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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

La traversée / Pajtim Statovci

Buchet- Chastel, 2021

Buchet- Chastel, 2021

Je suis un homme qui ne peut être une femme mais qui, s'il le désire, peut avoir l'air d'une femme ; c'est ce que j'ai de meilleur, un jeu de masques que je peux initier et stopper à ma guise...
Je peux choisir ce que je suis, je peux choisir mon genre, je peux choisir ma nationalité, mon nom et ma ville natale en ouvrant tout simplement la bouche. Nul n'est obligé d'être la personne qu'il est par naissance, chacun peut se construire, comme un puzzle.

Dans les années 90, Bujar et Agim vivent à Tirana, en Albanie, leur pays natal. Ils sont amis et deviennent inséparables. Mais la vie qui les attend ne leur fera pas de cadeau : Bujar comprend que son père est gravement malade et va bientôt mourir ; Agim qui aime s'habiller en fille est rejeté par sa famille. 

A la mort de son père, alors qu'Ana sa sœur disparaît mystérieusement et ne revient pas à la maison, que sa mère tombe dans la dépression et que rien ne va plus dans le pays, Bujar accepte de tout quitter pour s'enfuir avec Agim. Les deux jeunes adolescents, âgés seulement de 15 et 16 ans, s'installent ensemble en ville, puis, devant les difficultés qui s'accumulent, ils décident de partir à Durrës pour pouvoir enfin, quitter définitivement le pays, pour l'Italie. 

C'est le début d'une véritable galère et de drames successifs.

Est-on libre de choisir sa vie ?

Suffit-il de changer de lieu pour changer de vie ?

Comment faire table rase du passé sans renier totalement ses racines ?

Comment se sentir chez soi quand on est déraciné, et dans son propre corps, quand on a du mal à trouver sa propre identité ?

Quand tu te fiches de ta vie, tu te fiches aussi de ta mort, et quand tu te fiches de la vie en général, alors sa fin inéluctable et implacable, tu la vois aussi clair qu'en plein jour à l'heure où la lumière coule à flots.

Le roman débute à Rome mais, en plus de l'Italie, il nous fera voyager, de l'Albanie, pays natal des deux adolescents, à l'Espagne, aux États-Unis puis à la Finlande. 

L'histoire nous est révélée par bribes par Bujar, le narrateur. C'est le lecteur qui devra la reconstituer dans sa chronologie, une fois arrivé aux toutes dernières pages. Mais des dates sont mises en début de chapitres afin de nous permettre de mieux nous repérer dans les nombreux retours en arrière.

Bujar et Agim sont confrontés au racisme, à la discrimination, à la violence, à la mesquinerie des autres et doivent sans cesse expliquer d'où ils viennent, qui ils sont. Ils finissent donc par s'inventer une autre vie, ou par la vivre par personne interposée, et ils mentent donc continuellement aux autres, même à ceux qui vont leur faire confiance.

 

J'ai aimé en apprendre davantage sur l'Histoire de l'Albanie dans les années 90. Je savais peu de chose de cette période. Le pays  a été un des derniers pays communistes à être sorti de son isolement.  Suite à la mort de son dirigeant Hoxha, en 1985, l'Albanie est alors considéré comme le pays le plus pauvre et le plus sous-développé de tous les pays d'Europe. 

J'ai aimé le fait que l'auteur s'appuie sur le folklore albanais et sur de nombreuses références littéraires, comme des récits de voyage ou d'aventure, pour étayer son roman et faire réfléchir le lecteur. 

J'ai aimé le dynamisme du roman qui se lit très vite et est découpé en quatre parties, puis en chapitres courts.

J'ai aimé aussi le ton juste et sans pathos, avec lequel l'auteur aborde le sujet de l'immigration et de ses conséquences, mais aussi celui non moins important dans ce roman, du genre, de la sexualité et de l'acceptation de soi. 

Je n'ai pas aimé le fait de ne m'attacher à aucun des deux personnages, pourtant leur histoire est poignante. 

Je le reconnais, dans la seconde partie du roman, qui se déroule en Italie, j'ai été perturbée pendant quelques pages de ne pas savoir lequel des deux garçons parlait...Puis j'ai accepté que l'un finalement puisse se substituer à l'autre pour raconter leur histoire, qu'ils puissent être tous deux, les deux faces d'une seule et même personne.

 

C'est donc un roman assez déroutant par sa construction, mais intéressant par son sujet et la façon tout à fait cinématographique dont la narration est menée. 

Je remercie l'éditeur et la dernière Masse critique de Babelio, de m'avoir permis de  découvrir ce jeune auteur, dont je n'avais encore jamais rien lu. 

 

tous les livres sur Babelio.com

L'auteur, Pajtim Statovci est un écrivain finlandais d'origine albanaise.

Il nait en effet au Kosovo en 1990, puis il émigre avec sa famille en Finlande alors qu'il n'a que deux ans. 

Il est l'auteur de trois romans dont deux sont aujourd'hui traduits en français.

Il me reste donc à découvrir son premier roman "Mon chat Yugoslavia" paru en France en 2016, écrit alors qu'il était encore étudiant en Littérature comparée à l'Université d'Helsinski, où il prépare actuellement un doctorat, tout en étudiant la scénarisation à l'Ecole Supérieure Aalto d'art, de design et d'architecture de la ville. 

En 2019, il a remporté le prix Helsinski Writer of the Year Award. 

Et je ne serais pas encore capable de penser que toutes les actions humaines sont motivées par l'espoir d'être mieux. Les gens quittent un pays pour un autre afin d'obtenir des conditions de vie plus favorables, rien n'est fait ou dit par altruisme, chaque acte enveloppe la promesse de lendemains meilleurs, le souhait d'obtenir une chose que je veux, sans laquelle je pense ne pas pouvoir vivre.
Je ne comprendrais pas encore non plus que le mieux, pour moi, serait de rester ici, suspendu au bord de mon désir, ardent, aspirant stupidement à obtenir ce qui m'échappera toujours.

Ici les gens ont le temps d'entretenir leurs blessures, songé-je, de rester traumatisés pendant des lustres pour un motif dénué de la moindre importance, ils ont le temps de réfléchir au sens de la vie et ce, d'un jour, d'un mois, d'une année sur l'autre, à ce qu'ils veulent faire, au métier auquel ils vont se former, pendant que, dans mon pays d'origine des nouveau-nés meurent de fièvre et de sous-alimentation, des hommes tombent sous des balles destinées à venger l'honneur tandis que des femmes en fuite tombent sous les munitions que les hommes de leur propre famille ont confiées à celle de leur mari lors de leurs noces...

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A
L'histoire de l'Albanie m'est totalement inconnue également....
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M
J'ai trouvé que c'était une façon d'en apprendre davantage...
S
Bonsoir Manou, je t'avoue que je ne connais pas bien l'histoire de l'Albanie. Ce livre a l'air passionnant et traite de plusieurs sujets que tu décris très bien, l'identité sexuelle, l'immigration, le rejet, des sujets qui sont toujours d'actualité peu importe l'époque mais peut-être encore plus maintenant avec cette crise sanitaire. La peur des autres, c'est universel, même ici ça existe, le rejet des autres c'est encore pire sur une île. Je te remercie pour ton gentil commentaire, j'avoue que je suis contente de me remettre au blog et d'aller rendre visite aux autres blogueurs ! Je te souhaite une bonne fin de journée, bises.
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M
Je trouve peu de livres qui m'intéressent dans note petite médiathèque dans les livres à gros caractères...
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M
C'est vrai que dans mon village c'est pareil...Alors tu es prête pour lire en numérique sur ta tablette ou une liseuse parce que ainsi tu peux agrandir les caractères à ta convenance selon la lumière, mais je sais que ce n'est pas facile de s'y mettre, je me force à en lire de temps en temps parce que la médiathèque de la ville propose de nous en prêter un à la fois et le chois s'agrandit peu à peu (et c'est commode quand nous ne sommes pas à la maison). Gros bisous et bon dimanche
F
Bonjour Manou,<br /> Oui l’Albanie,un pays hermétique sous le joug ultra-communiste, je me souviens que nous ne pouvions pas y passer lors de notre voyage en Grèce en 1970. Un visa était très difficile à obtenir et déjà la traversée de la Yougoslavie voisine, à cette époque, constituait une aventure ... <br /> Ce Roman : "La traversée" de Pajtim Statovci, en dépit de sa construction obligeant à faire des aller et retour dans le temps et dans des lieux différents, semble néanmoins attrayant et instructif.<br /> M^me si cela peut être gênant, le fait de ne pas savoir qui s'exprime des deux personnages principaux, peut se justifier par leur extrême fusionnement. La traversée serait à la fois transversale et renversante , faisant bouger nos codes et attachements aux principes. Certainement un roman aussi instructif sur ce pays dont on connait peu l'histoire : l'Albanie... autres bords de la côte Dalmate ...<br /> Amitiés des farfadets.
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M
C'est pour cela que j'ai choisi de le mettre dans ma liste de livres sélectionnés pour la masse critique de Babelio. Et j'ai été sélectionnée sans doute parce que je lis souvent des auteurs étrangers, cela m'intéresse beaucoup la littérature des autres pays car les auteurs ne peuvent qu'être imprégnés de ce qu'ils ont vécu... Merci pour ton commentaire, tu as tout à fait raison, la traversée c'est à la fois celle du pays, de la mer pour aller ailleurs et de sa propre vie. Bon dimanche et amitiés à tous les deux
C
Des sujets graves mais essentiels à aborder, difficiles à admettre pour beaucoup, une lutte perpétuelle. Comme toi, je ne connais pas grand chose à l'histoire de l'Albanie ...... Bisous Manou
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M
Je trouve que l'auteur fait bien de parler de ces sujets graves et ce qu'il raconte de l'histoire de l'Arménie est certainement ce que sa famille a vécu et ce qui l'a poussé à quitter le pays pour la Finlande. Bisous et une douce journée
F
Il traite de sujets assez graves.mais la construction du livre semble assez complexe. Je n'aime pas trop lorsqu'il y a beaucoup de retours en arrière. <br /> PS/ le chanteur s'appelle Antoine Ciosi , très populaire chez nous . <br /> Bonne soirée
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M
Pour le chanteur j'ai trouvé sur le net !! Je me doutais qu'il était connu chez toi et je l'ai trouvé tout de suite sur youtube !! bises
P
Je l'ai déjà vu passer... Bon, s'il est déroutant, je passe mon tour... Il y en a d'autres ! <br /> Bonne fin de semaine.
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M
Sur l'Arménie et ce sujet je ne crois pas qu'il y en ait d'autres surtout largement inspiré de l'histoire vécue par la famille de l'auteur, enfin si tu as des titres je suis preneuse. Bonne fin de semaine
M
Une nouvelle découverte qui me fait aussi envie de lire...Ma liste s'allonge je n'aurai pas le temps de tout lire
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R
tes commentaires sur ce livre me donne envie mis dans mes envies du coup. Merci Manou
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M
Je ne regrette pas ma lecture malgré mes bémols. bisous
B
Merci pour ton ressenti de lecture assez déroutante alors je ne pense pas qu'il me plairait beaucoup.<br /> Bisous Manou
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R
I thank you for this honest review. Friendship
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D
L'Albanie est un pays attachant , tout comme ses habitants qui sont très heureux d'être sortis de cette époque communiste.<br /> Un livre très tentant, mais j'ai un peu peur de me perdre dans sa construction et puis j'aime m'attacher aux personnanges!<br /> Bonne journée, bises
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M
Oui je sais que tu as aimé voyager dans ce pays. Ils ont beaucoup souffert et ce livre nous le rappelle car perso je connais peu l'histoire de ce pays. Au début on s'intéresse aux deux ados mais je pense que la distance que l'auteur met entre nous et les personnages est voulue car eux même ne savent plus qui ils sont...bises et une belle journée
E
Bonjour Manou. Je ne crois pas que je le lirai car les personnages sont importants pour moi. Bisous
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M
A vrai dire je ne suis pas trop tentée par ce livre là.<br /> Bisous Manou, Mo
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M
Je comprends...je ne connais pas l'Albanie et je ne connaissais comme auteur qu'Ismael Kadaré alors je me suis laissée tenter...bisous
L
coucou parfois on a du mal avec un livre ;il y en a un dont je me souviens particulièrement car c'est le seul que je n'ai pas pu finir ^^ c'est la ;" mélodie du temps ordinaire " je ne sais pas si ça te dit quelque chose ; bisous
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M
Je ne l'ai jamais lu ce dernier...cela m'arrive de laisser tomber un livre au milieu de ma lecture même parfois d'auteurs connus. Quand la rencontre ne se fait pas, on n'y peut rien. Bisous
C
Bonjour Manou <br /> Pas facile comme thème , mais ne doit on pas être ouvert a tout ..<br /> Merci à toi pour ce nouveau partage litteraire <br /> Bises
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L
Au début, je me suis dit, tiens c'est un livre qui me plairait bien. mais ensuite, vu la construction dont tu parles (la chronologie, l'un qui parle à la place de l'autre) je crois que j'aurai du mal à m'y retrouver<br /> Bisous et bonne journée
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M
J'essaie de lire des livres plutôt positifs, ce qui n'est pas le cas à vrai dire sur celui que je lis en ce moment, un peu le soir mais mes yeux fatiguent, surtout en livre de poche, je ne devrais pas en acheter...
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M
Je comprends Marine, j'alterne mes lectures au maximum tout de même...Tu as essayé de lire des livres en gros caractères. Dans les médiathèques ils ont bien développé ces éditions. C'est reposant pour les yeux mais tu ne trouves pas tout ce que tu veux car souvent ce sont des romans du terroir, et des romans faciles à lire. Je trouve que c'est une bonne idée pour les lectures du soir. Bisous
G
Oui certaines évidences ont le pouvoir de se déguiser <br /> @ chaque lecteur de débusquer et surtout d'en comprendre les subtilités <br /> Un livre intéressant il n'y a pas de doute <br /> Bonne journée Manou
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F
Une lecture compliquée je trouve. Je suis admirative de tout ce que tu peux lire, tous les genres.<br /> Bisous et douce journée
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M
Je ne pourrais pas lire toujours le même genre ou les mêmes auteurs, je m'ennuierai. Je trouve que lire des auteurs étrangers c'est aussi une façon de voyager. Mais celui-ci, choisi pourtant, a été plus difficile que d'autres malgré le sujet intéressant, mais j'ai appris des choses sur l'Albanie que je ne savais pas. Bisous et une douce fin de semaine