Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Les Fontaines. Une pierre cassée au milieu d'un pays qui s'en fiche. Un morceau du monde qui dérive, porté par les vents et les orages. Une île au milieu d'une terre abrupte. Je connais les histoires de ce village, mais une seule les rassemble toute.
La beauté de l'étang l'avait frappé de plein fouet.
L'endroit était magnifique. La brume montait dans le ciel et s'évanouissait dans les nuages. Les animaux profitaient du sommeil des hommes pour grappiller leur restes près des tables...
Ce roman a reçu le Prix des Libraires en 2017.
Il raconte l'histoire de deux familles durant trois générations.
Le lecteur découvre André, un médecin meurtri par la guerre et ses horreurs, qui a quitté Lyon pour s'établir dans ce lieu reculé du Massif Central où les ouvriers de la carrière toute proche, tenue par la famille Charrier, ont besoin d'un médecin tout comme les paysans du coin.
Très vite, il tombe amoureux de ce lieu sauvage et mystérieux et s'installe aux Trois-Gueules, dans une maison magnifique, la Cabane.
C'est un massif dangereux pour qui ne le connaît pas, des gorges profondes l'entaillent, des forêts sombres le traversent, et des falaises abruptes lui donnent un aspect effrayant.
Les ouvriers, que dans les environs on appelle les "fourmis blanches" car ils sortent de la carrière couverts de poussière blanche, sont les seuls à faire vivre le village des Fontaines en contrebas, un simple lieu-dit au départ, où le maire, et les frères Charrier font construire des maisons pour qu'ils s'y installent avec leur famille.
Le lecteur suit l'installation d'André, pas toujours aisée car il est difficile de se faire accepter dans ce lieu quand on a les mains "lisses". Il est heureusement fortement aidé par le maire du village.
Un beau jour, Elise, une jeune femme de Lyon avec qui il a passé une seule nuit avant de partir définitivement, lui rend visite et lui présente son fils. C'est Benedict. Il a quatre ans, il est en admiration devant ce père qui lui tombe du ciel. André va décider de le garder avec lui aux Trois-Gueules, tandis que sa mère reste à la ville. Le petit garçon va s'intégrer très vite. Il est foncièrement bon et obéissant, et veut avant tout faire plaisir à son père. Il marchera dans ses pas...
Tandis qu'il poursuit ses études à la ville, Bénédict rencontre Agnès qui deviendra sa femme et qu'il ramènera au village pour vivre dans la maison de son père. Leur fille Bérangère naîtra là-haut. Elle est la seule de la famille à appartenir à ce lieu qui n'a pas tellement changé depuis des décennies et où vivent à présent trois générations de la même famille.
Bénédict qui est devenu à son tour le seul médecin du village, fait venir de la ville des spécialistes qui en quelques jours complètent leur salaire à peu de frais : dentistes, kiné...proposent leurs services et s'installent dans la maison de Bénédict qui ne désemplit pas.
Dans les terres alentours vivent des paysans dont la famille de Maxime et Delphine qui élèvent du bétail et travaillent la terre de leurs ancêtres.
Les paysans s'adaptent aux changements de leurs régions mais n'acceptent pas que leurs terres soient vendues à des promoteurs. Ils vivent encore dans les croyances et les superstitions de l'ancien temps, maintiennent en vie quelques traditions mais acceptent de produire davantage pour nourrir tous ces ouvriers et nouveaux habitants.
Les hommes sont taillés comme les falaises qui servent de décor. Ils sont rudes comme la maigre terre dont ils tirent leur subsistance, taiseux, durs au labeur, tandis que les femmes tentent de créer une certaine harmonie dans les familles tout en faisant grandir leurs enfants avec le peu que la terre leur donne.
Maxime et Delphine ont quatre fils. C'est une famille de paysans sans histoire. Seul Valère est le plus fort, celui sur lequel ils peuvent le plus compter pour reprendre la ferme.
Mais Valère et Bérangère qui sont amis depuis l'enfance, tombent amoureux et les familles acceptent l'inéluctable : un jour ils se marieront puisque Bérangère malgré ses origines, est elle-aussi une enfant du pays.
Le destin est en marche et si aucun d'entre eux ne peut envisager d'aller vivre ailleurs...tous sont obligés d'accepter que la terre engendre des drames insurmontables, leur prenne ce (et ceux) qu'ils aiment le plus au monde...
En présence de son père, Bénédict était encore ce petit garçon qui mangeaient des gaufres pendant que ses parents discutaient sur la terrasse.
C'est un roman social qui m'a laissé une impression mitigée lors de ma lecture.
Le narrateur est le Père Clément que l'on retrouvera dans le roman en particulier à la fin, et qui se propose de nous raconter l'histoire des deux familles, celle d'André et celle de Maxime.
Comme dans une tragédie grecque, le lecteur sait d'avance que le drame va arriver mais ne sait ni quand ni comment, ni pourquoi. On sait dès le départ que la Cabane, la belle maison du docteur a brûlé et que ses habitants l'ont désertée...
L'auteur a une belle écriture et sait créer une ambiance particulière. Elle a une façon bien à elle de décrire les lieux et beaucoup de finesse pour étudier les hommes. J'ai retrouvé le plaisir que j'avais ressenti à la lecture de son dernier roman "Une bête au paradis", présenté ICI.
Mais j'ai trouvé que dans celui-ci que le ton employé pour son récit mettait une distance trop importante entre les personnages et le lecteur, ce qui est sans doute responsable du fait que je suis restée un peu en dehors, que j'ai trouvé par moment l'histoire peu crédible et que finalement, je ne me sois attachée à aucun des personnages (à part Valère).
Le lieu par contre est attirant, tantôt maléfique, tantôt idyllique mais toujours fascinant. La nature est indomptable et elle nous la décrit dans toute son effrayante splendeur et ses dangers.
J'ai trouvé la première partie trop longue à se mettre en place mais heureusement au milieu du livre, le lecteur pressent le drame qui arrive et s'accroche aux derniers chapitres tant il désire en savoir plus.
J'ai lu que ce roman était considéré comme un roman du terroir. Je ne suis pas d'accord avec ce "classement" car on y apprend très peu de choses sur les traditions et on ne sait même pas où l'histoire se situe exactement !
Par contre, les problèmes liés à l'après-guerre dans les campagnes sont bien reconstitués avec, à la fois les jeunes qui sont attirés par les villes et les difficultés pour les gens des campagnes d'accepter d'être envahis par les gens des villes_des étrangers donc à leur pays_ a fortiori d'accepter que des promoteurs les envahissent et veuillent acquérir la terre de leurs ancêtres.
Est bien rendue également la force dégagée par la nature, cette force contre laquelle les hommes ne peuvent pas lutter...et qu'ils acceptent avec beaucoup de fatalité.
Je garde donc un avis mitigé sur cette lecture...mais je suis contente d'avoir continué à découvrir la belle plume de cet auteur.
Les hommes, pourtant, estiment pouvoir dominer la nature, discipliner ses turbulence, ils pensent la connaître. Ils s'y engouffrent pour la combler de leur présence, en oubliant, dans un terrible excès d'orgueil, qu'elle était là avant eux, qu'elle ne leur appartient pas, mais qu'ils lui appartiennent.
Les Trois-Gueules avaient pris plus de vies que les vagues de l'océan, que les marais trompeurs, plus d'enfants que n'importe quelle forêt magique, plus de femmes et d'époux que les routes des montagnes et les lignes droites des grandes plaines.