Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Deux âmes se découvrirent et résonnèrent l'une en l'autre. Deux planètes s'alignèrent de manière si exacte que s'éleva, audible pour ces seules enfançonnes, une musique qui ne devait jamais s'assourdir.
Cela fait très longtemps que je n'ai plus rien lu d'Amélie Nothomb. La liste pour se procurer son dernier titre à la médiathèque était impressionnante et je pensais ne pouvoir l'emprunter qu'en janvier prochain, quand j'ai pu finalement l'emmener à la maison...
Il se lit vite en très peu de temps car comme habituellement il comprend peu de pages (194 exactement !) et il est écrit gros. De plus, quand on entre dans l'histoire et que l'on fait connaissance avec cette famille un peu particulière, on a envie de savoir la suite et donc de poursuivre notre lecture.
L'histoire
Florent et Nora constituent aux yeux de tous, un couple pas comme les autres car très uni, amoureux et passionné malgré le temps qui passe, ce qui est bien bizarre du point de vue des jaloux qui les entourent, mais très romantique finalement. Nous comprendrons à la toute fin du roman ce que ce couple particulier cache de malsain.
Lorsque naît Tristane, leur première petite fille, les choses changent...mais pas forcément comme tout le monde s'y attendait, car la naissance de ce premier enfant ne modifie en rien leur mode de fonctionnement. Ils sont toujours amoureux et trop exclusifs. Tristane leur apparaît comme une intruse, entrée sans autorisation dans leur monde.
Elle est particulièrement en avance pour son âge. Quand son père lui demande, alors qu'elle n'a que quelques mois à peine, d'arrêter de pleurer la nuit parce qu'elle les dérange, elle semble le comprendre et cesse de pleurer pour toujours.
Quand on s'inquiète de ne pas l'entendre parler alors qu'elle a l'âge, elle comprend ce qu'on attend d'elle et se met à parler comme un livre, en employant un vocabulaire compliqué, sans que ses parents n'en soient étonnés.
C'est que toute petite, seule, éveillée dans son berceau (et délaissée par ses parents) elle s'ennuyait, elle a donc appris à rêver, à se raconter des histoires et à penser par elle-même.
Particulièrement sage autant à la maison qu'à l'école, elle apprend à lire et écrire toute seule bien avant l'âge requis, mais le cache à son entourage de peur de blesser ses parents.
Eux ne voient rien, trouvent tout normal, n'écoutent ni les dires de la maîtresse, ni ceux des autres personnes qui la côtoient. Ils vont même jusqu'à la confier à sa tante, Bobette, la sœur de Nora, qui élève déjà toute seule 4 enfants dans des conditions socialement difficiles. Là-bas, Tristane va être adulée, se mettre à cuisiner, et apprendre à ses cousins à lire, à faire leurs devoirs, à dessiner. Elle s'attache beaucoup à Cosette, la plus jeune des enfants, dont elle est la marraine.
C'est tout naturellement qu'à la naissance de leur petite Laetitia, Florent et Nora la confient tout de suite aux bons soins de sa jeune soeur...de seulement 4 ans son aînée !
Entre les deux sœurs, un amour puissant se développe. Mais Tristane malgré ses dons ne cessera jamais même en grandissant, d'avoir peur de manquer d'amour, elle restera une "petite fille terne" comme elle a entendu sa mère le dire, une petite fille qui ne s'éveillera que lorsqu'elle sera entourée de ceux qui la comprennent et l'aiment vraiment, alors que Laetitia, aux yeux pétillants, sera toujours comblée et sûre d'elle en toutes circonstances.
La justesse de la parole maternelle la cloua sur place.
Petite fille terne : c'était sans espoir. Une petite fille grosse peut mincir. Une petite fille laide peut embellir. Que peut-il arriver à une petite fille terne ? Comment son absence d'éclat pourrait-elle s'inverser ?
Mon avis
C'est un roman que j'ai eu envie de lire parce qu'il n'y avait qu'une seule phrase écrite sur la quatrième de couverture qui m'a donné envie de le faire : "Les mots ont le pouvoir qu'on leur donne..." ce que j'ai trouvé très juste.
Il s'agit en fait, après lecture, d'un conte moderne qui analyse les liens familiaux avec humour et une pincée de cynisme. Les personnages sont fantasques, à la fois proches du réel et très éloignés. Il y a de l'improbable dans ce texte et, certains événements peuvent bien entendu dérouter le lecteur, mais n'est-ce pas le but de l'auteur de nous déstabiliser en mettant le doigt là où ça fait mal, tout en nous demandant d'interpréter au second degré certains des évènements ?
Bien que leur vie de famille soit loin d'être facile, et les rebondissements nombreux, les deux sœurs vont réussir à rester proches l'une de l'autre, à vivre des projets en commun, à bâtir leur avenir amoureux et professionnel tout en continuant à s'aimer. Leur lien est très fort et apparait indestructible.
Le titre du roman est parfaitement en accord avec son contenu, mais il nous parle en fait de quatre sœurs, même si l'histoire est davantage axée sur Tristane et Laetitia qui ne peuvent vivre l'une sans l'autre depuis toutes petites, et sauront se réconforter l'une l'autre tout au long de leur vie, le roman aborde aussi les relations compliquées entre Nora, leur mère, et sa sœur Bobette, toutes deux foncièrement différentes, qui n'ont ni la même vision de la vie, ni de la famille, ni du bonheur...
La lecture est fluide, facile avec quelques mots savants au passage comme l'auteur sait si souvent en glisser dans le texte. Il est aussi beaucoup question de musique dans l'histoire mais à ce sujet je ne vous en dirai pas davantage.
Ce roman peut être lu dès le lycée sans problème comme tous les romans de l'auteur.
Elle avait toujours été triste parce que ses parents n'avaient jamais cessé de faire bande à part. Rien, dans leur attitude, n'indiquait qu'ils aient besoin d'elle, qu'elle soit l'essentiel de leur vie...
Ce n'était pas que papa et maman ne l'aiment pas, ou soient méchants, ou la battent, ou qu'elle leur soit indifférente. C'était pire.