Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Plus tard, j'ai pensé que les mains de mon père m'avaient manqué, qu'elles n'avaient jamais serré les miennes, qu'elles ne m'avaient jamais rattrapé un jour de chute ni recoiffé un jour de vent, qu'elles n'avaient jamais effleuré mon visage comme on le fait parfois, quand certains mots ne parviennent pas jusqu'aux lèvres.
Plus tard j'ai pensé qu'un père qui n'étreint pas ne façonne pas et qu'on en conserve pour toujours une infirmité. Une sorte d'inachèvement.
On finit par devenir ce que nos parents ont de cassé en eux.
Le chagrin fait grandir plus vite pour avoir plus vite de longues jambes et plus vite le fuir.
Dans ce roman très dur et violent, l'auteur qui nous a habitué à davantage de douceur, de légèreté et de bons sentiments dans ces précédentes œuvres, dénonce les violences faites aux enfants par des hommes d'église, ici un prêtre respecté, et surtout le silence qui pendant trop d'années les a entourées. Voilà je vous ai tout dit !
L'auteur nous raconte l'histoire d'Edouard, un père qui apprend bien trop tard que son fils, Benjamin, a été violé lors d'un séjour d'été en camp de vacances.
Il retrouve (croit-il...) le prêtre responsable et décide le lui faire payer le mal qu'il a fait à son petit garçon, et surtout de lui faire avouer tous les détails de cette sordide histoire. Il faut qu'il sache coûte que coûte plutôt que d'imaginer...
Là, au cœur de l'église, la violence et le désir de vengeance d'Edouard se déchaînent...et deviennent incontrôlables pendant trois jours, face au silence et à la lâcheté, tandis qu'il s'interroge sur sa propre éducation, son propre père, sa propre responsabilité.
C'est un face à face éprouvant pour le lecteur et très dérangeant même pour moi qui suis profondément athée, mais nécessaire pour le père, fou de chagrin. Certaines scènes sont sordides et d'une rare violence.
Le lecteur s'interroge...
Edouard a-t-il le droit de faire justice lui-même ? Pardonner peut-il aider à réparer les victimes et à leur rendre leur innocence ?
L'auteur a décidé de s'engager pour cette cause qui le révolte. Il ne peut accepter comme nous tous, que les enfants soient victimes de ceux qui étaient chargés de les protéger, tout comme ce père ne peut accepter de n'avoir rien vu des appels au secours de son fils qui ne peut parler.
Briser le silence est nécessaire mais je ne sais pas si ce roman est pour autant nécessaire.
Avec des mots pourtant justes et des passages émouvants, l'auteur décrit toutes les facettes de sentiments et tous les détails, même sordides, de cette histoire. Je n'ai rien appris que je ne sache déjà.
Je n'ai éprouvé aucune compassion pour Edouard, dont le personnage et les actes sonnent faux finalement, car si je comprends la rage qui l'anime, je ne vois pas un père commettre de tels actes peu crédibles. Trop c'est trop dans ce roman que l'auteur a voulu faire coller à l'actualité.
L'auteur agrémente son texte de trop nombreuses citations bibliques qui n'apportent rien au roman. Il compare l'histoire d'Abraham et de son fils, certes, et nous livre des réflexions sur le pardon, mais tout cela mit en parallèle de la violence des propos et des actes, ne m'a pas convaincue.
De plus, la fin est plutôt invraisemblable : je ne vois pas un prêtre avouer son crime devant ses ouailles !
Mais elle nous révèle cependant à quel point le silence de l'Eglise a pu cacher autre chose que nous n'imaginons même pas.
C'est un livre d'à peine 200 pages qui se lit d'une traite car bien entendu le lecteur dérangé (choqué ? provoqué ?) par les premières lignes de l'auteur veut savoir comment tout cela va se terminer.
Mais encore une fois, même si je trouve que c'est une très bonne chose que la parole se libère, je m'interroge sur la nécessité de toute cette violence. Elle n'apporte rien aux victimes, ni aux familles, ni aux bourreaux.
Je vous laisse donc être votre propre juge quant à ce roman, si vous le lisez un jour...
Si un enfant n'a pas le pouvoir de sauver l'amour de ses parents, l'amour de ses parents peut le sauver...
Je pleure parce je présage que Benjamin se mettra un jour à dire.
Il dira, même si les mots manquent et ne seront jamais parfaits à décrire l'indicible.
Il dira, car c'est la seule façon de retrouver sa dignité et son identité perdues.
Il dira, car c'est dire qui permet d'être à nouveau au monde...
- Pourquoi tu pleures, papa ? C'est à moi qu'on a fait du mal.