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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Les spectateurs / Nathalie Azoulai

P.O.L. 2018 / Poche 2019

P.O.L. 2018 / Poche 2019

De là-bas, elle n'a pas rapporté grand-chose, quelques vêtements, quelques objets, sa pile de "Photoplay". Il lui demande souvent de lui décrire ce moment où il a fallu faire ses valises, il veut qu'elle lui raconte par le menu comment on s'y prend pour quitter sa maison, son pays, ce qu'on décide d'emporter, de laisser, le regard qu'on pose sur les choses, le temps dont on dispose pour faire ce tri.

A Paris dans les années 60, une famille vient d'acquérir sa première télévision noir et blanc, un luxe encore à cette époque. Les parents écoutent attentivement une conférence de presse du Général de Gaulle. Le fils, âgé de 13 ans ne comprend pas grand chose à ce qu'il raconte, il voit juste que ses parents sont en colère. Des questions le hantent auxquelles personne ne répond. Il ne sait pas quel est le pays que ses parents ont quitté alors que sa mère l'attendait, car ils ne lui ont jamais rien dit. Il est bouleversé à l'idée qu'un jour il lui faudra peut-être lui aussi tout quitter pour partir loin d'ici, où il est né. 

Il pose des questions et cherche à comprendre pourquoi sa mère a rempli ses valises de magazines de mode, qu'est-ce qu'elle a choisi de laisser derrière elle pour toujours, qu'est devenue sa famille. Il faut dire qu'elle aime à la folie tout ce qui touche au cinéma hollywoodien.  Elle passe ses journées à parler de ses héroïnes préférées, se fait faire des robes par la voisine qui est couturière afin de mieux s'imprégner des scènes cultes, s'invente une vie de rêve. De plus, elle sait profiter de son charme, et son mari la laisse faire. Lui est plutôt grave et peu bavard, le lecteur comprendra pourquoi au fil des pages. 

Mais ce sont des parents aimants même si la vie a failli les séparer, si le destin s'est mis en travers de leur route, et qu'il leur a fallu tout quitter pour continuer à vivre. 

Peu à peu, tout en s'occupant de sa jeune sœur qui souffre d'une dysplasie congénitale de la hanche et doit bientôt faire un long séjour à l'hôpital, le jeune garçon rassemble peu à peu des éléments de réponse et surprend des conversations qui ne lui étaient pas destinées.

Pourquoi ses parents ont-il quitté leur pays ? 

Que faut-il emporter dans les valises, parmi tous les souvenirs du passé, quand on sait qu'on ne reviendra jamais ?

Quels mots du Général ont ainsi mis ses parents en colère ? Et pourquoi ?

Sur le trajet du retour, elle peste, soupire, ne cesse de dire qu'elle déteste la télévision, que c'est le diable dans la maison, qu'elle préfère le cinéma. Elle verra désormais les films sans avoir à sortir de chez elle, dit son père, en chemise de nuit même si elle veut. Et pourquoi pas en chaussons ? Un film, ça se regarde habillée et maquillée, cingle-t-elle. Jamais elle ne supportera d'être ainsi diminuée face à toutes ces actrices pimpantes.

Au salon, son regard se pose d'emblée sur la photo de ce grand-père resté là-bas, trop vieux et trop malade pour partir, dit-elle dans l'escalier, voyant peu à peu son monde se réduire aux dimensions de sa maison, son fauteuil, son lit, et quand il s'entend demander, vous vous êtes embrassés ? vous avez pleuré ? tu l'appelais papa ? il sait désormais que, sous ses questions, il cherche une image, une scène précise ; ce moment où les familles se fracturent, se fendent, où les enfants partent vivre et grandir là où leurs parents ne sont jamais allés, n'iront jamais.

Voilà un roman à la fois étrange et bouleversant...

Le narrateur est le jeune garçon, ce qui donne une ambiance particulière car beaucoup de choses sont suggérées au lieu d'être expliquées clairement.

C'est un roman très littéraire, et j'ai mis pas mal de temps à entrer dans l'histoire. Le lecteur ne sait rien de cette famille qui est partie un jour de son pays d'origine pour venir s'installer à Paris. Peu à peu, en même temps que le jeune garçon comprend, des bribes de réponses apparaissent. Il est question de la guerre des six jours, de la fameuse phrase du Général qui a créé la polémique et choqué les juifs de France.

C'est un roman que je trouve à la fois très fort et qui me touche profondément, tout en me laissant par moment sur le bord de la route...avec plus de questionnements que de réponses.

Le fait que l'histoire de ce jeune garçon et de sa famille soit entourée de mystères, donne finalement au récit, un caractère universel car il s'adresse à tous les exilés de la terre. C'est un roman qui nous parle de survie, de l'angoisse d'arriver dans un pays inconnu dont la plupart du temps, les exilés ne comprendront pas toutes les subtilités de la langue, du fait qu'ils chercheront tous à protéger leurs enfants pour qu'eux n'aient jamais à vivre ce qu'ils ont vécu. Ainsi ils ne diront rien des conditions et des raisons de leur départ, ni de la souffrance de l'exil.

C'est pour cela que le titre est particulièrement évocateur car nous les lecteurs qui n'avons pas vécu l'exil, ou un exil différent de cette famille, ne pouvons être que des "spectateurs", comme le seront aussi malheureusement leurs enfants...même s'ils sont à la recherche de leurs racines et cherchent à se rapprocher de leurs parents pour mieux les comprendre. 

Malgré le flou, le mystère, les propos non expliqués que j'ai du interpréter peut-être en commettant  des erreurs, j'ai fini par lâcher prise, par ne plus me poser de questions et je me suis laissée porter par l'histoire de cette famille d'exilés et j'ai eu du plaisir à le faire. 

C'est le second roman de Nathalie Azoulai que je lis (voir la chronique de "Titus n'aimait pas Bérénice" ICI) et je m'habitue peu à peu à sa plume très littéraire et ciselée, une plume à découvrir assurément. 

Quand la nuit tombe, quand le parc se vide, il vient s'asseoir et il parle au hêtre pourpre. Deux fois centenaire, expliquent les jardiniers. Quand il leur demande s'il mourra, ils répondent qu'il était là avant eux et qu'il sera là après eux. Il n'ose demander s'ils l'incluent dans ce "eux" mais cette réponse l'enchante, comme si le temps devenait une ligne continue, sans suture ni fracture, comme s'il était possible d'être né quelque part, d'y vivre et d'y mourir.

Les chocs mettent parfois du temps à descendre dans les corps, attendent, tapis, ne les brisent qu'à retardement.

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M
J'aime beaucoup l'idée d'exploiter la thématique de l'exil de cette manière. Je ne pense pas prendre le temps de me plonger dans cette lecture mais je garde la référence. Merci pour ce beau retour.
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S
Ça ne me tenterait pas, je ne sais pas pourquoi, l'histoire est floue comme tu dis, et les années 60 sont si loin, ou peut-être à lire pendant des congés, à tête reposée. Bises à toi
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A
Titus n'aimait pas Bérénice n'était déjà pas un texte simple.
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P
Bonjour Manou,<br /> Merci pour ce partage. cela me plait car c'est le début des années 60 et il est vrai qu'à cette époque la télévision en N/B était un luxe. Peu de gens en possédaient une.<br /> L'exil est toujours douloureux. On perd nos repères. Je crois que ce livre me plairait et je note le titre et l'auteur.<br /> Merci pour tout. Bises de douce journée
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A
Je note cette auteure. C'est bien de voir d'autres écritures. Bises
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L
Bonsoir Manou,<br /> Perso il ne me tente pas. D'ailleurs tu sais bien que je lis que très peu, mais parfois tu me donne tout de m^me l'envie de lire. Bonne soirée. Huguette
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P
Je ne connais pas du tout et, d'après ce que tu en dis, je pense que je peux passer mon tour sur ce titre. <br /> Bonne soirée.
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V
je ne sais pas si je suis tentée ou rebutée par tout ce flou et ce mystère... :)
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B
Les années 60 sont les années de mon enfance, je note le titre pour cette raison.
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J
le travail de Nathalie Azoulai mérité l'attention . je termine "le parfum" et me laisse tenter par cette proposition de lecture . Un roman étrange et bouleversant, çà m'interpelle ! Merci Manou, ta bulle est un bonheur !
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R
Roman qui semble tourmenté et qui tourmente donc le lecteur...Bisous bonne journée
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E
Bonjour Manou. Ma belle-famill était déracinée du Maroc et en était meurtrie. Bisous
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B
Encore un livre que tu nous présentes bien et qui me plairait certainement<br /> Je note son titre.<br /> Je ne sais pas si j'aurai assez s'une vie pour tout lire... J'ai beaucoup de livres qui attendent que je les ouvre...<br /> Bisous
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R
What a moving review. Thank you. HUGS
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C
bonjour Manou<br /> j'ai connu cette situation...j'étais jeune mais j'ai encore des images à jamais gravées<br /> bisous
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F
Bonjour, sans surprise, sans moi !! je viens de finir " des ailes d'argent " de Camilla Läckberg, apparemment il y aura une suite; je te souhaite une bonne journée, bisous
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D
Je vois qu'en ce moment tu lis beaucoup de textes autour du thème de l'exil. Ton avis m'a aussi donné envie de lire celui-ci :)
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M
Ta reticence est compensée par le résumé de l'histoire et me donne malgre tout envie de decouvrir ce livre... ca m'arrive aussi de terminer un livre et de me demander si j'ai bien compris ou de me dire que malgré les difficultés pour le lire , l''histoire ou le personnage m' a plu. Merci pour cette decouverte. Bisous
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M
j'ai connu beaucoup de familles de rapatriés, quel courage il leur a fallu pour quitter cette terre, c'était le bateau ou le cercueil !!! ils devaient tout laissé, et l'accueil qu'ils ont eu de la part des français n'a pas été bien beau non plus !!! mais je ne lirais pas ce livre cette période est encore trop vive pour moi. bisous bisous
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G
Merci Manou<br /> Ton cerveau est une bibliothèque !<br /> Bon mercredi
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