfouis dans le marais. Le silence et la passivité participent au crime !
Je ne peux pas dire que je me sois attachée aux personnages car vous serez surpris d'apprendre que certains que l'on croyait bien vivants, sont en fait des revenants comme la narratrice, mais j'ai trouvé le personnage principal, la Merlette donc, de plus en plus audible au fur et à mesure que son histoire est révélée au lecteur. Elle est de plus toujours accompagnée par sa petite chienne Brigida, ce qui nous la rend encore plus sympathique. L'auteur distille avec beaucoup de finesse les éléments nous permettant de comprendre son passé, sa brutale disparition et le pourquoi de sa mission d'aujourd'hui, ainsi que sa révolte pour ne pas dire sa haine des hommes. En cela elle montre bien que la souffrance liée à la violence infligée aux femmes n'est pas guérissable sans aide, tant elle engendre elle-même une vision négative de la vie et des relations humaines. Je suis contente cependant de ne pas avoir lu la quatrième de couverture en détails car elle en révèle un peu trop.
C'est un roman court qui se lit vite tant il est prenant, un roman de contraste, à la fois cru et plein d'humour, sombre et poétique, réaliste et saupoudré de fantastique. Forcément, il y a des moments où on se demande où l'auteur veut nous emmener, à nous de lâcher prise et de nous laisser guider, de nous perdre pour mieux rebondir sur nos pieds et découvrir toute la noirceur de l'âme humaine...et ce que l'auteur a à nous dire.
Tieta Luna était très belle. Elle avait un corps à la fois athlétique et plantureux, le rêve des maigrichonnes comme moi. Les cheveux noirs, les yeux sombres et un charme gitan. Sur son ventre découvert, elle exhibait, très près du pubis, le tatouage d'une petite étoile rouge. "Une nuit, j'ai rêvé que Che Guevara m'embrassait, juste là, sans enlever son béret, il a laissé son empreinte", m'avoua t-elle, une fois, en veine de confidences.