Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La guerre avait pourtant accéléré nos existences : ce qui était vivant pouvait être mort le lendemain, et ce qui était mort, oublié le jour d'après. Tout cela, cette expérience sauvage de la vie, aurait dû nous engager à vite profiter des jours....
Tout cela démarra dans un esprit sain, et ne se mit en œuvre que pour le bien de la nation et le développement de son élite, et même si ce système s'embarrassait peu des velléités des parent, et montrait même une certaine sauvagerie, à l'aune d'une guerre qui avait fracassé tant de gens et envoyé en première ligne des milliers de jeunes cela restait acceptable et cohérent.
Je ne résiste pas cette semaine à vous présenter encore deux romans dont le sujet cette fois est l'après-guerre.
Au début de "Ainsi Berlin", la Seconde Guerre mondiale vient de s'achever. Käthe et Gerd, tous deux résistants communistes allemands sont amoureux et veulent changer le monde qui les entoure tout en respectant leurs idéaux communistes. La ville de Berlin est dévastée, les bombardements ont eu raison de sa beauté et les habitants attendent qu'elle soit reconstruite.
Mais, peu à peu, quatre puis deux zones de l'Allemagne se mettent en place, et au début des années 60, un mur est érigé pour les séparer, créant deux zones dans la ville.
Käthe et Gerd qui résident à l'Est, imaginent alors un programme où les enfants de toute une génération, présumés supérieurs et particulièrement intelligents car tous nés de parents scientifiques ou intellectuels et donc de l'élite du pays, seraient élevés loin de leur famille et éduqués pour devenir des êtres engagés dans l'avenir de leur pays.
C'est le programme Spitzweiler (un programme qui a réellement existé).
Parmi les enfants de ce programme, il y a Dietrich, le fils de Gerd, un enfant qu'il a eu avec Mareike, elle-aussi une scientifique, suite à des vacances passées ensemble sur l'île de Rügen. Elle quittera le pays, inconsolable, une fois que son fils lui sera arraché à la naissance pour être accueilli (toujours selon ce programme) dans une famille de paysans.
A l'Est de Berlin, une véritable dictature s'est mise en place : tous sont espionnés, réprimés et doivent faire attention non seulement à leurs actes mais aussi à leurs paroles à chaque instant de leur vie.
A l'Ouest de Berlin, de l'autre côté du mur où Gerd se rend souvent, la liberté à l'occidentale est devenue la règle.
Là-bas il fait la connaissance de Liz (Elisabeth), une jeune veuve américaine. Elle est architecte et est venue de son pays natal pour aider à reconstruire la ville. Gerd tombe amoureux, pourtant au fond de lui, il aime toujours Käthe...
Toutes deux sont énergiques et prêtes à tout pour réaliser leurs idéaux.
A l'Est, Khäte n'est pas réellement perturbée par toute cette surveillance. Elle porte en elle suffisamment de rigidité et de froideur pour ne pas laisser libre cours à ses sentiments et ne ne vit que pour son idéal communiste. Elle a des idées radicales, mais fascine Gerd qui est très attaché à elle.
Liz, à l'Ouest, est au contraire libre, gaie, pétillante et compte bien continuer à vivre ainsi.
Voilà Gerd coincé entre elles deux, tellement différentes : deux amours, deux fortes personnalités et surtout deux façons de voir la vie.
Alors que les convictions de Gerd commencent à s'effriter au contact de Liz, il est chargé de surveiller discrètement la construction d'un tunnel qui doit permettre à certaines personnes de l'Ouest de passer à l'Est.
Le voilà mis en péril...
Avec une écriture simple mais prenante, l'auteur nous fait entrer dans l'intimité de ses personnages, tout en nous présentant leurs idées, leurs contradictions, leur capacité à s'engager dans leur lutte. En fait, très peu de mots seront réellement prononcés entre eux , mais le lecteur entendra tout ce qui n'est pas dit, entre les lignes.
Avec beaucoup de justesse, de réalisme et de finesse, l'auteur nous décrit les difficultés de leur vie quotidienne, la surveillance constante qu'ils doivent supporter à l'Est, leur courage, leurs engagements et leurs inquiétudes.
Le lecteur qui n'avait pas forcément pris Gerd en affection va peu à peu au fil de l'histoire, le trouver de plus en plus sympathique, car le conflit intérieur de notre héros est épuisant pour lui et nous le rend attachant. Il doit lutter en permanence entre ses convictions politiques, ses idéaux et ses sentiments et le lecteur ne peut rester indifférent devant ses doutes. N'oublions pas aussi que son fils a été arraché à sa mère et que le fait qu'il soit intégré dans le "programme" n'est pas sans conséquence pour Gerd.
Il est tellement humain et ne sait plus à qui faire confiance qu'il en est touchant.
Khäte est dure en affaire et ne fait pas de quartier quand il s'agit de faire avancer ses idées et de les mettre en application. Le lecteur en est effaré car elle n'hésite pas à tuer avec des méthodes expéditives si nécessaire. Autant vous dire qu'elle n'a rien de sympathique. Elle connait l'existence de Litz ce qui crée du suspense car à chaque instant le lecteur se demande ce qu'elle peut lui faire et ne veut surtout pas que cela arrive.
Le lecteur (re)découvre aussi les réseaux composés d'espions de tout bord et de traitres, ainsi que la méfiance qui ne peut que s'installer entre les hommes, y compris au sein des groupes.
J'ai pris du plaisir à lire ce roman qui n'est jamais triste et évoque si bien l'atmosphère du début de la guerre froide. Ce qui est intéressant aussi, c'est que l'auteur ne porte aucun jugement sur les personnages quel que soit leur rôle dans l'histoire ou leurs actions.
Mais je ne vous en dirai pas plus...
Un auteur à découvrir ! Je viens de finir un autre titre du même auteur que je vous présenterai bientôt...