Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le présent s'efface très rapidement, et les moments que nous devons encore vivre ne sont-ils pas déjà là, alors que nous ne les avons pas encore vécus ?
Tout homme est une île entourée de regrets.
On ne peut pas revivre ce qui a été vécu ni ce qu'on n'a pas réussi à vivre. C'est idiot, tout le monde le sait, mais on ne le comprend réellement, complètement, qu'au moment où on n'y peut plus rien.
Trois hommes, arrivés à un instant douloureux de leur vie, repensent au bonheur passé, à leur famille ou leurs amis et à ce qu'ils ont partagé.
Tous croient avoir raté leur vie, ne pas avoir su dire à leur proche à quel point il les aimait...mais c'est trop tard à présent, ils sont seuls, et la plupart de leurs proches ont disparu.
Dans la première de ces trois histoires, "Un voyage en métro", Emmanuel, le narrateur devenu un vieil homme, se rend à un rendez-vous médical dont il redoute le dénouement. On lui a demandé de venir accompagné, ce qu'il ne fait pas et, il s'attend au pire à cause de ça.
Il est partie en avance car il aime prendre le métro et s'amuser à observer les passagers tout en imaginant leur vie. Il se faisait un plaisir de faire ce "voyage" mais il est surpris par le monde, inhabituel à cette heure-ci. Il est mal à l'aise, anxieux et se retrouve emporté par des souvenirs de jeunesse, heureux et tristes à la fois. Il pense en particulier à ses trois amis, Pierre, l'ami reporter, Jean-Pierre, le poète et écrivain, et Dimitri qui est mort soudainement. Il regrette à présent la manière dont leur amitié s'est terminée. Il repense à leur projet d'écrire un livre ensemble. Il se souvient des femmes qu'il a aimées et qui ne sont plus là près de lui, à Isabelle, à Gabrielle qui est partie elle-aussi, et qui lui reprochait de ne savoir écrire que des tristesses. Ses années de jeunesse au Caire, des années lointaines...mais d'une grande richesse, le hantent. Il voudrait se rappeler de tous les détails mais n'y arrive pas.
Les gens entrent et sortent, les portes s'ouvrent et se ferment, les stations défilent, trop vite à son goût...
Dans la seconde de ces trois histoires, "Les années silencieuses", le narrateur est installée dans une chambre d'hôtel parisien exiguë et mal isolée, qui lui rappelle les étés chauds passés au Caire.
Il se souvient du temps où il était associé pour son travail avec Ruben, de leurs difficultés de communication. Il se promène au bord de la Seine, qui lui rappelle le Nil... et il repense à ceux qu'il a aimés, à ses enfants, à Manuela.
Ce qu'il veut avant tout c'est se retrouver seul, redevenir anonyme parmi les hommes, voilà pourquoi il est parti de chez lui avec juste un petit sac et son ordinateur...Il ne sait pas pourquoi il a emporté ce dernier, dont il ne se sert pas. Il ne sait plus qui il est, ni ce qu'il veut faire de sa vie. Il a, toutes ces années, toujours suivi les autres...en silence, mais à présent, c'est différent, il a changé, un retour en arrière est-il possible ? Pourrait-il mieux les aimer, mieux être lui-même ?
Dans la troisième de ces trois histoires, "Les enfants du deuxième", Robert, le narrateur, est hospitalisé suite à une opération chirurgicale. Il est en attente des résultats d'une biopsie.
Il s'ennuie dans sa chambre, avec pour seule compagnie la télé et le sourire des infirmières. Sa femme Nathalie n'est plus de ce monde, ses enfants habitent à l'étranger et il se sent devenu vieux.
Alors il rêve...s'il demandait au médecin de son service l'autorisation de descendre au second étage, là où sont hospitalisés les enfants, il pourrait leur raconter des histoires ?
Cela lui fait penser à Sarah, sa fille, qui aimait tant qu'on lui raconte des histoires mais pas celles qu'il inventait pour elle...et toute sa vie repasse devant lui, ses instants de bonheur, ses doutes, comme ses erreurs...
Un enfant sait vivre le moment sans traîner derrière lui l'hypothèse de son passé ni la poursuite d'un avenir hasardeux. Et le rire d'un enfant, c'est vraiment une éclaircie, un trou dans la lourdeur du ciel. ça te fait tout oublier, même si ce n'est qu'un instant. Un enfant c'est le présent absolu.
Il ne veut pas des souvenirs, parce qu'ils véhiculent les regrets et les remords, et une nostalgie souvent difficile à supporter. Il fait tout ce qu'il peut pour les refouler, mais ils arrivent parfois, certainement plus souvent qu'il ne le souhaite, à briser la barrière et à s'infiltrer.
Voilà trois histoires emplies de nostalgie. Je les ai trouvé très émouvantes car tellement réalistes, mais aussi d'une infinie tristesse...
Pourtant ces hommes nous parlent de leurs rêves, de leur pays natal tant aimé, qui leur manque beaucoup et qu'ils ont été obligés de quitter, de leurs amis et de leurs familles et des moments partagés heureux ou malheureux. Mais, alors que leur vie a été bien remplie, ils se retrouvent très seuls.
Les histoires peuvent se lire séparément car il s'agit de trois tranches de vie différentes, même si elles se ressemblent.
J'avoue que la tristesse qui émane de ces écrits m'a un peu refroidi par moment ce qui explique que j'ai mis un certain temps après avoir lu la première histoire, à passer à la lecture des suivantes.
Mais finalement, j'ai bien fait d'espacer ainsi ma lecture, de l'entrecouper d'autres "voyages" car je pense, que j'ai ainsi pu apprécier davantage la qualité de l'écriture, la plume agréable et fluide de l'auteur, le ton tout en pudeur et délicatesse, le regard empli de tendresse posé sur la vieillesse, la solitude et la maladie, les angoisses et les regrets de ces hommes emplis d'humanité.
J'ai fait une belle découverte en lisant cet auteur...mais mieux vaut le lire si vous avez le moral tout de même.
Merci à l'éditeur pour sa confiance et pour m'avoir proposé cette lecture !
Né au Caire, René Chalem est parti pour Paris juste avant l'avènement de Nasser.
Après quelques années en France, il part pour l'Amérique du Sud où il s'installe pendant de longues années.
A 40 ans, poussé par la menace de l'enlèvement de ses enfants dans un pays pris par une frénésie de rapts et de séquestrations, et son besoin soudain d'une nouvelle vie, il revient à Paris - ville à laquelle il se sent attaché comme à un premier amour - et se lance dans l'édition. Il écrit en français et en anglais, mais Les jours d'avant est son premier livre à paraître en français. Il partage actuellement son temps entre Paris et Barcelone, ville aux multiples couleurs qu'il a redécouverte avec bonheur il y a une trentaine d'années.
(infos du net)