Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Raffaele ouvrit grand les fenêtres pour lui faire sentir l'air marin et entendre les sifflets des bateaux.Il voulut qu'elle se penche au-dessus de l'étroite cour intérieure et des toits qu'il trouvait couleur ardoise, et elle, gris souris. Tout en haut, elle vit un petit carré de ciel turquoise, et qu'elle regarda en bas, elle eut le vertige.
Le seul point noir de cette terre promise était que le voisinage détestait le piano. Quand Gregorio, enfant, puis jeune homme, se mettait à jouer, les fenêtres claquaient et les gros mots volaient, bien qu'il prît soin de le faire à des heures décentes. Quel malheur que cela tombât justement sur la passion de son fils, grâce à laquelle elle se sentait elle-même en harmonie avec le monde...Qui n'a jamais vécu avec un musicien ignore que quand il joue, le plus misérable des logis se transforme et se soulève de terre comme un astronef pour voyager ver un monde parfait.
Tout le monde rêve d'une Terre promise...d'un ailleurs où l'herbe serait plus verte.
Pour Raffaele, enfant pauvre, obligé depuis la mort du père, de s'engager dans l'armée pour pouvoir manger, la Terre promise c'est le continent. Depuis qu'il est revenu de la guerre, il ne cesse d'espérer y retourner un jour prochain. Ester, qui a attendu son retour pendant cinq longues années, fait le même rêve. Tous deux se marient et le jeune couple s'installe d'abord à Gênes puis à Milan.
Mais Ester, malgré la naissance de Felicia, leur fille, a le mal du pays : c'est sur son île, la Sardaigne...qu'elle rêve de revenir à présent. Ils y retournent.
Félicia grandit en semant autour d'elle son bonheur de vivre.
Elle devient une adolescente heureuse, partout où elle se trouve. Rien n'entache jamais son optimisme naturel ! Sa Terre promise est en elle...ou bien, au coin de la rue. Elle est persuadée qu'il suffit seulement d'ouvrir les yeux pour la découvrir.
Devenue adulte, en attendant patiemment que le père de son fils s'attache à elle, et l'aime en retour comme elle l'aime, elle partira vivre seule à Cagliari avec son enfant ; puis, elle acceptera que Gregorio devenu grand, et passionné de musique de jazz depuis tout petit, s'installe à New York. Une mère ne souhaite-t-elle pas le bonheur de ses enfants ? Elle lui cachera sa maladie et fera tout pour que sa vie soit la plus légère possible.
Un jour, tous vont comprendre que la Terre promise est un leurre et que le bonheur est à portée de main...
Avec son écriture simple mais oh combien lumineuse et vivante, voire vibrante, l'auteur nous invite à une leçon de sagesse. Elle nous fait entrer dans l'univers de Felicia, dans un monde où on sait regarder au-delà de l'apparence et où la bienveillance paraît être la meilleure façon d'être heureux.
Ainsi, elle va par exemple aider sa grand-mère devenu acariâtre et amère, à découvrir la mer, qu'elle n'a jamais vue, ce qui éclairera d'un jour nouveau ses dernières années de vie.
Elle aidera Marianna, sa voisine à retrouver goût à la vie. Celle-ci deviendra même un véritable cordon bleu, elle qui était dégoûtée par la nourriture.
Felicia saura s'attacher au mystérieux Gabriele, échoué comme une épave sur la plage de Cagliari et tous deux vont avoir beaucoup à partager.
Par petites touches, le lecteur traverse les années qui passent. Il suit les personnages durant trois générations. Les chapitres sont courts. Chacun nous transporte dans un univers à part, auprès de personnages hors normes, qui nous dévoilent leurs failles et leur beauté intérieure.
La Sicile est bien entendu, bien présente, avec ses paysages grandioses, ses traditions et le poids de la religion.
C'est un roman court (175 pages à peine) mais intense et profondément humain. Il fleure bon l'espoir et nous permet de rêver à un monde meilleur.
Mais Felicia en était sûre : sa grand-mère avait compris que la terre promise n'était somme toute pas si éloignée de l'endroit où elle avait passé sa vie, et qu'au fond il suffisait d'un petit effort pour franchir les bornes de son univers familier et accéder à un monde extraordinaire, juste à côté.
...puisque personne ne la trouve jamais, cette terre promise, pourquoi ne pas s'arrêter en route, dès qu'on arrive quelque part où on se sent bien.