Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Dans les villages où on l'accueillait, elle ne se sentit jamais menacée. Il ne se passait pas une journée sans un geste dont la beauté la remplissait d'émotion. Un matin où elle s'était assise sous un arbre pour écrire, une petite fille en haillons s'installa à ses côtés. L'enfant lui pris la main et la conduisit jusque chez elle, à quelques kilomètres de là, dans une maison sans fenêtre faite de bouse de vache et de boue où il fallait se pencher pour entrer...Clarisse comprit ce que "bienvenue" voulait dire : celle dont la venue est agréable.
A l'instant où Clarisse avait vu les portes-fenêtres donnant sur le ciel, elle avait senti un apaisement. Ce lieu, c'était le contraire de la grotte où elle avait grandi. Elle était sûre qu'au septième étage, n'importe quel mur porteur pouvait être abattu...
Deux femmes différentes autant physiquement que dans leur manière d'appréhender leur vie, et donc le bonheur, sont reliées entre elles par un secret de famille que le lecteur ne découvrira qu'à la fin.
Clarisse vit à Paris mais adore voyager surtout en Asie, ce qui lui permet de vivre intensément. C'est d'ailleurs en voyage qu'elle rencontre Hendrik avec qui elle se mariera et aura trois fils, Martin, Lucas et Zacharie. Mais la vie n'est pas un long fleuve tranquille et un jour ce dernier part avec sa meilleure amie...classique me direz-vous !
De ce jour là, rien ne sera plus comme avant pour Clarisse même si elle sait rebondir et vivre dans l'instant présent. Elle s'amuse à écrire un roman, continue à séduire les hommes de passage ou ceux qu'elles rencontrent en voyage. Elle veut avant tout être heureuse tout de suite, sans attendre. Mais ce faisant, elle rencontre souvent des hommes très égoïstes.
Elle va être aidée un temps par François, qui malheureusement est bipolaire, et va l'abandonner sans explication, les laissant elle et ses trois fils meurtris par cet abandon. La vie quotidienne devient alors extrêmement difficile et ils vivent dans le dénuement le plus total.
Clarisse va réaliser qu'elle a reproduit inconsciemment le schéma familial, sinon pourquoi n'arriverait-elle pas à garder un homme auprès d'elle ?
Eve est elle-aussi française et très attachée à sa Bretagne, mais elle vit à New York avec Paul son mari, qui est américain. Tout deux sont heureux avec leur deux filles Hannah et Houston.
Eve a besoin de rigueur, de stabilité pour son équilibre. Il faut qu'elle planifie tout, même si la vie lui joue parfois des tours, elle tentera toute sa vie de ne pas se laisser déborder et de tout maîtriser.
Passionnée par la cuisine, elle se consacre à préparer des repas et toutes sortes de fêtes jusqu'à se décider à créer sa propre entreprise. Mais sa vie ronronne et elle s'ennuie.
Par hasard, en menant les enfants à l'école, elle rencontre un homme plus jeune qu'elle avec qui elle aura une brève aventure, rapide mais non moins intense, jusqu'à ce qu'il quitte New York et rentre en France.
Eve trouve cependant le bonheur dans la stabilité avec son mari sur qui elle peut compter. D'un naturel raisonnable, elle a su développer avec lui une relation stable et des sentiments profonds faits pour durer.
Eve aussi s'aperçoit qu'elle reproduit le schéma familial. La stabilité elle y tient...mais n'est-ce pas au détriment de son bonheur ?
Elle appartenait à une lignée de femmes qui ne retenaient pas leurs hommes. De femmes sans valeur à leurs propres yeux, que les hommes pouvaient prendre et jeter.
Elle mettait enfin des mots sur sa douleur. "La structure de l'abandon". Pour la première fois elle comprit qu'elle n'était pas coupable de ce désastre, mais victime. Elle répétait un destin.
La cuisine, c'est pareil. L'intuition et le tour de main ne suffisent pas : il faut être précis et vigilant, respecter la recette au gramme près. C'est le contraire de ma nature.
Il hocha la tête.
L'écriture aussi est un art de la précision. On assemble des ingrédients en suivant une vision, mais au bout du compte ce qui importe, c'est de trouver le bon dosage. Il faut sans cesse recommencer. "Lit et rature" : c'est écrit dans le mot.
C'est un roman qui se lit facilement, les chapitres alternant entre l'histoire de Clarisse et celle de Eve. Le fait de passer de l'une à l'autre ne m'a pas posé de problème, mais c'est vrai qu'au début je me suis demandée où l'auteur voulait nous emmener. Le lecteur comprend heureusement assez vite que ces deux femmes tellement différentes ont un lien, mais il ne le découvrira qu'à la fin du roman.
Le roman débute en donnant des clés de compréhension au lecteur. Clarisse vient de mourir et Eve est allée à son enterrement. On lui a remis une clé USB qui contient un roman écrit par Clarisse quelques années auparavant et poursuivi ensuite. La première partie du livre relate ce roman, entrecoupé par Eve qui, en parallèle, raconte sa propre vie au fil des années. Dans la seconde partie, c'est Eve qui raconte seule les circonstances de sa rencontre avec Clarisse.
Le récit de Clarisse commence de manière choc par les événements de l'été 1979, ce qui nous donne envie de poursuivre son histoire avec plus d'intérêt.
Je reconnais que je me suis surtout attachée à Clarisse, tellement en difficulté, et beaucoup moins à Eve qui a été davantage gâtée par la vie. Et c'est dommage parce qu'une partie du roman je suis restée un peu en dehors comme si j'étais simplement spectatrice et je n'ai fait que survoler certains passages lors de ma lecture.
Pourtant l'auteur écrit bien. Elle a beaucoup de sensibilité pour décrire les différents évènements qui adviennent dans la vie de nos deux héroïnes. Elle pose un regard lucide mais plein de bienveillance sur ces deux femmes tellement différentes. En brossant quarante ans de vie de ses héroïnes, elle nous fait revivre certains événements extérieurs que nous avons connus. Certains passages m'ont fait sourire car en tant que femme nous avons forcément des souvenirs de notre propre jeunesse puisque le roman débute dans les années 80.
De plus, l'auteur sait mettre le doigt sur nos contradictions, nos forces et nos faiblesses. Leur vie, comme la notre, est faite de bons et mauvais moments, d'erreurs et de rebondissements...de moments de doutes, de culpabilité, de questionnements.
J'ai bien aimé la façon dont toutes deux abordent la vie, l'amour, le désir, la vie de famille, le bonheur. J'ai toutefois trouvé un peu trop caricaturaux certains passages qui véhiculent beaucoup de clichés en particulier concernant les hommes, ce qui m'a fait penser que l'auteur surfait sur les sujets à la mode.
Je suis donc partagée tout en ayant passé un très bon moment de lecture.
Dès que nous étions séparées, elle me manquait. Me manquaient sa gaieté, son énergie, ses yeux pétillants, sa voix soyeuse et son rire. Clarisse me faisait renouer avec la liberté de l'enfance_ l'âge où je passais des heures à ramasser des coquillages sur la plage en Bretagne. Même alors je ne collectionnais pas les coquillages pour eux-mêmes pour leur beauté, mais pour en faire une œuvre que j'offrirais à ma grand-mère : j'avais toujours un but.