Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Des événements authentiques sont à l'origine de ce roman. Les personnages ne sont pas inventés.
Ne vous fiez pas aux souvenirs des hommes âgés. Avec nos souvenirs nous essayons de corriger les échecs de notre vie, c'est pour cette seule raison que nous nous souvenons. C'est grâce aux souvenirs que nous nous apaisons vers la fin de notre vie.
Il y eu tous les jours des entretiens, ou plutôt des interrogatoires. Au moins deux fois par jour j'étais convoqué pour une demi-heure ou pour dix minutes dans un bureau et je devais répondre à toutes sortes de questions. Au bout de trois jours les questions se répétèrent et je répétai à chacun la même histoire, je n'avais pas fui, mais j'étais seulement allé en France pour améliorer mon français, et passer le baccalauréat, ce qui m'était interdit chez moi parce que mon père avait possédé autrefois une usine.
Konstantin n'a jamais connu son père, mort quelques mois avant sa naissance, à la fin de la guerre.
Très vite alors qu'il grandit dans une petite ville d'Allemagne de l'Est (mais l'Allemagne n'est pas encore coupée en deux, le mur n'a été érigé qu'en 1961), il va comprendre que même si son père faisait partie des personnes importantes de la ville car il avait une usine prospère qui proposait du travail à tous les habitants, il a aussi une face cachée inavouable...
En effet, le père a fait partie des SS et a commis des actes inacceptables, tellement horribles qu'il a été jugé criminel de guerre et exécuté à la fin de la Seconde Guerre Mondiale par les troupes communistes polonaises.
A la suite de ces événements, la mère se bat pour reprendre son nom de jeune fille et le donner à ses enfants.
Elle voit son avenir complètement bouché. Le pouvoir soviétique lui interdit d’enseigner alors qu’elle parle plusieurs langues. Elle doit donc aller faire des ménages.
Elle fera tout pour cacher à ses deux fils, le personnage odieux qu'était leur père et qu'elle a profondément aimé du temps où il ne l'était pas.
Après avoir cherché à comprendre comment ce fils d'enseignant, d'une famille droite et croyante, a pu ainsi se faire enrôler dans les troupes nazis, elle décide de l'oublier pour le bien de ses enfants.
Mais les autres sont là, ils n'oublient pas et ne cessent de rappeler aux enfants le passé de leur famille, même ceux qui faisaient partie des anciens collaborateur du père et en ont bien profité.
Konstantin étouffe dans cette vie étriquée, se voit interdire l’accès au lycée alors qu’il est le meilleur de la classe. Il ne veut pas être obligé de faire un apprentissage, seul avenir possible pour lui et décide alors à 14 ans, de tout quitter et de gagner la France, en cachette de sa mère.
Là-bas, il va se faire embaucher dans une librairie de livres anciens, comme traducteur, et va passer deux ans, protégé par des hommes intègres, eux-aussi au lourd passé : ils ont été résistants et envoyés dans des camps.
Un jour, Konstantin n'en peut plus de garder secret le passé de son père, qu'il voulait oublier en venant ici : il décide de regagner son pays. Il a obtenu, grâce aux cours du soir, la première partie du baccalauréat et ldoit beaucoup à ces hommes qui lui ont fait confiance...
Mais lorsqu'il arrive à la frontière, tout est devenu plus compliqué car le "mur de Berlin" vient d'être dans la nuit matériellement érigé...il sera matériellement construit plus tard. Le jeune homme doit d'abord répondre à de multiples questions, pour prouver qu'il n'est pas un espion tentant de repasser la frontière.
Le retour ne sera pas facile... et sa vie professionnelle et personnelle seront en permanence meurtries par l'existence de ce père qu'il n'a pas connu. L'ombre de ce père et le souvenir de ses actes le hanteront jusqu'à la fin de ses jours...
Les enfants sont-ils responsables des actes de leurs parents ?
C'est un roman initiatique, non dénué d'une pointe d'humour malgré la gravité du sujet et une certaine distance prise par le narrateur. Nous suivons Konstantin, ce jeune garçon sympathique et débrouillard dans sa quête de poursuivre ses études, ce qui lui est refusé dans son pays, puis plus tard dans son combat quotidien pour avoir une vie professionnelle plaisante.
C'est un roman bien écrit, très prenant qui se lit comme un roman d'aventure tout en nous plongeant dans 60 ans d'histoire de l'Allemagne. Il nous fait réfléchir à ce que nous voulons faire de l'avenir, tout en n'occultant en rien la mémoire historique indispensable.
Les effets durables d'une guerre même terminée n'ont pas à influer sur le devenir des générations futures. Et pourtant...
Le roman est construit de manière originale, puisqu'on retrouve tout d'abord Konstantin à la retraite, mais poursuivi par une jeune journaliste qui veut l'interroger pour écrire sur lui parce qu'il a été directeur du lycée le plus prestigieux de la ville. Il est marié et sa femme doit bientôt partir en cure car elle vient de subir une opération grave de la colonne vertébrale. Lui bien entendu ne veut pas du tout entendre parler de cet entretien qui ferait ressortir encore une fois son passé.
Le lecteur entre ensuite dans sa vie de petit garçon et n'aura de cesse d'arriver à la fin du roman pour comprendre les raisons de son refus.
Konstantin est un personnage sympathique courageux et réaliste, qui va toujours de l'avant et ne passe pas son temps à s'apitoyer sur son sort. C'est une des raisons pour lesquelles il rencontre des gens qui vont l'aider à se sortir de toutes les situations, parfois rocambolesques, dans lesquelles il tombe. Sa droiture, le fait qu'il croit à son droit d'oublier ses origines, vont l'amener à ne plus fréquenter son propre frère qui lui, à l'inverse, considère son père comme un héros...
Cette lecture m'a rappelé des souvenirs personnels, lorsque que j'étais étudiante, j'avais réalisé que les jeunes allemands des années 70, portaient en eux la culpabilité de ce que leur pays nous avait fait, à nous français, alors qu'ils n'étaient pas nés.
Comment bâtir sa propre histoire de vie quand un de nos parents a commis des actes ignobles ?
Est-ce normal qu'un enfant paie pour son père ?
Est-ce normal que tout un peuple souffre et porte la responsabilité d'actes passés ?
Comment ne pas oublier les actes commis, sans faire peser le poids de la culpabilité sur les descendants ?
Les choses auraient-elles été différentes si le petit Konstantin et sa famille avait vécu à l'Ouest ?
Evidemment, il est important de se poser ces questions, même si personnellement je n'ai pas à rougir du passé de ma famille, je comprends que cela ne soit pas facile pour ceux qui eux, ont à en rougir...