Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Je commençais à lire à haute voix, les noms des morts gravés sur la première stèle :
- Guiseppe Oronzo Palmisano ; Donato fu Francesco Paolo Palmisano ; ...
- Ventuno..., sono ventuno ! m'interrompis une voix profonde.
Nous nous retournâmes et vîmes le vieux du banc qui s'était redressé.
Durant la Première Guerre mondiale, Donata Palmisano et Francesca Convertini attendent toutes deux leurs maris partis au Front. Pas facile la vie sans les hommes à Bellorotondo, un petit village des Pouilles. Les femmes se débrouillent. Suite à une courte permission de leurs maris, les deux jeunes femmes se retrouvent enceintes en même temps. Quand elles deviennent veuves toutes deux, elles décident de vivre ensemble. Si Francesca est la plus heureuse des deux, c'est parce que Donata est incapable de surmonter une terrible angoisse... En effet, durant la Première Guerre Mondiale, tous les hommes de la famille Palmisano (vingt et un exactement) sont morts au combat. Il n'est pas question pour elle, si elle met au monde un garçon, de lui faire subir la malédiction qui semble peser sur la famille et dont elle a eu la confirmation en voyant son mari disparaître à son tour.
Alors toutes deux imaginent un stratagème, Donata cache sa grossesse et le jour de la naissance des deux enfants, avec la complicité du médecin de famille qui sait à quel point la famille de Donata a souffert, Francesca déclare avoir eu des jumeaux. C'est elle qui élèvera donc Giovanna sa propre fille, et Vitantonio, le fils de son amie..avec son aide puisque les deux jeunes femmes vivent ensemble.
Mais la vie en ce temps-là dans cette région pauvre d'Italie apporte son lot de drame. Francesca meurt toute jeune, laissant les deux petits officiellement sans mère. C'est alors que sa famille accepte que Donata, considérée comme un membre de la famille à part entière, s'en occupe, aidé financièrement par Angela Convertini la grand-mère mise dans le secret par Francesca, ce que Donata ignore.
Les deux enfants jouent pendant des heures avec Franco leur cousin de leur âge, dans le grand parc aménagé par la nona. Ils engrangent de fabuleux souvenirs pendant l'été qu'ils passent souvent aussi dans la famille de Donata.
Rien n'est simple, car Donata se doit de garder ce lourd secret, et la vie va décidément devenir bien compliquée pour elle au fur et à mesure que les deux enfants grandissent et deviennent de plus en plus inséparables.
Ce qu'elle ignore... c'est que certaines personnes bienveillantes, mises dans le secret, veillent sur elle et sur les deux enfants. C'est alors que la Seconde Guerre Mondiale éclate...
Franco, le cousin des enfants s'engage aux côtés des fascistes, Giovanna à l'opposé part combattre la dictature en Espagne, tandis que Vitantonio lui, continue à penser que la lutte est plus importante sur place pour défendre les intérêts des paysans pauvres, exploités et appauvris par les propriétaires terriens de la région sans scrupules...
Le dernier fils de la lignée des Palmisano réussira-t-il à échapper à sa destinée ?
La fillette [Lucia] ne bougea pas. Elle était hypnotisée par le spectacle des balles traçantes et incapable de le quitter des yeux.
- C'est comme s'il pleuvait des étoiles, dit-elle, émue.
Elle ferma les yeux et fit un voeu.
- Ces étoiles-là sont dangereuses, l'avertit Vitantonio quand un projectile explosa près de la maison.
Il la prit par la main et l'entraîna jusqu'au fond de la grotte
Dans le bourg d'Ascoli, les habitants savaient qui étaient les coupables :
- Ce sont deux fils de pute de notre pays Des gens du Mezzogiorno, de Bari, à tous les coups, ou de la vallée d'Itria L'un des deux est un géant, avec des dents noires...L'autre est encore pire : froid, cruel, sans âme. On dirait que pour lui, tout cela n'est qu'un jeu : il est vêtu de noir de la tête aux pieds et se fait appeler le Chevalier noir.
Vitantonio eut le souffle coupé, comme s'il avait reçu un coup de poing dans l'estomac.
Le roman débute de nos jours. Un couple visite un petit village des Pouilles et découvre sur le Monument aux morts de la Première Guerre Mondiale que toute une famille du village a été décimée. C'est alors qu'un vieux monsieur qui semblait endormi sur un banc proche leur raconte l'histoire de cette famille et de la malédiction qui pesa sur eux.
A noter...Bellorotondo n'existe pas en réalité mais l'auteur s'est inspiré de nombreux petits villages des Pouilles qui eux existent vraiment !
Voilà un roman du terroir qui nous apprend beaucoup de choses sur l'histoire de l'Italie, la montée du fascisme et ses conséquences humaines. Toutes les descriptions des faits de guerre, que ce soit lors de la Première ou de la Seconde Guerre Mondiale, le mouvement anti-belliciste de Locotondo, le bombardement de Bari le 2 décembre 1943, l'explosion du John Harvey et la diffusion du gaz moutarde, ainsi que le soulèvement de Matera en septembre 1943, sont véridiques.
D'ailleurs le roman est un hommage à "tous ceux qui se soulevèrent contre l'alliance nazi-fasciste dans le sud de l'Italie et qui, comme bien souvent, sont les grands oubliés de l'histoire"[in note de l'auteur].
C'est donc à la fois une saga familiale avec des personnages attachants et un roman historique dans lequel j'ai appris beaucoup de choses sur le déroulé des événements durant les deux guerres.
Il est bien évident qu'il faut aimer ces deux côtés-là de l'histoire, la petite et la grande, pour apprécier sa lecture. Personnellement je ne me suis pas ennuyée un seul instant en le lisant mais j'ai préféré la première partie à la seconde.
J'ai aimé les descriptions des paysages, les us et coutumes de la vie au village, les secrets et les croyances religieuses, tout ce qui fait la particularité de cette région d'Italie. Le lecteur retrouve la chaleur humaine de ses habitants mais aussi leur côté passionné, les rivalités, les mensonges...tout ce qui faisait le sel de la vie au village.
Je pense cependant que la traduction n'est pas parfaite ainsi dans le commentaire que j'ai mis plus haut la fillette s'avère avoir près de quinze ans alors qu'à la lecture du texte je la pensais beaucoup plus jeune mais cela ne m'a pas vraiment gênée à la lecture.
Ce roman est facile à lire et donc parfait pour les vacances. C'est tout à fait le genre de lecture dont j'ai besoin en ce moment...
Je ne comprendrais jamais pourquoi le plus fort et le plus culotté de la classe a décidé de défendre les intérêts des va-nu pieds des Pouilles, alors que le plus minable de tous, ton âne de cousin, fait des pieds et des mains pour entrer dans les chemises noires...