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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Mon Père / Grégoire Delacourt

JC Lattès, 2019

JC Lattès, 2019

Plus tard, j'ai pensé que les mains de mon père m'avaient manqué, qu'elles n'avaient jamais serré les miennes, qu'elles ne m'avaient jamais rattrapé un jour de chute ni recoiffé un jour de vent, qu'elles n'avaient jamais effleuré mon visage comme on le fait parfois, quand certains mots ne parviennent pas jusqu'aux lèvres.
Plus tard j'ai pensé qu'un père qui n'étreint pas ne façonne pas et qu'on en conserve pour toujours une infirmité. Une sorte d'inachèvement.
On finit par devenir ce que nos parents ont de cassé en eux.

Le chagrin fait grandir plus vite pour avoir plus vite de longues jambes et plus vite le fuir.

Dans ce roman très dur et violent, l'auteur qui nous a habitué à davantage de douceur, de légèreté et de bons sentiments dans ces précédentes œuvres, dénonce les violences faites aux enfants par des hommes d'église, ici un prêtre respecté, et surtout le silence qui pendant trop d'années les a entourées. Voilà je vous ai tout dit !

 

L'auteur nous raconte l'histoire d'Edouard, un père qui apprend bien trop tard que son fils, Benjamin, a été violé lors d'un séjour d'été en camp de vacances. 

Il retrouve (croit-il...) le prêtre responsable et décide le lui faire payer le mal qu'il a fait à son petit garçon, et surtout de lui faire avouer tous les détails de cette sordide histoire. Il faut qu'il sache coûte que coûte plutôt que d'imaginer...

 

Là, au cœur de l'église, la violence et le désir de vengeance d'Edouard se déchaînent...et deviennent incontrôlables pendant trois jours, face au silence et à la lâcheté, tandis qu'il s'interroge sur sa propre éducation, son propre père, sa propre responsabilité.  

 

C'est un face à face éprouvant pour le lecteur et très dérangeant même pour moi qui suis profondément athée, mais nécessaire pour le père, fou de chagrin. Certaines scènes sont sordides et d'une rare violence.

Le lecteur s'interroge...

Edouard a-t-il le droit de faire justice lui-même ? Pardonner peut-il aider à réparer les victimes et à leur rendre leur innocence ? 

 

L'auteur a décidé de s'engager pour cette cause qui le révolte. Il ne peut accepter comme nous tous, que les enfants soient victimes de ceux qui étaient chargés de les protéger, tout comme ce père ne peut accepter de n'avoir rien vu des appels au secours de son fils qui ne peut parler.

Briser le silence est nécessaire mais je ne sais pas si ce roman est pour autant nécessaire. 

 

Avec des mots pourtant justes et des passages émouvants, l'auteur décrit toutes les facettes de sentiments et tous les détails, même sordides, de cette histoire.  Je n'ai rien appris que je ne sache déjà.

Je n'ai éprouvé aucune compassion pour Edouard, dont le personnage et les actes sonnent faux finalement, car si je comprends la rage qui l'anime, je ne vois pas un père commettre de tels actes peu crédibles. Trop c'est trop dans ce roman que l'auteur a voulu faire coller à l'actualité. 

 

L'auteur agrémente son texte de trop nombreuses citations bibliques qui n'apportent rien au roman. Il compare l'histoire d'Abraham et de son fils, certes, et nous livre des réflexions sur le pardon, mais tout cela mit en parallèle de la violence des propos et des actes, ne m'a pas convaincue. 

 

De plus, la fin  est plutôt invraisemblable : je ne vois pas un prêtre avouer son crime devant ses ouailles !

Mais elle nous révèle cependant à quel point le silence de l'Eglise a pu cacher autre chose que nous n'imaginons même pas.

 

C'est un livre d'à peine 200 pages qui se lit d'une traite car bien entendu le lecteur dérangé (choqué ? provoqué ?) par les premières lignes de l'auteur veut savoir comment tout cela va se terminer.

Mais encore une fois, même si je trouve que c'est une très bonne chose que la parole se libère, je m'interroge sur la nécessité de toute cette violence. Elle n'apporte rien aux victimes, ni aux familles, ni aux bourreaux.

Je vous laisse donc être votre propre juge quant à ce roman, si vous le lisez un jour... 

Si un enfant n'a pas le pouvoir de sauver l'amour de ses parents, l'amour de ses parents peut le sauver...

Je pleure parce je présage que Benjamin se mettra un jour à dire.
Il dira, même si les mots manquent et ne seront jamais parfaits à décrire l'indicible.
Il dira, car c'est la seule façon de retrouver sa dignité et son identité perdues.
Il dira, car c'est dire qui permet d'être à nouveau au monde...
- Pourquoi tu pleures, papa ? C'est à moi qu'on a fait du mal.

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C
merci pour ton ressenti, j'avoue que le sujet est en effet d'actualité, et ton avis ne me donne pas envie du tout....heureuse que mon pas à pas de ces arbres les pieds dans l'eau te plaise, j'avoue que c'est un paysage un peu intemporel et irréel, j'aime m'y promener. pour tes arbres, il faudrait m'en montrer que je puisse te dire ce que j'en pense. bises.celine
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M
Merci pour ton avis. A sa sortie il a beaucoup fait parler de lui et les avis étaient assez mitigés. Je comprends mieux pourquoi. J'avais eu le même ressenti avec "toutes blessent, la dernière tue" de Karine Giebel qui condamne une pratique en nous en dévoilant toute sa violence. Et je n'étais pas convaincue que ce soit la meilleure façon, même si je comprenais la démarche et étais d'accord avec elle.
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M
Je n'avais pas ressenti la même chose avec le roman de Karine Giebel qui se lit comme un thriller ce qui nous protège en quelque sorte de toute cette violence, même si bien entendu elle est bien réelle. Là c'est très dur à lire jusqu'au bout...Merci de ton passage ici Marion. Bonne fin de semaine
L
Un roman qui me tente bien, mais non pas en ce moment.<br /> Je le note et le lirai a ma sortie de l'hôpital. <br /> Je suis en train de terminer "par les soirs bleus d'été" de F. Pavloff. Je crois que c'est toi qui en avait parlé.<br /> Bonne nuit.<br /> Je tembrasse.<br /> Maryse.
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L
Au début il faut s'habituer à cette écriture puis après avoir lu quelques pages je comprends que l'auteur écrit de la façon dont l'enfant perçoit et s'exprime j'en suis presque à la moitié, en ce moment je lis moins vite mais je déguste.<br /> J'aimerai voir comme lui en couleur, mais parfois la vie est grise alors je choisis le gris qui me convient un gris tout doux car même dans la grisaille il y a de belles choses à vivre.<br /> Je t'embrasse.<br /> Maryse
M
J'ai beaucoup aimé le roman de Pavloff, j'espère que toi aussi. Bisous et bon courage
A
Un auteur dont j'apprécie la plume, mais ce que tu dis de la fin ne me tente pas.
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M
J'ai déjà lu 4 livres de Grégoire Delacourt et j'apprécie sa plume... Mais avec ce livre, il semble avoir changé totalement d'univers et peut--être même de style... C'est bien que la parole se libère face à cette atrocité, d'autant plus horrible quand elle concerne "homme de Dieu". J'essaierai de le lire! <br /> Merci Manou!
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M
J'ai voulu le lire parce que en principe j'apprécie l'auteur. Je n'ai pas été déçu du tout par l'écriture mais bien par la façon de traiter ce sujet...d'un autre côté tout cela est voulu par l'auteur, il nous choque et nous provoque pour la bonne cause, si je puis dire. bisous
C
Sujet trop dur pour que cela me donne envie de le lire ! <br /> Maintenant, j'ai déjà entendu parlé de l'auteur donc je le découvrirai certainement un jour.
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E
Pas trop envie de lire ce genre de livres, c'est trop dur cette réalité et le savoir me suffit sans lire tous les détails ! Bisous
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Z
Je ne pense pas lire ce roman. Delacourt m'a un peu déçue
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M
J'ai aussi comme toi un avis partagé sur ses romans, mais celui-ci par son sujet me tentait. On retrouve sa plume sensible et il s'engage vraiment sur le sujet, ce qui est positif
É
Enfin un article sur le sujet des prêtres pédophiles ! J'ai souvent pensé à le faire, en réponse à tous ces articles dans les blogs qui regorgent de doux Jésus Marie Joseph dont les rédacteurs/trices oublient la responsabilité de l'église dans les grands conflits, guerres, colonisations etc. depuis 900 ans. Comme dirait un pote à moi ici "si Dieu existe, (l'église prône l'amour et la fraternité) pourquoi laisse-t-il faire tout ça ? Qu'attend-t-il pour remédier à la misère dans le monde, aux guerres... ?... A mon avis il n'y a pas de pardon. Le viol est une acte innommable. La vengeance n'est pas la solution -c'est le rôle de la justice- mais qu'un blogueur, une blogueuse, dont le fils ou la fille a été violé(e) par un curé vienne me dire qu'il n'a pas envie de lui péter la gueule......... Heureusement qu'ENFIN les victimes se mettent à parler ; il était temps. Comment peut-on encore croire en "Dieu", aller à la messe, après tant d’ignominie ?<br /> Merci Manou pour ton article qui pose les vraies questions. Il y a le passé, mais il y a aussi le présent et le futur. Si j'étais croyante, j'aurais trop la trouille d'envoyer mes enfants à la messe, au catéchisme ou dans un camp, l'église détenant le record en matière de pédophilie, bien avant l'éducation nationale ou les organismes sociaux.
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M
Cela fait des mois que je voulais le lire... en plus c'est un auteur que j'apprécie beaucoup pour sa sensibilité. Il n'a pas vécu les choses directement mais a vu des "choses" dans son enfance, qu'il n'a compris que bien plus tard, devenu adulte et on comprend que cela soit marquant pour lui et lui donne envie de s'engager...En tous les cas c'est bien que la parole se libère quelle que soit la façon et que des auteurs s'engagent aussi pour dénoncer ces crimes impunis. Bisous et merci pour ton message
G
Un livre à lire , <br /> En ce moment ces hommes d'église font la une des journaux, mais à quoi ça sert , il y a toujours qq'un pour leur trouver une circonstance atténuante<br /> Ceux que se sont tus sont aussi coupables <br /> Quant à la colère du père révolté en rentrant dans l'église même si je ne la cautionne pas je peux la comprendre , mais je ne comprendrais jamais que ces monstres qui hantent les églises ne soient pas punis , le laisser faire est un plaie de notre société <br /> Bonne soirée
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M
Tu as raison moi aussi je suis outrée par le silence de ceux qui savaient et n'ont rien dit. Bisous Rose et merci pour tes commentaires toujours engagés
D
Je ne sais pas si je le lirai. Mais j'irai voir sur le net. Cela crève le cœur ces histoires. J'ai eu de la chance de ne pas avoir connu ça chez les sœurs.<br /> Bises
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P
Je suis tout à fait d'accord avec toi ! C'est la première fois que je lis un avis semblable au mien à propos de ce livre ! Et moi aussi, j'ai trouvé la fin invraisemblable ! <br /> Ouf ! je ne me sens plus seul au monde ! <br /> Bon dimanche.
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M
Je voulais être au plus juste de mon ressenti et c'est amusant car je ne me souvenais pas de ta critique que j'avais pourtant commentée :) comme toi je pense que la lecture de ce livre est tout de même nécessaire...
L
coucou ,tu parles très bien du malaise que tu as ressenti face à la violence ; bisous
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R
I a saddened by the story here. Friendship
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M
Un sujet que j'ai traité dans une chronique cinéma, il me manque maintenant à lire ce livre pour que ma vision soit complète.
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M
Et moi de voir le film que je n'ai pas vu...
E
ta chronique est convaincante... J'ai envie de le lire depuis le début, mais je redoute la violence :')<br /> bon week-end bises
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M
J'ai fini par franchir le pas, c'est dur mais je pense que c'est bien aussi que l'auteur s'engage ainsi, nous fasse réfléchir autour de la réaction de ce père qui souffre autant que son enfant...Bises
B
Une excellente chronique Manou ! Je n'ai pas encore lu cet ouvrage. Je le note.<br /> Je te souhaite une agréable fin de journée ainsi qu'un agréable dimanche et je t'embrasse très fort.<br /> Bernadette.
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M
Il est dur et ouvre un débat qui va encore faire parler de lui longtemps je pense maintenant que la parole se libère. bisous
R
C'est toujours violent ce genre de lecture mais, il est aussi bon que ce soit diffusé ce genre de fait afin de les prévenir et les combattre.....Bisous Manou
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M
Et finalement c'est bien que la plupart des parents ne réagissent pas avec une violence équivalente à ce que leur enfant a vécu, et ne fassent pas justice eux-même, c'est aussi un des messages de l'auteur...bisous
P
Bonjour Manou,<br /> Un sujet dont on parle souvent en ce moment. Tout était caché auparavant et on ne voulait pas faire de vagues.C'est lourd et grave . Colère, tristesse .....
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F
Le déchainement médiatique sur la pédophilie d'hommes d’église prend toujours plus d'ampleur... <br /> Longtemps gardé sous silence, ces agressions et dérives sexuelles sur mineurs de la part de prêtres sont, aujourd'hui, mises au grand jours. C'est bien mais c'est aussi une calamité pour les ministres de l'église qui n'ont jamais commis ces actes odieux et ont accompli honorablement leurs offices. <br /> On se pose alors la question du célibat imposé aux prêtres de l'église catholique ...<br /> Bien sûr, nul n'étant pas homme de loi, doit faire justice lui-même et la violence ne devra jamais être la réponse juste face à la violence.<br /> Quant au pardon ... il est d'un tout autre ordre qui exige un long chemin de réflexion et de rédemption ...<br /> Merci Manou, pour ces appréciations d'après lecture..<br /> Amitiés et bon week-end.
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M
Le public a toujours tendance à généraliser les actes d'une minorité...c'est le cas pour tous ces cas de pédophilie que ce soit pour les prêtres, les enseignants ou autres... Je me suis toujours posée la question du célibat des prêtres et il faudrait surtout que ce soit les catholiques qui se la posent et s'engagent à ce sujet. merci pour ton commentaire. A bientôt