Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Les gens accordent de la valeur aux pierres qui scintillent et aux porte-bonheur, mais ils oublient que les talismans les plus puissants sont les histoires que nous racontons, à nous-même, ou aux autres.
Elodie Winslow, une jeune archiviste passionnée par son métier, découvre dans un carton plus ou moins oublié des Archives de Stratton, Cadwell & Co., une vieille sacoche ayant appartenu à James William Stratton qu'elle va devoir inventorier.
A l'intérieur, se trouvent quelques objets d'un autre temps, dont deux éléments précieux à ses yeux : le portrait d'une superbe jeune femme rousse en tenue victorienne et un carnet de croquis contenant différents essais.
C'est en feuilletant ce carnet qu'elle se trouve attirée par le dessin d'un magnifique manoir au bord de la Tamise. Elle comprend très vite que ce manoir, qui lui semble si familier, a un rapport avec son propre passé. C'est celui du conte de son enfance, que sa mère, une célèbre violoniste décédée accidentellement alors qu'elle était toute jeune, lui racontait...un des rares souvenirs précis de son enfance.
Désemparée par son mariage proche avec Alastair un jeune homme "bien sous tous rapports", mais terriblement ennuyeux et uniquement préoccupé par son travail, qu'elle n'est pas sûre d'aimer suffisamment, pressée par une belle-mère qui l'oblige à vivre dans l'ombre de sa célèbre mère, Elodie va tenter d'échapper à un présent qui l'étouffe.
Elle est bien décidée à remonter le fil du temps, et elle sera la première surprise de découvrir que Birchwood, le manoir du conte, existe bel et bien. Il a été habité par un célèbre peintre préraphaélite, Edward Radcliffe dont l'œuvre a marqué son époque, et un terrible secret, vieux de 150 ans, hante cette mystérieuse demeure.
Elle découvrira que la jeune femme si charismatique n'était autre que la muse du peintre, et qu'elle a mystérieusement disparue en même temps qu'un diamant de famille...hors de prix, dont elle a été accusée du vol.
Tandis qu'Elodie mène son enquête personnelle, le lecteur va découvrir tout un panel de personnages fort attachants et se délecter de leur histoire et de leur vie quotidienne.
Quel est le rapport entre ces personnages, et le conte que la mère d'Elodie lui racontait le soir avant de la coucher ? Comment James Stratton a pu se retrouver avec une sacoche contenant des affaires ayant appartenu à Edward Radcliffe, alors que tous deux ne se connaissaient pas ?
Elodie est bien décidée à le comprendre.
Bien entendu, je ne vous dirai rien de plus, car ce serait révéler bien trop de choses sur les ancêtres de la jeune femme qui découvrira peu à peu des secrets de famille bien ensevelis dans les méandres du passé.
La bonne heure m'expliquait-il, n'existait pas. Le temps était une idée, sans début, ni fin, invisible, inaudible. On pouvait certes le mesurer, mais personne n'avait jamais su trouver les mots pour en expliquer la nature.
Pour Léonard, il n'y avait pas eu d'ironie plus colossale en ces quatre années de front que ce soldat jouant du violon dans un jardin alors que, un kilomètre plus loin, des obus explosaient, des hommes mourraient par centaines.
Voilà un roman qui nous transporte dans l'Angleterre victorienne pour ceux qui aiment cette ambiance particulière des romans anglais : mystères, objets d'époques, personnages charismatiques et manoir hanté...
Le manoir de Birchwood, niché au milieu des bois dans un des méandres de la Tamise, est un lieu inoubliable. Il relie bien entendu, vous vous en doutez, tous les personnages : c'est là que les enfants de la reine des fées ont trouvé refuge dans l'histoire que la maman d'Elodie lui racontait ! Il a de nombreuses choses à nous raconter comme si les murs pouvaient parler et d'ailleurs une voix off, un esprit ou un fantôme, comme vous voudrez l'appeler (Birdy...) nous raconte son histoire, les différents événements qui s'y sont déroulés, les personnages qui y ont vécu au fil du temps.
Le roman nous plonge dans le passé d'une famille d'artistes riche et passionnée, mais aussi dans les quartiers pauvres de Londres et les taudis qui ne manquent pas de nous rappeler les romans de Dickens, car là survit toute une population obligée de voler pour subsister et de faire avec les moyens du bord pour survivre. Le roman est bien rythmé et très imagé.
En parallèle, le lecteur pénètre dans les secrets de famille d'Elodie et les non-dits qui, sans qu'elle le sache, ont marqué sa vie et, les découvrir, va l'inciter à prendre des décisions incontournables pour son avenir.
C'est le premier roman de l'auteur que je lis et je n'ai donc aucun moyen de le comparer à d'autres. Je l'ai lu avec grand plaisir. Il demande de la concentration car c'est un pavé de 600 pages d'une part, et d'autre part il ne faut zapper aucun des détails, sous peine de ne pas comprendre toute l'histoire. Il faut donc une lecture suivie et tranquille, parfaite en vacances. Un repère en début de chapitres permet de savoir qui parle et en quelle année le lecteur se trouve immergé.
Le livre est découpé en quatre parties distinctes, mais le lecteur doit savoir que l'histoire comporte de nombreux flashbacks. Ainsi on saute dans le temps à plusieurs reprises, passant de 2017 (le temps d'Elodie) à 1882 (celui d'Edward), 1928, 1940 ou 1862 pour revenir de temps en temps en 2017.
Le temps d'Elodie, durant lequel elle enquête sur ce manoir, pose des questions à son entourage pour comprendre le lien qui existe entre ce manoir, sa mère, le conte et sa propre vie est très important dans le roman. Il y a aussi beaucoup de développements concernant le temps d'Edward et en particulier le fameux été 1882 durant lequel il sera traumatisé par deux événements majeurs, le meurtre de sa fiancée et la disparition inexpliquée de sa muse, Lily Millington.
Les autres personnages ont tous une importance capitale en particulier Lucy, la jeune sœur d'Edward, qui va hériter du manoir et y créer une école de jeune fille et les nombreux retours en arrière sont autant de pièces importantes d'un puzzle qui peu à peu prend forme sous nos yeux.
C'est donc une histoire dans laquelle il faut prendre le temps de se plonger car on voyage sans cesse entre passé et présent, rêve et réalité. L'auteur nous la raconte comme un thriller et crée une ambiance particulièrement fascinante et addictive.
L'être humain est un conservateur. Chacun, chacune prend soin de ses souvenirs préférés et les assemble afin de créer un récit susceptible de plaire. Certains événements sont réparés et astiqués, pour qu'on puisse les mettre en vitrine ; d'autres, jugés sans valeur, sont laissés de côté et croupissent dans les profondeurs des entrepôts bondés de l'esprit...