Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Issue d'une famille où les patrons sont d'office des bienfaiteurs, je suis très peu concernée par ces événements et je dois admettre que ma petite vie, concentrée depuis toujours sur la musique, la poésie, la découverte des grands auteurs allemands et français, le raffinement des arts, les beaux objets, les belles tenues, ne m'a pas sensibilisée à ces préoccupations sociales qui agitent la classe laborieuse ici ou ailleurs.
J'adore observer le monde autour de moi et j'ai une propension naturelle à communiquer avec les gens. Dès qu'une personne attire mon attention ou manifeste de l'intérêt à mon égard, je l'aborde tout sourires et pose mine de rien mes questions pour me faire une idée de mon interlocuteur. Une fois sur trois je deviens détentrice des secrets les mieux gardés.
Nous voilà dès le début du roman, transportés à la fin du XIXe siècle en Belgique, en 1886 exactement, où règne un contexte social particulier : le pays est en pleine crise économique, les mineurs et verriers se révoltent.
Lors d'une étape à Bruxelles, l'orchestre philharmonique de Berlin joue un morceau composé par Mozart. Lena, seule femme acceptée dans l'orchestre, y joue de la harpe.
A l'issue de la représentation, bousculée par la foule, elle heurte sans le vouloir le merveilleux glass harmonica, un des instruments de l'orchestre d'une extrême fragilité... Plusieurs coupelles sont brisées et l'instrument inutilisable pour la suite de la tournée.
Sans attendre que son amie Emma, qui lui sert de chaperon, l'accompagne, elle part dès le lendemain pour Charleroi pour tenter de faire réparer l'instrument.
Là-bas les ouvriers sont en grève. Leur mouvement donnera lieu au plus puissant soulèvement ouvrier de l'histoire de la Belgique, mais aussi au plus terrible des massacres...
C'est alors que malgré les événements qui enflamment la ville, Lena aidée par une belle chaîne humaine de passionnés, fait la connaissance de Lazare, un maître-verrier hors pair, dont elle va tomber immédiatement amoureuse. Malgré leurs différences de milieu social, et le fait qu'il soit déjà marié, il va devenir le grand amour de sa vie !
Mais Lazare fait partie des meneurs, et son rôle dans la révolte est de première importance. Il en assumera les conséquences et elle-aussi, parce qu'elle a été un temps proche de lui. Elle va devoir s'enfuir en Amérique et l'attendre là-bas, pendant de longues années...
J'ai aimé découvrir la plume à la fois poétique et réaliste de Bernard Tertiaux.
L'auteur que je ne connaissais pas, nous fait vivre les événements de l'époque alors que la révolte des mineurs et verriers enflamme la Belgique. C'est un épisode de l'histoire que j'avais oublié, décrit de l'intérieur, comme si nous faisions partie du groupe d'ouvriers.
Tous les faits historiques sont réels, et l'auteur s'est remarquablement documenté pour nous les décrire. Cohabitent dans l'histoire, des personnages fictifs qui auraient pu exister et réels, comme Tiffany le verrier américain qui apparaît à la fin du roman et Jules Destrée, un homme politique belge très engagé dans le Parti ouvrier... et sans doute d'autres que je n'ai pas forcément identifiés.
Je ne vais pas vous raconter tous les événements de la vie de Lena, car vous vous en doutez, ils font le sel de l'histoire, juste vous dire qu'elle va tout quitter pour rejoindre Montréal, puis New York et partir ensuite sur les routes avec une troupe de saltimbanques. Elle va vivre pendant des mois avec eux et ils l'accepteront comme si elle faisait partie de la famille. J'ai aimé leur générosité, l’entraide et les relations entre les différentes personnages de cette troupe.
Lena a une personnalité très affirmée pour l'époque. C'est une femme volontaire, dynamique et pugnace. Elle avance coûte que coûte malgré les difficultés de la vie. Elle qui a été élevée dans un milieu bourgeois, protégée de tout, mais qui a appris très jeune à se débrouiller seule en l'absence de mère, n'hésite pas un instant à quitter sa vie bien rangée, son confort, sa famille et en particulier son père qu'elle aime pourtant profondément, ainsi que son fiancé trop ennuyeux, et à tirer un trait définitif sur les concerts auxquels elle aimait tant participer.
Le lecteur assiste avec plaisir à sa métamorphose, à l'évolution de son point de vue sur le monde. Elle devient une véritable aventurière et sait trouver de l'aide en chemin, une aide parfois inattendue...ce qui peut paraître un peu invraisemblable, mais ne sommes-nous pas dans un roman ? Par exemple, l'aide qu'elle reçoit de Timothy Evans qui enquête sur ses liens avec Lazare, tombe à pic à un moment où tout va mal pour elle et qu'elle est poursuivie par de véritables tueurs qui sont à la recherche de Lazare. Alors qu'il pourrait la faire emprisonner, il va au contraire choisir de l'aider et même de la protéger. Mais le lecteur n'y trouve rien à redire !
Malgré quelques passages un peu long, j'ai eu du plaisir à lire ce roman, à la fois roman d'amour, d'aventure et roman historique. Un livre parfait pour se changer les idées en vacances !