Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Ce n'est pas toujours facile de manger à sa faim. Chez nous, on a un principe, on met tout en commun, les pénuries et les bonnes nouvelles, par exemple quand il y en a une qui revient avec des œufs pour faire des galettes.
Faut pas regretter. C'est sa grand-mère qui disait ça. Pas de regrets, pas de remords, puisque de toute façon c'est trop tard...
Autant aller de l'avant. Regarder en arrière, écoute-moi bien, ça sert à rien.
Elle disait aussi : "Faut réfléchir avant. Y a que ça."
Et ça Moe l'a oublié, noyé dans sa cervelle.
Aux lendemains des attentats parisiens de 2015, l'Etat ne pouvant plus supporter le coût des services sociaux, ceux-ci ont donc été privatisés, amenant des dérives lourdes de conséquences pour les principaux intéressés. Dans ces centres d'accueil un peu spéciaux, les Casses, qui sont réellement d'anciennes casses de voiture, on accepte les paumés, les délinquants, les sans-abris, et les immigrés. Vous l'aurez compris, tous ceux qui dérangent...
Moe n'avait que 20 ans quand elle a suivi son homme en métropole, quittant définitivement sa Polynésie natale.
Mauvaise décision !
Six ans après, elle a un enfant et se retrouve à la rue, épuisée et sans argent, dans l'impossibilité de garder un emploi parce qu'elle n'a pas les moyens de faire garder son fils. Elle est recueillie par les services sociaux et envoyée dans un centre d'accueil pour les personnes comme elle... qui ne sont pas gâtées par la vie.
C'est la Casse. Une ville loin de la ville, une prison en fait dont on ne peut sortir qu'en échange de 15 000 €... surveillée par des gardiens prêts à tout pour faire régner l'ordre mais aussi pour supprimer tout élément récalcitrant. Une ville où on oblige tous les adultes à travailler pour un salaire de misère et pour avoir droit à un peu de nourriture et où les plus chanceux dorment dans une caravane, alors que les autres ne possèdent qu'une vieille carcasse de voiture pour se protéger des intempéries.
Moe s'installe dans une 306 grise. Elle atterrit dans un quartier de femmes où se retrouvent réunies cinq personnes formidables qui s'épaulent et se soutiennent, tout en tentant d'oublier la noirceur des lieux. Elles l'adoptent très vite, elle et son fils.
Il y a Ada, la plus âgée qui s'est bâtie une renommée en soignant par les plantes, Jaja la rebelle, Poule la survivante, Marie-Thé qui est la douceur incarnée malgré ce qu'elle a vécu enfant, et Nini qui a du mal à supporter l'enfermement et s'enfuit la nuit pour s'amuser, aller danser et se faire un peu d'argent. Moe va se laisser tenter, pas pour elle, non, pour son petit Côme pour qu'il ne devienne jamais comme les enfants qu'elles voient voler ou mendier dans le centre.
Ensembles, elles vont tenter l'impossible : subsister et garder espoir, mais il suffit qu'une seule craque et commette une erreur pour que tout le groupe soit en danger.
Ada a beau veiller sur le groupe, elle ne réussira pas à empêcher le destin de poursuivre Moe...
Et le sentiment qui envahit Moe, après, oscille entre l'émerveillement et le ridicule, à pousser des cris avec les autres quand une pluie d'étincelles jaillit sur l'écran de douze centimètres, un tout petit feu d'artifice, vraiment, pour la première fois il faut se baisser pour le regarder, pour la première fois il n'est pas au ciel. Pourtant l'émotion la submerge.
Voilà un roman bouleversant sur la solidarité et l’entraide. Vous ne pourrez rester indifférents au destin de ces femmes meurtries par la vie, car chacune a une histoire qui comme celle de Moe, va nous être contée au fil des pages. Et si le drame subsiste, l'espoir d'une vie meilleure, n'en reste pas moins bien présent.
Dans ce roman, les hommes ne sont pas beaux à voir car responsables de beaucoup de malheurs : violence, viols, racket, trafic de drogue, corruption...
Ce roman est une dystopie particulièrement noire et terrifiante de réalisme, tant ce que l'auteur décrit pourrait advenir dans notre monde, où tout ce qui est différent fait peur.
D'ailleurs inutile de se voiler la face, c'est déjà à nos portes...