Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
On fait semblant d'être grand. Et, dans le meilleur des cas, je crois, on fera semblant toute sa vie.
C'est sûrement cela que ma grand-mère appelle grandir : monter un peu dans l'air et se voir enfin.
Je sais que pour une seule enfance intacte, un jardin suspendu comme le mien, il y en a des dizaines qui tombent en éboulis vers la plaine ou sont mangés par le désert. Je regarde passer ces jardins assiégés, dévastés, qui promènent leurs yeux grands ouverts.
Alors je me demande qui a veillé pour moi sur les frontières du haut plateau de l'enfance...
L'auteur nous embarque dans son univers, espérant retrouver la trace du territoire de son enfance. Au passage ce sont certains de ses souvenirs qui vont bien entendu revenir à la surface comme ces dimanches de pique-nique en famille, ses jeux avec sa fratrie ou ses cousins, l'arrivée sur le lieu de vacances et le jour où pour la première fois, une faille est apparu dans son monde d'enfant...
L'enfance est là, en effet, jusqu'à ce que son grand-père lui demande d'écrire un petit mot, un poème, quelques lignes pour son ami d'enfance à lui, Coco, qu'il n'a pas revu depuis des années...et qui va avoir 80 ans, prétextant qu'il ne peut plus écrire à présent.
C'est pour retrouver ce poème au milieu des papiers de famille que l'auteur décide des années après d'escalader le mur de la vieille maison de famille... il espère revivre ce moment où son enfance a glissé vers le monde des adultes.
- Le problème, dit-il soudain, c'est que je ne peux plus rien écrire.
J'ai essayé de sourire. Je connaissais la plume de mon grand-père, la musique de sa langue. La parole était son trésor de toujours. Il avait le génie des mots vibrants, il était orateur, clown à l'occasion, romantique ou prédicateur selon les jours. Il faisait mécaniquement des vers sans s'en rendre compte, et son unique héros s'appelait Cyrano.
Un petit livre très poétique, tendre, et plein de douceur, d'une centaine de pages à peine qui se lit dans un souffle et nous invite à revisiter notre propre enfance.
Encore faut-il accepter de repartir nous-même dans nos propres souvenirs et ces moments qui aujourd'hui parfois nous procurent autant de douleur que de joies...
Quelle part de notre enfance laissons-nous vivre en nous ?
Et le reste qu'en avons-nous fait, qu'avons nous fait de l'enfant perdu ?
Ceci explique sans doute que ce petit livre attire autant de critiques positives que négatives.
Il faut dire aussi que l'auteur nous décrit une enfance idéale et idéalisée comme si tous les mauvais moments en avaient été effacés.
Nous n'avons pas vécu la même. Il a eu une belle enfance dans une famille aimante et aisée, en sécurité, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Mais il faut reconnaître qu'il n'a pas son pareil pour nous décrire ces moments un peu magique, ces sensations ou odeurs oubliées, et nous faire replonger dans la nôtre.
C'est un livre qui ne se raconte pas, et d'ailleurs qui ne raconte pas vraiment quelque chose, il se ressent à travers les mots. Alors bien entendu une fois le livre terminé, ne restent que cette douceur, cette impression d'avoir fait un joli rêve, d'avoir été pendant un court instant cet enfant endormi dans les bras de son père, ou celui qui plonge ses pieds dans le torrent glacé.
Et c'est déjà beaucoup...
Il n'y a pas beaucoup de joies plus grandes. Je jure que ces dimanches, où on volait entre les pins. Si quelqu'un m'avait demandé l'endroit où j'habitais, j'aurais répondu comme Peter Pan : la deuxième à droite, et droit devant jusqu'au matin.
Il y a dans les hauts territoires de l'enfance, derrière les torrents, les ronces, les forêts, après les granges brûlantes et les longs couloirs de parquet, certains chemins qui s'aventurent plus loin vers le bord du royaume, longent les falaises ou le grillage et laissent voir une plaine tout en bas, c'est le pays des lendemains : le pays adulte.
Bon week-end à toutes et à tous et surtout...
Bonne fête à toutes les mamans !