Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
A-t-on jamais vu en Algérie des généraux se montrer bienveillants à l'égard d'une révolte ?
Lorsque le terrorisme faisait rage, Mohamed, qui devait tous les jours se battre contre les groupes terroristes, arrêta la prière pendant dix ans. Le temps de cette guerre. Il n'en parla à personne, n'expliqua rien à sa femme. Prier lui était devenu tout simplement impossible. Il y avait trop d'horreurs autour de lui...
Adila s'arrêta d'écrire pour relire ses notes qu'elle prenait dans un carnet noir qui trainait dans le tiroir de son bureau depuis des années. Elle n'avait jusqu'alors jamais ressenti le besoin d'écrire ses mémoires ou de parler du passé. Elle avait toujours préféré le présent et se battre pour l'avenir, mais...pour la première fois de sa vie, elle est effrayée à l'idée que son passé disparaisse avec elle.
Nous sommes en 2016, à Dely Brahim, une petite commune de l'ouest d'Alger, dans la cité dite du 11 décembre.
Les enfants du quartier jouent tous les jours au foot sur un terrain vague au milieu du lotissement, même les jours où la pluie rend le terrain boueux quasiment impraticable.
Ce terrain est leur fief, le siège de leurs rêves de gloire et d'avenir.
Le quartier est calme, le lotissement habité par des familles de militaires ou alors par des militants comme Adila, une femme qui n'a peur de rien. Elle a combattu les français pendant la guerre d'Algérie et est respectée de tous.
Mais un jour, deux généraux débarquent à l'improviste, des plans à la main. Ils ont décidé de bâtir sur le terrain de belles villas. Les papiers officiels attestent qu'ils en sont les propriétaires.
Les enfants, sûrs de leurs droits, avec l'innocence de leur jeunesse s'en prennent aux deux généraux.
C'est autour de trois jeunes ados, Inès (la petite-fille d'Adila), Jamyl et Mahdi que, les jours suivants, une véritable résistance s'organise : tous les enfants du quartier et des alentours viennent prêter mains fortes et occuper le terrain, campant là au milieu des maisons du lotissement, bien décidés à ne pas bouger quoi qu'il advienne pour faire valoir leurs droits.
Mais, le Général Saïd a lutté pendant des années contre toute forme d'islamisme. L'autre Général, Athmane, a été recruté par le service juridique de l'armée alors qu'il n'avait pas terminé son cursus. Tous deux en tant que Généraux, connus et respectés, se sentent humiliés par les enfants. Ils vont donc décider de ne pas en rester là...
La tension monte et les réseaux sociaux s'en mêlent.
Dans l'esprit des gens, les enfants ne conspirent pas, les enfants ne luttent pas. Si un seul adulte dans ce pays imaginait trois secondes qu'un petit pouvait échafauder des plans, se battre contre un ordre établi ou quoi que ce soit dans le genre sans être manipulé ou poussé par un grand, voire un gouvernement étranger, les enfants seraient sur écoute, ils seraient suivis, ils seraient arrêtés. On créerait des camps spécialement pour eux.
De cet auteur, j'ai déjà lu et présenté ICI sur le blog, "Nos richesses", un roman que j'avais beaucoup aimé et qui avait obtenu plusieurs prix dont le Renaudot des Lycéens.
Le roman que je vous présente aujourd'hui, est inspiré de faits réels. Il est très vivant chacun des personnages demandant aux autres comment tout cela a commencé, les détails des faits qui sont reprochés aux enfants, ce qu'ils font au quotidien. Il y a donc beaucoup de rythme et de dialogues. La parole est donnée aux enfants bien entendu mais aussi à ceux qui observent les événements de l'extérieur, ce qui donne un ton très réaliste à l'histoire.
J'ai trouvé particulièrement bouleversante, l'histoire d'Adila la grand-mère d'Inès. Il y a autour d'elle et des enfants, plusieurs générations qui se côtoient tout en ayant beaucoup de choses à raconter sur leur passé. Tous attendent des changements politiques qui tardent à venir et nous relatent l'Histoire de l'Algérie depuis l'Indépendance et le mal que ce pays a, pour trouver son identité.
Les enfants se montrent plus courageux que leurs parents et nous étonnent par leur détermination. La place de la femme dans la société n'est pas occultée et occupe une belle partie du roman.
Ce roman n'est qu'un prétexte pour l'auteur pour nous parler de la Société algérienne avec sa corruption, son besoin de pouvoir et son hypocrisie, symbolisés par les deux Généraux, mais aussi pour nous parler de l'espoir en l'avenir des jeunes qui veulent avant tout que tout cela change.
Prix du Roman métis des Lycéens.
Peu de nos voisins savent à quoi fait référence cette date du 11 décembre 1960 qu'ils inscrivent pourtant à chaque fois qu'ils doivent renseigner leur adresse. Quelques-uns se rappellent vaguement que ce jour-là avaient eu lieu de gigantesques manifestations pour l'indépendance à Alger et dans plusieurs autres villes mais à part ça ?