Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Aux élèves, je le répète : c'est la haine qui a fait ça. La haine à l'état pur. Les nazis ont exterminé six millions de Juifs. Souvenez-vous de ce que vous avez trouvé impensable. Si vous entendez vos parents, des proches, des amis, tenir des propos racistes, antisémites, demandez-leur pourquoi. Vous avez le droit de discuter, de les faire changer d'avis, de leur dire qu'ils ont tort.
Le font-ils ?
La dernière fois que je suis retournée à Birkenau, c'était au printemps. Les champs se couvraient de fleurs, l'herbe était verte, le ciel limpide, on pouvait entendre les oiseaux chanter. C'était beau.
Comment puis-je employer un mot pareil ? Et pourtant je l'ai dit ce mot, je l'ai pensé : "C'est beau."
...
Il ne faut pas retourner à Birkenau au printemps.
Dans ce témoignage poignant écrit avec Marion Ruggieri, Ginette Kolinka revient sur ses mois de déportation dans les camps de Birkenau, puis Bergen-Belsen, Raguhn et Theresienstadt, durant la Seconde Guerre mondiale.
Arrêtée alors qu'elle a tout juste 19 ans, en mars 1944 à Avignon, avec son père, son petit frère de douze ans et son neveu, elle va vivre dans l'horreur des camps et sera la seule de la famille à en revenir. Son père et son jeune frère, déportés en même temps qu'elle, ne reviendront pas. Elle apprendra à son retour, qu'ils ont été gazés dès leur arrivée.
Elle raconte ce qu'elle a vu et vécu dans les camps. Ce qu'elle a compris au fil des jours et ce qu'elle n'a pas pu (ou voulu) voir tant le traitement réservé aux juifs et autres déportés était inhumain. Elle dit avec des mots vrais, la pudeur bafouée, les toilettes immondes où toutes perdront leur dignité de femme, les coups, les humiliations et les brimades de toute sorte, les baraquements où elles sont entassées, le froid et surtout... la faim qui devient une véritable obsession pour s'en sortir.
Elle qui n'était pas allée bien longtemps à l'école, qui vendait sur les marchés avec ses sœurs et continuera à le faire à son retour, a croisé Simone Jacob (Simone Veil) et Marceline Rosenberg (Marceline Loridan-Ivens). Elles auront envie de se retrouver des années après.
Ce n'est pas parce qu'elle a choisi de n'en parler que tardivement (dans les années 2000) que son témoignage a moins de valeur. Au contraire ! Il est indispensable car elle s'adresse encore aujourd'hui, rare survivante des camps, aux jeunes générations, dans les écoles parfois dès le CM2, les collèges et les lycées. Elle accompagne des élèves pour visiter ces camps qu'elle ne reconnait pas, car trop propres et qui ne ressemblent plus à ceux qu'elle a connus.
Elle, elle imagine, eux ne peuvent pas, et c'est tant mieux au fond, car elle se demande tous les jours comment elle a pu survivre à ça.
Il n'y a pas de mots pour décrire l'horreur, il faut le lire et surtout le faire lire aux ados, un point c'est tout, car c'est un témoignage bouleversant mais essentiel sur les camps et sur l'importance de la transmission, pour ne pas oublier et que les jeunes puissent après nous dire haut et fort... Plus jamais ça !
Pour info : Ginette Kolinka a reçu la médaille de citoyenne d'honneur de la Ville de Roanne le 7 mars 2023. Une rue porte désormais son nom dans le centre-ville de la commune. Pourquoi Roanne (?) je n'ai pas encore trouvé d'info précise à ce sujet, mais je ne manquerai pas de compléter mon article le cas échéant.
Jusqu'ici, nous étions encore des êtres humains. Nous ne sommes plus rien.
Birkenau, maintenant c'est un décor.
Quelqu'un qui n'en connait pas l'histoire, ne peut rien voir.
D'ailleurs, quand j'y retourne, je dis toujours aux élèves : " Surtout, fermez les yeux, ne regardez pas !"
Et je leur répète : "Sous chacun de vos pas, il y a un mort."