Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voilà une lecture parfaite pour se détendre en vacances ou le temps d'un week-end pluvieux.
J'avais déjà lu dans les années 1990-2000 quelques romans de Françoise Bourdon, mais rien récemment. Aussi durant les vacances d'été, j'ai eu envie de faire un break pour changer un peu des polars. Et comme je venais de faire quelques excursions en Ardèche, celui-ci s'imposait.
L'usine constituait pour Colombe, une véritable prison. Elle était rivée douze heures par jour à sa machine dans une atmosphère extrêmement humide afin que le fil casse moins souvent. Colombe travaillait au dévidage sur les flottes, des écheveaux de cent grammes de soie grège. Après que des camarades avaient mouillé les flottes pour permettre un meilleur dévidage, la jeune fille plaçait chacune de ces flottes sur une roue en bois nommée tavelle. La flotte se dévidait et s'enroulait sur une bobine, le roquet....
Ses doigts s'activaient tandis qu'elle songeait au printemps à la ferme.
Si seulement la terre avait été de meilleure qualité !
Belle Épine, c'est une belle demeure sur les hauteurs de Privas, à laquelle on accède par une double rangée de châtaigniers plantés au début du XIXe siècle dans ce magnifique coin de l'Ardèche, mais c'est aussi le symbole de la réussite de la famille Meyran.
Honoré, que tous appellent le "maître" a toujours marché dans les pas de ses ancêtres. Il a repris l'entreprise familiale, une usine de moulinage prospère où il fait travailler sans relâche ses ouvrières.
Mais le malheur s'abat sur la famille quand Irène, sa femme meurt en mettant au monde son plus jeune enfant, laissant Antonin et Gabriel, le dernier-né, orphelins de mère et donc aux bons soins de Malie, la gouvernante et d'Adeline, la grand-mère.
Les deux enfants grandissent et deviennent de plus en plus différents. Antonin n'est heureux que lorsqu'il peut lire tranquillement dans la bibliothèque de son grand-père, tandis que Gabriel en grandissant suit le chemin de son père et ne désire qu'une chose, c'est que le domaine lui appartienne un jour, à lui seul.
Mais Honoré qui place tous ses espoirs et ses ambitions dans son jeune fils, ne se rend pas compte (ou ne veut pas voir) que celui-ci est un être mauvais dans l'âme et qu'il crée beaucoup de souffrance autour de lui et en particulier à la filature, où il n'hésite pas à abuser des jeunes filles vierges, dont Colombe que le lecteur suivra tout au long du roman.
Pendant ce temps Antonin décide de quitter le domaine, de se marier et de fonder sa propre entreprise. Il se lance dans la confection de marrons glacés et de crème de marrons, s'épanouit dans son travail et au sein de sa famille.
A l'inverse pour Gabriel, devenu extrêmement dépensier et violent, la vie va ressembler, d'année en année, à une véritable descente aux enfers.
Ce roman est à la fois un roman du terroir et une saga familiale. Il nous fait découvrir les conditions de vie de différentes familles, riches ou plus pauvres, au XIXe siècle, en Ardèche. L'amour de la terre des ancêtres est bien présent et avec lui, le souci de la succession des terres et des propriétés chez les plus riches. Le lecteur passe de la riche demeure des Meyran aux plus humbles maisons des campagnes. Il découvre de nombreux détails sur les différents métiers évoqués.
Les personnages sont bien décrits et bien entendu le lecteur s'attache à certains, tandis qu'il en exècre d'autres comme l'odieux Gabriel par exemple.
Mais le sujet principal de ce roman c'est bien la condition féminine. La manière dont les femmes étaient traitées par certains hommes, imbus de leur personne et ne cessant d'abuser de leur pouvoir, est totalement révoltante. Le lecteur suit en particulier la vie de Colombe et devine à travers ses malheurs, le sort qui attendaient toutes celles qui se retrouvaient enceinte. Leur "faute" les poursuivait toute la vie.
Je ne cache pas que j'ai passé un bon moment de lecture. L'écriture est agréable et fluide et j'ai appris beaucoup de choses sur ces métiers oubliés. La fin du roman m'a cependant laissée sur ma faim, j'en espérais une autre...