Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Quand je repense à tous ces espoirs qu'on avait, ma foi, ça me brise le cœur. Non. Ce n'est pas ça. Ca me met en colère. Encore maintenant. Soixante ans après. On ne faisait de tort à personne. Juste des femmes qui s'occupaient de leurs affaires, qui avaient créé une famille, qui faisaient leur business, et qui participaient à la conquête de l'Ouest, bon sang, aussi bien que les hommes. Mais ils ne supportaient pas l'idée qu'on n'ait pas besoin d'eux.
Des années durant. J'ai appris, et c'est toujours vrai, qu'il existe des hommes qui jouent avec nous, qui nous torturent, qui abusent de nous, qui traitent nos corps comme si nous n'étions rien d'autre que des meubles inertes. Rien n'a changé...
Nous voici dans le Colorado en 1873. Margaret Parker vient de perdre son mari et elle se retrouve seule pour s'occuper de leur ranch et des chevaux sauvages qu'elle dresse pour les revendre.
Elle est aidée dans sa tâche par des personnes qu'elle a recueillies au ranch et qui ne l'ont jamais quitté, Hattie Lacour, une ancienne esclave affranchie, Joan et Stella deux sœurs orphelines qui veillent l'une sur l'autre et Jehu, un des employés qui sait particulièrement bien s'occuper des chevaux. Mais parce que Garet (alias Margaret) refuse les avances de son voisin, le colonel Connolly, l'armée vient réquisitionner leurs bêtes. Ruinées d'autant plus qu'aucune banque ne veut les aider, elles doivent quitter le ranch définitivement, le cœur brisé. Dans l'Ouest américain, en ce temps-là, ce sont les hommes qui décident de l'avenir des femmes...et des femmes trop indépendantes, cela attire forcément les convoitises et les jalousies quand elles savent aussi bien (et même encore mieux) gérer leurs affaires sans les hommes.
Elles décident alors pour rester autonomes et libres, de devenir des hors-la-loi et de s'attaquer aux biens de la famille Connolly qui leur a tout pris. Malgré les nombreux témoignages, personne ne croit que la bande qui sévit dans la région et qui est responsable de nombreux braquages, est un gang de femmes. Ce serait trop difficile d'admettre que ces dernières peuvent se montrer futées, intelligentes, et perspicaces et capables de défier les lois, plus encore que les hommes. C'est tout simplement inconcevable pour la société de l'époque, d'autant plus qu'elles agissent sans violence aucune et redistribuent l'argent dont elles n'ont pas besoin, puis se volatilisent sans que personne n'ait jamais réussi à les suivre. Du coup, tout le monde pense que ces actions sont celles de Jed Spooner, un autre hors-la-loi de la région.
Un jour, lors de l'attaque d'une diligence, elles rencontrent Grace (Claire Hamilton de son vrai nom), une yankee pas très "nette" qui se propose d'écrire leur histoire. Garet qui ne supporte pas de travailler dans l'ombre et qui sait que ses jours sont comptés car elle a un cancer, accepte de l'intégrer dans leur groupe. Hattie beaucoup plus méfiante, pense que Grace ne se trouvait pas là par hasard. Elle croit ferme qu'elle a été embauchée par l'agence de détective Pinkerton, pour les espionner et tout faire pour que leur gang soit enfin arrêté...
Garet avait changé depuis la perte de son ranch de la rivière Poudre. Sur bien des aspects, mais surtout, je crois qu'elle s'était mise à voir de l'injustice partout, même là où ça n'avait pas lieu d'être. Le fait que les exploits d'un gang de femmes restent ignorés, elle voyait ça comme un tort de plus qu'on nous faisait. Alors que moi je voyais ça comme un laissez-passer pour continuer aussi longtemps que possible...
Mais on pardonne beaucoup aux gens qu'on aime, c'est une chose que j'ai apprise.
Voilà un roman d'aventure formidable qui est tiré d'une histoire vraie. J'ai eu un véritable plaisir à le découvrir et je n'avais qu'une seule envie, en reprendre la lecture lorsque j'étais interrompue.
Dans les années 1930, Hattie (Henrietta Lee) maintenant âgée de 92 ans, et seule survivante du gang, est interrogée par une personne appartenant à la WPA (Works Progress Administration / Agence fédérale créée en 1935 pour donner des emplois aux millions d'américains victimes de la Grande Dépression).
Elle se souvient et raconte leur histoire...
A ces entretiens découverts dans les archives de la WPA, l'histoire fait alterner des extraits de son journal, de celui de Claire Hamilton (Grace donc) et de celui de Margaret Parker, ainsi que des documents provenant de coupures de presse de l'époque.
Le lecteur s'attache à ces femmes fortes, indépendantes, courageuses qui veulent vivre sans être sous la coupe des hommes. Elles sont d'avant-garde et le prouvent autour d'elles. Beaucoup d'hommes les admirent en secret mais ne voudraient surtout pas que cela se sache. Il faut dire aussi qu'elles forcent l'admiration, même si au passage elles n'hésiteront pas à tuer, elles n'auront recours à la violence que parce qu'on les aura obligé à le faire.
Mais au-delà de leur vie de hors-la-loi, ce sont des amies fidèles, aimantes, prêtes à se sacrifier pour les autres membres de leur "famille" d'adoption. Elles se battent avec fougue et sincérité pour l'égalité des sexes mais aussi contre la discrimination, le racisme, l'injustice et la loi du plus fort.
J'ai aimé ce récit à plusieurs voix, j'ai aimé les personnalités diverses de ces femmes. Chacune raconte ce qu'elle a vécu et ressenti et donc parfois le même événement est retranscrit plusieurs fois mais cela ne m'a pas gênée.
Ce sont des femmes inoubliables qui sont encore présentes en moi alors que j'ai refermé ce livre depuis plusieurs jours déjà. Chevaucher à leur côté n'est pas de tout repos, je vous l'assure, il y a de nombreux rebondissements, mais c'est un grand bol d'air et d'aventure dont j'avais bien besoin en ce moment pour me changer les idées.
La fin est bouleversante tant l'émotion atteint un paroxysme auquel je m'attendais certes, mais j'ai beau être prévenue, je me suis fait avoir !
C'est à nous de conserver notre mémoire orale et de la faire circuler parmi le peuple noir. On n'oubliera pas, et peut-être qu'un jour on racontera ce qui s'est véritablement passé.
Mais nan, ce sera perdu ou oublié, comme tant d'autres choses. Oublié ou transformé. Parce que ce sont les hommes blancs qui écrivent l'Histoire, ma fille. Ils ne se montreront jamais autrement que comme des héros. Allons...vous savez bien que j'ai raison. Vous voulez la vérité, je vous la donne...
L'auteur Melissa Lenhardt est historienne et romancière. Elle nous fait entrer dans ce gang de femmes avec beaucoup de réalisme, même si vous en doutez beaucoup de passages ont été inventés pour les besoins du récit. C'est son premier roman et il va être déjà adapté en série.
Mais ces femmes ont réellement existé et le monde entier ne le sait pas, il était temps de les réhabiliter !
Merci à l'éditeur et à la Masse critique exceptionnelle de Babelio de m'avoir permis de lire ce livre en avant-première et de m'avoir fait confiance. Le roman vient de sortir le 11 février dernier et il vous faudra sans doute attendre encore un peu pour le trouver en médiathèque.
Bonne lecture à tous !