Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Voici déjà plus d'un an que ce roman est paru et que j'avais très envie de le lire. C'est chose faite à présent !
La liste d'attente à la médiathèque a été très longue, et j'ai fini par l'oublier pour finalement me décider, dernièrement.
J'ai recopié patiemment l'histoire de Rose, corrigeant simplement quelques fautes, rien de plus. Les cahiers ne sont plus en ma possession, je les ai remis à qui de droit, il y a des années. J'ai beau savoir ce qu'ils contiennent, il me faut revenir une dernière fois à l'immonde vérité dont je sens déjà le poison sourdre en moi...
Gabriel, un jeune curé, doit se rendre dans un monastère perdu au coeur d'une forêt, pour y bénir une défunte. La veille, une infirmière de cet établissement, est venue au confessionnal lui demander de récupérer, cachés sous les jupes de cette jeune femme, de mystérieux cahiers...
Gabriel va, malgré tout ce que son geste comporte d'inapproprié, s'exécuter.
C'est ainsi que la vie de Rose enfermée elle-aussi dans ce monastère devenu un asile, va être mise au jour...
Rose n'avait que 14 ans lorsqu'elle a été vendue par Onésime, son père, à un riche maître de forges. Le père espérait ainsi sortir la famille de la misère.
Tandis qu'il sombre peu à peu dans le remords sans que personne n'ose toucher à la bourse emplie d'argent, toute la famille s'enfonce dans le silence, car l'absence de Rose est une souffrance pour ses jeunes sœurs et pour la mère, celle que le narrateur appellera tout au long du roman,"Elle".
Pendant ce temps, Rose vit l'enfer au domaine du maître de forges et voudrait s'échapper, ce qu'elle n'a aucune chance de pouvoir mettre à exécution tant elle est surveillée.
Elle devient leur servante, mais une servante particulière qui doit se soumettre à tous les caprices et les désirs du maître et de sa vieille mère.
Espérant avoir un héritier, puisque sa propre femme ne peut lui en faire un, il n'hésite pas à violer Rose sous les yeux de sa mère. Celui que le narrateur appelle le maître est un monstre et sa vieille mère bien plus encore... Quant au docteur qui les visite régulièrement, il joue leur jeu et ne vaut pas mieux.
Seul, Edmond le demi-frère du maître devenu aussi son serviteur, son jardinier, palefrenier et souffre-douleur, offre à Rose un peu de réconfort. Il manque pourtant cruellement de courage pour la protéger...mais elle va tomber peu à peu sous son charme et sa gentillesse.
Alors qu'Onésime revient au domaine pour la ramener à la maison, il sera sauvagement assassiné par le maître sous les yeux de sa fille, anéantie.
Quand la vieille comprend que Rose est enceinte, elle la mène aussitôt à l'asile, mais avant son départ du domaine, la jeune fille a trouvé un moyen terrible de se venger...
Je me suis alors juré que je retournerais jamais à la ferme. Même si j'en avais la possibilité un jour, j'y reviendrais pas, puisque tout le monde était en train de mourir dans mon cœur, que l'image de mes sœurs finirait bien par disparaître elle aussi, que c'était la seule façon de m'en sortir, de survivre à tout ça. Parce que je ne voulais pas mourir de désespoir si jeune, et que, pour pas mourir, il fallait que je détruise la fille de quatorze ans, que je la tue d'une manière ou d'une autre, sans savoir encore qui était celle de l'autre côté.
C'est un roman choral qui a obtenu de nombreux prix largement mérités à mon avis, mais il faut noter que sur Babelio, il récolte aussi de nombreuses critiques négatives. En tous les cas, s'il a obtenu le Grand Prix des Lectrices de Elle, le Prix des Libraires, le Prix Psychologies magazine, le Prix Babelio, tous en 2019, c'est qu'il a été lu par de nombreuses personnes et apprécié, bien que ce soit un livre noir, tragique, cruel et marquant pour ne pas dire carrément traumatisant.
Il fait alterner la voix de quelques-uns des personnages principaux, Gabriel, Edmond, Onésime le père et, "Elle" la mère, et bien entendu Rose à travers ce qu'elle a confié dans ses carnets. Mais il y a aussi la voix inaudible d'un enfant. Qui est-il ? Vous le saurez à la toute fin du roman...
Cependant pour prendre un peu de distance avec l'histoire, l'auteur a fait parler le père et la mère à la troisième personne, alors que Gabriel et Rose s'exprime en disant "je".
Peu à peu comme pour un puzzle, l'histoire prend forme et le lecteur en apprend davantage sur les différents personnages, leur rôle et le pourquoi de leurs agissements. Il y a du suspens même si dès le départ le lecteur sait que c'est un roman très noir, il espère que cette jeune fille puisse enfin sortir de son calvaire.
C'est un roman que j'ai trouvé très fort et poignant, écrit avec beaucoup de réalisme et de poésie à la fois. Il est par moment proche du conte et fait donc appel à notre imaginaire. Rose tient bien évidemment la plus grande place et nous bouleverse par sa force et sa vulnérabilité mêlées. C'est un personnage magnifique d'une grande dignité.
A aucun moment, on ne peut situer cette histoire dans le temps, ni dans un lieu précis, mais à cette époque-là dans les campagnes, on se déplaçait encore à pied et à cheval et les paysans n'avaient pas un sou, tandis que les propriétaires terriens évidemment avaient tous les pouvoirs. C'était encore comme ça au XIXe siècle, non ?
J'ai aimé la plume de l'auteur que je compte bien continuer à découvrir si j'en ai le temps, car je sais que beaucoup d'autres romans m'attendent sur les étagères de la médiathèque. Je comprendrais cependant que certains parmi vous, n'aient aucune envie de le découvrir, mais je tiens à vous dire que la fin n'est pas du tout celle à laquelle on s'attendait...et évidemment je ne vais pas vous la raconter !
Je pense aux Landes, là où c'était chez moi il y a longtemps, dans une autre vie. A quoi bon vouloir rejoindre cette fichue éternité qui me tend les bras. Tout ce qui faisait de moi quelqu'un, même pas bien important, m'a été retiré...
Il y a que ce qu'on partage qui existe vraiment, ce qu'on représente pour les autres, même si c'est que ça, parce qu'un simple souvenir vaut rien, qu'il se déforme toujours, se plie de façon à être rangé dans un coin. Les souvenirs, surtout les bons, c'est rien que de la douleur qu'on engrange sans le savoir...
Nous n'avons rien à espérer du passé. Ce sont les hommes seuls qui ont eu l'audace d'inventer le temps, d'en faire des cloisons pour leur vie...