Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
La partie Sud-Est du Berri renferme quelques lieues d’un pays singulièrement pittoresque. La grande route qui le traverse dans la direction de Paris à Clermont étant bordée des terres les plus habitées, il est difficile au voyageur de soupçonner la beauté des sites qui l’avoisinent. Mais à celui qui, cherchant l’ombre et le silence, s’enfoncerait dans un de ces chemins tortueux et encaissés qui débouchent sur la route à chaque instant, bientôt se révéleraient de frais et calmes paysages, des prairies d’un vert tendre, des ruisseaux mélancoliques, des massifs d’aunes et de frênes, toute une nature suave et pastorale.
Rien ne saurait exprimer la fraîcheur et la grâce de ces petites allées sinueuses qui s’en vont serpentant capricieusement sous leurs perpétuels berceaux de feuillage, découvrant, à chaque détour, une nouvelle profondeur toujours plus mystérieuse et plus verte. Quand le soleil de midi embrase, jusqu’à la tige, l’herbe profonde et serrée des prairies, quand les insectes bruissent avec force et que la caille glousse avec amour dans les sillons, la fraîcheur et le silence semblent se réfugier dans les traînes. Vous y pouvez marcher une heure sans entendre d’autre bruit que le vol d’un merle effarouché à votre approche, ou le saut d’une petite grenouille verte et brillante comme une émeraude, qui dormait dans son hamac de joncs entrelacés.
Quand elle était enfant, Valentine a été heureuse dans sa vie de famille. Mais depuis le jour où sa mère, la Comtesse de Raimbault, a chassé de leur foyer, Louise, sa demi-sœur, rien n'a plus été comme avant, d'autant plus que Valentine, trop jeune, n'a pas compris ce qui occasionnait chez sa mère un tel courroux.
La pauvre Louise avait tout simplement été "mise enceinte" par un des amants de la Comtesse...En ce temps-là pour éviter le déshonneur, il n'y avait pas d'autres solutions que d'éloigner l'objet du scandale.
La Comtesse est une femme aigrie par la vie et qui ne supporte pas du tout de vieillir, même sa propre fille, par sa beauté, lui fait ombrage. Elle destine Valentine au Comte de Lansac qui est assez riche pour qu'elle puisse continuer à briller en société, qu'importe ce qu'en pense la principale intéressée, personne ne lui a demandé son avis.
Louise ayant appris le mariage proche de sa jeune sœur, décide de rentrer au pays. Elle est invitée à séjourner chez son ancienne nourrice, Mme Lhéry qui l'accueille simplement afin de ne pas attirer les soupçons des autres employés de la ferme, les Lhéry travaillant pour la comtesse. Louise compte entrer en contact avec Valentine qu'elle languit de serrer dans ses bras.
Les Lhéry ont recueilli leur neveu, Bénédict et espère le voir épouser leur fille Athénaïs qui est très amoureuse de lui, mais, étant un beau partie, car la plus riche héritière de la région, elle est aussi très convoitée par tous les jeunes gens du pays. Mais Bénédict trouve que sa cousine est bien trop superficielle (et vaniteuse). En fait, elle a été tellement choyée par ses parents, élevée au dessus de sa condition, qu'elle n'a appris à penser qu'à elle-même, bien que très bonne de caractère, au fond d'elle-même.
Bénédict s'intéresse de plus près à Louise qui le repousse, ayant une certaine expérience de la vie et un fils qu'elle n'a pas amené avec elle, elle juge que Bénédict n'a pas d'ambition et devrait construire un projet d'avenir au lieu de batifoler. Elle lui reproche aussi de ne pas être assez gentil avec sa cousine et pas assez à l'écoute de son cœur.
Un soir Bénédict croise Valentine qui s'est égarée en voulant rejoindre seule le château. Il fait nuit, il sait qui elle est, et décide de la conduire jusqu'à Louise...
C'est le début entre les deux jeunes gens d'une passion dévorante autant qu'imprévue qui va contrarier les plans de tous, jusqu'à les rendre fous...ou tout du moins les amener à commettre des actes insensés et irréversibles.
...mais ce qui fait l’immense supériorité de celui-là [l'amour] sur tous les autres, ce qui prouve son essence divine, c’est qu’il ne naît point de l’homme même ; c’est que l’homme n’en peut disposer ; c’est qu’il ne l’accorde pas plus qu’il ne l’ôte par un acte de sa volonté ; c’est que le cœur humain le reçoit, d’en haut sans doute, pour le reporter sur la créature choisie entre toutes dans les desseins du ciel ; et, quand une âme énergique l’a reçu, c’est en vain que toutes les considérations humaines élèveraient la voix pour le détruire ; il subsiste seul et par sa propre puissance.
C’était quelqu’un qui sentait la musique et qui ne la savait pas ; ou, s’il la savait, c’était le premier chanteur du monde, car il paraissait ne pas la savoir, et sa mélodie, comme une voix des éléments, s’élevait vers les cieux sans autre poésie que celle du sentiment.
« Si, dans une forêt vierge, loin des œuvres de l’art, loin des quinquets de l’orchestre et des réminiscences de Rossini, parmi ces sapins alpestres où jamais le pied de l’homme n’a laissé d’empreinte, les créations idéales de Manfred venaient à se réveiller, c’est ainsi qu’elles chanteraient », pensa Valentine.
Elle avait laissé tomber les rênes ; son cheval broutait les marges du sentier ; Valentine n’avait plus peur, elle était sous le charme de ce chant mystérieux...
Voici un roman de George Sand, écrit en 1832, comme Indiana que je vous ai présenté ICI, que je n'avais jamais eu l'occasion de lire.
Il s'agit d'une histoire d'amour, en elle-même assez classique, mais ne peut se réduire à cela, car c'est encore une fois, un roman qui fait partie des œuvres féministes de l'auteur.
Ce qui est intéressant, c'est de suivre la manière dont George Sand observe ses personnages, met en place les événements dans une ambiance propre à l'époque, avec une finesse psychologique surprenante.
L'institution du mariage est encore une fois, objet de ses critiques, ainsi que les mariages arrangés. Elle dénonce la suprématie des hommes, la violence des relations conjugales (et même du viol conjugal lors de la nuit de noce). C'est d'ailleurs Bénédict qui s'interroge sur les droits de la jeune femme juste mariée et les égards que son mari a, ou n'a pas, pour elle.
Ses remarques sont bien fondées et d'avant-garde pour l'époque et, la société bien-pensante et castratrice en prend encore pour son grade, mais aussi les petites gens qui veulent changer de condition, et espèrent mieux que ce que leur naissance pouvait leur laisser entrevoir.
La nature est toujours superbement décrite et c'est un plaisir que de parcourir le Berry, en ce temps-là, auprès de l'auteur et de faire connaissance avec le caractère ombrageux et taiseux des paysans.
Comme je vous l'ai déjà dit, j'ai décidé d'aborder l'œuvre de cet auteur, en essayant de lire ses romans sans me presser, en les savourant, et si possible en les lisant (ou relisant) dans un ordre à peu près chronologique qui me semble plus intéressant pour mieux la comprendre. Le plaisir est là avant tout et je compte bien le partager ici le plus souvent possible. Aussi, bien entendu je vous rappelle que vous n'êtes en rien obligés de laisser un commentaire, si vous n'êtes pas intéressés par ces lectures, je ne vous en tiendrai aucunement rigueur dans nos échanges.
Pour ceux qui sont intéressés et veulent lire ce roman, vous pouvez retrouver le texte intégral de "Valentine" en e-book gratuit ICI, ce que je viens de découvrir en rédigeant ma chronique.
Bon week-end à TOUS !
Rien n’égale le repos de ces campagnes ignorées. Là n’ont pénétré ni le luxe, ni les arts, ni la manie savante des recherches, ni le monstre à cent bras qu’on appelle industrie.