Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Le point positif quand on arrive à Taïwan, c'est qu'on n'a plus les problèmes qu'on a en France. Et quand on revient en France, on n'a plus les problèmes qu'on avait à Taïwan.
La seule véritable aventure, c'est de tout laisser. Un aller sans retour et sans savoir où l'on va. Lâcher prise, se laisser porter, abandonner toute détermination, et le plus difficile, s'y complaire. Déposer les armes devant l'angoisse des lendemains, comme un ultime combat contre soi-même.
Voici un récit autobiographique plein d'humour et qui se lit en un clin d’œil tant le lecteur est désireux d'en savoir plus sur le parcours atypique et si original de cette jeune femme dynamique qui ne manque pas de cran... l'auteur.
Un jour en effet, cette jeune enseignante de philosophie décide de tout quitter, son pays, ses amis et son métier pour partir à Taïwan étudier les mathématiques et leur histoire...en chinois !
Un défi qu'elle se lance à elle-même comme : "le sommet qui me reste alors que tous les autres ont été gravis".
Le parcours du combattant peut commencer. Charlotte devient "Jiajia", un prénom qui veut dire "bon" ou "meilleur" en chinois. Elle retrace pas à pas ses difficultés... de l'inscription à l'obtention de ses diplômes.
L'organisation de l'université là-bas est déroutante pour un étudiant habitué à l'université française. Jiajia est heureusement très adaptable. Cela tombe bien car elle découvre qu'à Taïwan c'est le plus adaptable_ en fait celui qui a la meilleure résistance nerveuse et la meilleure concentration_ qui sera récompensé par le succès. Beaucoup d'étudiants abandonnent sans que jamais personne ne se demande ni ce qu'ils sont devenus, ni pourquoi ils ont tout lâché.
Il lui faudra apprendre la langue tant écrite qu'orale, se plonger dans des livres que les autres étudiants ne regardent même pas. Elle place la barre TRÈS haut parce qu'elle doute toujours d'elle-même.
Les pensées de Dao de jing la soutiennent et la réconfortent quand tout va mal et elle nous en livre quelques-unes au fil du récit.
Jiajia reprend également confiance chaque fois qu'elle pense à Guan-gong, la seule divinité censée la protéger contre les mauvaises énergies, et les esprits malveillants, et qui doit aussi lui assurer la richesse et la réussite. Jiajia a découvert son existence en se rendant dans un temple avec un ami taïwanais. Sur le ticket rose, où se trouve la réponse de Guan-gong à ses questions, il est clairement dit que tout ce qu'elle est venue faire à Taïwan sera une réussite. Alors à quoi sert de se décourager !
Elle doit aussi s'adapter à la vie quotidienne, à la sédentarité ce qui est difficile pour une alpiniste accomplie, aux objets domestiques récalcitrants et dont le mode d'emploi est du chinois, à la chaleur et l'humidité, et aux moustiques...
Elle réussira à décrocher ses examens pas sa seule volonté et le travail incommensurable qu'elle fournira pour y arriver, s'éloignant souvent de son but, car elle trouvera peu d'aide parmi ses pairs, les autres étudiants l'ignorant et ses professeurs ne comprenant pas sa démarche personnelle.
Comment faire pour apprendre à comprendre ?
Comment apprendre à comprendre lorsqu'on croit avoir été formée à pouvoir tout comprendre ?
...
Il faut comprendre. Et surtout ne partir de rien. Effacer tout ce que je sais, tout ce que j'ai pu savoir ou cru que je savais.
Si un professeur veut garder ses élèves, il vaut mieux qu'il n'enseigne pas. Autrement dit, qu'il laisse les élèves se hisser à son niveau. Inutile de tirer sur une plante pour la faire pousser, il suffit de lui donner les conditions nécessaires, et elle poussera toute seule. Mais c'est un peu oublier qu'il faut une énergie monstrueuse pour arriver à pousser et qu'il faut se battre pour avoir sa part de terreau.
Le sage gouverne par le non-faire
Il enseigne par le non-dire
(Dao de jing 2)
J'ai trouvé ce récit littéraire brillant, à l'image de son auteur, qui est une femme admirable. J'ai aimé l'immersion dans la culture taïwanaise et les réflexions philosophiques qui étayent le récit. Ses remarques sur l'enseignement en général et celui des mathématiques en particulier, sont tout à fait édifiantes pour qui a déjà enseigné, et s'est déjà demandé pourquoi certains enfants échouent, ne comprennent pas ou s'ennuient en classe quel que soit leur âge.
Il n'est pas nécessaire d'être mathématicien pour la suivre dans son parcours, car en fait, elle nous livre davantage de réflexions que de formules mathématiques ! Elle nous décrit la démarche intellectuelle des chercheurs scientifiques, les différences didactiques entre les universités occidentales et orientales. Bien entendu, nous savons que nos deux cultures sont fondamentalement différentes mais malgré tout, nous sommes souvent étonnés de ce que l'auteur nous dévoile...
Merci à Pascaline et aux Editions L'Asiathèque de m'avoir fait confiance à nouveau et proposé cette lecture en SP. J'ai fait une belle découverte et j'ai passé un très agréable moment à lire ce récit plein d'humour...
Avec les beaux jours, on voit apparaître un étrange animal qui suscite à chaque fois la même stupéfaction : le touriste. Pourtant, j'en avais déjà vu dans mes montagnes, et même il y en avait plein et ils faisaient un peu tache dans le décor. Mais ici, c'est la rencontre du troisième type. L'homme blanc tout droit sorti du catalogue Décath', ne se sépare pas de ses chaussures de rando, du gilet et du short plein de poches, couleur camouflage, du chapeau à la Indiana Jones, des jumelles autour du cou et du sourire satisfait de l'aventurier en goguette qui pourrait croiser un autobus sauvage.
Cette dynamique et sympathique jeune femme a non seulement obtenu son diplôme de doctorat en cotutelle à Paris et à Taipei en 2012, mais a été sélectionnée à la suite d'un concours pour un poste de professeur à la National Chiao Tung University à Taïwan. Elle y poursuit son enseignement et ses recherches, qui portent sur l'histoire des mathématiques de l'Inde et de la Chine.
[Extrait de la troisième de couverture]