Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Si tant est que ça l'ait été un jour, il n'est désormais plus possible de raconter l'histoire d'une personne de manière linéaire, ou comme on dit, du berceau à la tombe. Dès que notre premier souvenir s'ancre dans notre conscience, nous cessons de percevoir le monde et de penser linéairement, nous vivons tout autant dans les événements passés que dans le présent...
Ma nourrice avait raison, elle n'avait pas eu besoin de faire de longues études pour arriver à cette conclusion qui relève du bon sens le plus élémentaire : le diable sait exactement par quelle porte entrer dans chaque être humain. S'il n'arrive pas à le posséder en jouant sur sa cupidité ou son ambition, il s'adresse à sa vanité.
Nous sommes à Reykjavik dans les années 50. Sigvaldi et Helga s'aiment passionnément. Ils décident de nommer leur deuxième fille "Ásta" qui signifie "amour" si on enlève la dernière lettre. Cela lui portera chance, pensent-ils...Mais rien ne se passera comme prévu pour le jeune couple : la vie est cruelle et l'Islande un pays rude, où le bonheur n'a pas de place.
Le roman se déroule de la conception de la petite fille à la mort de son père, pêcheur mais peintre en bâtiment saisonnier, tombé d'une échelle.
Le lecteur sait tout de suite qu'il va mourir et tandis que celui-ci raconte sa vie à une vielle dame qui l'a vu tomber et s'est penchée sur lui pour le rassurer, ses souvenirs affluent dans le désordre, et il revoit sa vie défiler devant ses yeux, son enfance et l'amour qu'il porte à son petit frère, devenu poète, les moments forts où il a été heureux, ceux où le destin s'est acharné contre lui et en particulier les erreurs qu'il a commises avec sa plus jeune fille, Ásta.
Il n'a pas été un père exemplaire, et avant ça un mari assez compréhensif. Il n'a pas senti que la vie qu'il proposait à Helga était trop étriquée pour elle, ou tout du moins, quand il l'a compris, c'était bien trop tard. Aussi lorsque, rentré de plusieurs jours en mer, il a retrouvé la maison, vide, Helga étant partie en abandonnant ses deux filles, il n'a pas réussi à s'en remettre et il a laissé à la vieille nourrice, la charge d'Ásta et à un autre couple celle de sa fille aînée. A partir de ce moment-là rien n'a plus été comme avant, même lorsqu'il a refait sa vie avec Sigrid...
Ásta vivra une adolescente difficile. Elle partira tout un été dans l'Ouest de l'Islande, dans une ferme située au bord des fjords, où Árni, le rustre fermier, accueille des adolescents en difficulté pour l'aider aux travaux d'été et aussi, garder Kristin, sa mère, qui perd la tête et se sauve parfois dans la lande et à qui il voue une tendresse sans borne. C'est là-bas, que la jeune fille rencontrera Josef et connaîtra enfin l'amour...mais comme la vie n'est pas simple c'est des années après, une fois la maturité arrivée, qu'elle le comprendra...bien trop tard elle-aussi.
Certains se rappellent avec précision le jour, l'heure, la minute voire l'instant où leur enfance a pris fin, et c'est rarement de bonne augure. Ceux pour qui l'enfance s'éloigne si lentement qu'elle ne disparaît jamais tout à fait sont nettement plus chanceux, ils continuent d'abriter au fond d'eux l'enfant qu'ils ont été.
Autrefois, Sigvaldi avait serré ce petit frère dans ses bras. La nuit où personne n'avait trouvé le sommeil parce que leur père hurlait de douleur...
Sigvaldi avait serré son petit frère contre lui, il avait embrassé ses cheveux, lui avait caressé les joues, lui avait murmuré des paroles dont il ignorait qu'il les abritait en lui...
"je veillerai sur toi, Mon petit chéri, mon petit trésor. Jamais je ne cesserai de veiller. Je viendrai chaque fois, chaque fois en courant, dès que tu m'appelleras et je te donnerai ma vie, je serai ton bouclier, mon cœur, je te protégerai de la nuit du monde. Ne crains rien..."
Je ne savais pas, dit Sigvaldi que j'aimais autant ce petit crétin !
Voilà un roman terriblement poignant, encore une fois. Mon année de lecture commence décidément très fort !
Il nous parle d'amour avec un grand A, de quête d'amour je devrai dire, aussi bien d'amour fraternel (entre Sigvaldi et son jeune frère poète), que d'amour filial, et de passion amoureuse...et de quête du bonheur. Il nous parle aussi de poésie, de théâtre et de musique.
Les paysages sont sublimes et décrits avec beaucoup de poésie...Le lecteur ressent le froid, la solitude, la profondeur de la nuit islandaise et l'urgence de vivre. Comment être heureux au milieu de ces champs de lave, même si les aurores boréales éclairent le chemin, le froid et l'obscurité sont ressentis à chaque page...
Le lecteur pénètre dans un pays encore archaïque où le contraste entre la ville et les campagnes est immense.
Les personnages sont tous différents ce qui permet au lecteur de comprendre de qui parle le narrateur. Le roman est entrecoupé de lettres d'Ásta, écrites à un personnage dont on ne comprendra l'identité qu'à la toute fin...donnant envie de les reprendre depuis le début.
D'ailleurs Ásta est un personnage particulièrement attachant. Le lecteur sait dés le début qu'elle est fragile et perturbée par son enfance. Pourtant elle a une personnalité intéressante, sensible, déterminée, et curieuse de tout mais tellement en manque d'amour et de reconnaissance qu'elle se met dans des situations difficiles, doute d'elle-même, elle qui n'a pas connue une vie de famille sereine, et met en doute les autres et leurs sentiments. Elle sera obligée d'ailleurs de délaisser elle-aussi sa petite-fille Sesselja pour poursuivre ses études et la laissera aux bons soins de Sigrid et de Sigvaldi...déchirée entre le besoin de liberté et l'amour qu'elle porte à ce petit être...
La seule chose qui peut dérouter le lecteur et explique que l'on aime ou pas cet auteur et cette lecture, est la construction vraiment compliquée...malgré les cinq parties distinctes. D'ailleurs l'auteur nous prévient dès le début qu'il ne racontera pas cette chronique familiale de façon chronologique, et évidemment nous le savons bien que ce sera parfois difficile à suivre...mais n'en est-il pas de même de nos propres pensées et de nos propres souvenirs ?
Au milieu des souvenirs de Sigvaldi, des lettres d'Ásta et de la prise de parole des personnages importants, le narrateur (l'auteur ?) intervient dans l'histoire. Il se demande s'il la raconte bien, si elle est compréhensible. Il s'est lui-même réfugié dans les fjords de l'Ouest pour l'écrire, et son voisin qui loue des maisons, le dérange souvent.
Il nous livre ses réflexions sur le monde moderne et ses dérives, la société de consommation, les méfaits du tourisme, le manque d'humanité...et son propre besoin de solitude...
Le roman est donc bâti comme un immense puzzle, dont les différents éléments vont prendre du temps pour se mettre en place...et prendre du sens...car ce n'est qu'à la toute fin du roman que le lecteur comprendra le déroulé chronologique des événements !
A noter, encore une fois l'auteur nous ravit par ses titres de chapitres à la fois philosophiques et poétiques comme par exemple...
"Il est impossible de vivre sans faire de bêtises"...
"Cette planète serait-elle habitable si les pantalons n'avaient pas de poches"...
"Nous ne tarderons plus à changer de ciel"...
"Où est mon bonheur, l'auriez-vous vu dans les parages ? Est-il caché sous le lit? "
Il faut donc choisir son moment pour le lire et savoir qu'on ne sera pas dérangé et qu'on pourra faire des pauses, au moment voulu par nous seuls.
J'ai retrouvé avec grand plaisir la plume poétique de l'auteur que j'avais découvert avec "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds", paru en 2015 et présenté ICI sur le blog.
Il est impossible de vivre sans faire de bêtises, nous en faisons tous à un moment ou à un autre, parfois, nous faisons souffrir ceux qui nous sont chers. Ce n'est pas à cela qu'il faut nous juger, mais à la manière dont nous réparons le mal que nous avons commis.
Celui qui est en vie n'est pas responsable uniquement de lui-même. C'est peut-être là le plus lourd fardeau.
Fallait-il que je meure pour te prouver que tu ne saurais vivre sans moi ?
Oui, pense Ásta, et elle pleure.
Tlivres 01/09/2020 20:35
manou 02/09/2020 16:44
Johanna 01/06/2019 04:56
Johanna 01/06/2019 04:54
Johanna 06/06/2019 07:22
manou 01/06/2019 07:54
bibliblog 04/05/2019 14:27
manou 04/05/2019 15:12
écureuil bleu 30/04/2019 11:45
manou 30/04/2019 14:02
Sigrid 28/04/2019 19:33
manou 29/04/2019 17:58
Valencroix 24/04/2019 19:32
manou 29/04/2019 17:58
zazy 24/04/2019 11:52
manou 29/04/2019 17:58
Azalaïs 24/04/2019 09:37
manou 29/04/2019 17:57
Elena800 24/04/2019 05:32
Philippe D 23/04/2019 21:25
manou 29/04/2019 17:56
Mimi 23/04/2019 17:01
manou 29/04/2019 17:55
Eve-Yeshé 23/04/2019 14:28
manou 29/04/2019 17:53
domi 23/04/2019 13:52
manou 29/04/2019 17:53
FéeLaure♥ 23/04/2019 12:37
manou 29/04/2019 17:52
dasola 23/04/2019 12:36
virjaja 23/04/2019 11:50
Maryline 23/04/2019 11:42
manou 29/04/2019 17:52
Pascale MD 23/04/2019 09:44
danièle 23/04/2019 09:23
manou 29/04/2019 17:51