Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Quand on donne un peu de lait, quelques caresses à un chat de gouttière, il devient affectueux. Si on le jette à la rue, il devient craintif, voleur, sournois, comme nous, les hommes. Les fous, les détenus et les chats m'ont rendu tolérant. Les murs inutiles rendent méchant.
J'étais là, sur ce banc, les reins cassés, des journées entières à attendre que ces créatures cagoulées de noir me passent les menottes et me traînent dans une prison, pour avoir ouvert quinze ans plus tôt un restaurant avec l'un des deux hommes qui avaient passé la moitié de leur vie dans une cellule et qui devaient faire bien peur pour qu'on n'entrouvre même pas les volets.
J'ai sans doute été trop long pour raconter l'étrange voyage du petit libraire de Banon. Personne ne sait où il s'achèvera. Les chemins qu'il a ouverts dans le coeur de tous ceux qui ont franchi le seuil de la maison jaune aux volets bleus poursuivent leur travail de chemin, invisible et profond.
Quand j'ouvre le journal, je constate que tout s'effondre, l'industrie, les valeurs, l'oxygène, le nombre de mots que nous utilisons, l'orthographe, la confiance, surtout celle des hommes, le moral des ménages...
Quand je mets la radio, tout le monde hurle en même temps. Ils hurlent tous la même chose, ils veulent tous avoir raison.
Quand j'allume la télé c'est encore plus terrifiant. Des torrents de boue envahissent les villes, midi et soir, et les terroristes sont partout.
Quand je vais chez Isabelle, le mercredi et le dimanche, je découvre une planète dont personne ne parle...
Voici encore aujourd'hui, un roman largement autobiographique dans lequel l'auteur partage ses notes, écrites de septembre à février dans un cahier. Ce sont des fragments de sa vie, de ses souvenirs et de ses rencontres, et au passage il nous parle de lui_ mais aussi de nous et de nos propres désirs. Chacun s'y reconnaitra.
Que René Frégni s'occupe de son chat, qu'il parte vers d'autres horizons ou accepte de jouer au Père Noël dans une école, il est toujours très humain et bouleversant de vérité. Il sait observer et être attentif à ce qui l'entoure. Il sait apprécier les autres tels qu'ils sont, en mettant le doigt sur ce qu'ils ont de meilleur en eux à partager.
Il va ainsi nous raconter tout un pan de sa vie, chaque mois lui rappelant des souvenirs précis, chaque événement rythmant son quotidien. Un souvenir ou une phrase écrite, font ressurgir d'autres souvenirs toujours aussi vivants et présents dans son esprit.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est par un procès que débute le roman. L'auteur s'est retrouvé dans un tribunal pour avoir ouvert un restaurant des années auparavant avec un homme aujourd'hui sur le banc des accusés. Il sera fort heureusement acquitté après des jours passés dans l'obscurité. Vous verrez pourquoi.
Puis le lecteur apprend l'histoire émouvante du merveilleux (et célèbre) libraire de Banon. Ce très beau personnage qui a créé la "Librairie du Bleuet" à Banon, s'appelle Joël Gattefossé. Il a su en 20 ans faire vivre la cinquième plus grande librairie de France, amenant vers la lecture des gens qui n'avaient jamais mis les pieds dans une librairie et souvent jamais lu ou ouvert un livre, sauf à l'école.
L'auteur nous parle ensuite de quelques personnages un peu perdus dans notre monde comme ce jeune SDF rencontré à Montpellier.
Au passage, il nous raconte sa vie avec Isabelle (celle qu'il surnomme "la fiancée des corbeaux" dans un livre que je vous présenterai durant l'été), des chemins d'automne où il aime aller marcher, de l'odeur des sous-bois après la pluie, du silence de la nature et de sa beauté, ou de ce qu'il voit de sa petite table à travers sa fenêtre...et bien entendu, des femmes.
Il s'interroge sur la violence de notre monde et de la vie, l'injustice, les êtres abandonnés par la société, l'amour.
Le monde vu à travers son regard est tellement plus beau, plus coloré, plus humain qu'il arrive à travers ses écrits à changer encore le notre. C'est un auteur sensible qui aime la vie et partage avec nous ce qu'il voit et ressent dans son quotidien, et pour cela jamais on ne s'ennuie en le lisant, car les mots et ce qu'ils évoquent en nous, ont plus d'importance que l'histoire.
Le lecteur est sous le charme. Voilà pourquoi aujourd'hui je partage autant d'extraits, vous en trouverez sans doute au moins un qui saura vous toucher.
Les avis d'Alex ICI, Tania ICI, ou sur Babelio ICI.
Le béton rend méchant. Nous avons besoin du bruit des feuilles sous nos pas, de l'odeur du genévrier, du buis, de la danse de l'eau sur les pierres qui affleurent autour des vieux moulins...
Marcher en rêvant et cueillir partout la beauté.
Prenez un stylo, dessinez le mot roseau, les yeux presque fermés, en respirant à peine, vous verrez apparaître toutes les rivières que vous avez connues et celles que vous n'avez jamais vues. Vous sentirez rouler dans votre corps les torrents glacés des montagnes et l'eau paisible de l'été...
Nous avons tous, dans nos vies ou dans nos rêves, des instants monstrueux, des recoins innommables. Aucun de nous ne peut vivre sans beauté.
Ecrire quelques mots chaque jour. Des petits fragments de vie qu'on ramène chez soi, dans ses yeux, sur sa peau, ses cheveux, la lourdeur des jambes. Les odeurs d'automne qui se dispersent lorsqu'on retire sa veste. Les mots attisent, comme un souffle puissant, les braises de la vie. Ils la font rougeoyer, brasiller, s'étendre. Ils éclairent nos jours.
Ce sont les peurs et les désirs qui nous rendent vivants, même lorsqu’ils surgissent entre deux pages, dans l’obscurité d’une prison.
Nous avons tous un petit jardin secret que l’on atteint par des routes bordées d’acacias, de sureaux et de songes. Il ressemble à ces petits cimetières que l’on trouve à la sortie des villages, il protège nos plus beaux souvenirs, ce que nous avons de plus précieux. Dans ses jardins saute et gambade notre enfance, défilent tous les chagrins d’une vie.
Un jour je ne serai plus là pour sentir sur ma peau toute la beauté de septembre, son immense douceur, tous les mots que je trouve en marchant sur les galets brûlants des rivières ou dans la poussière des champs.