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Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...

Mémoires au soleil / Azouz Begag

Seuil, 2018

Seuil, 2018

L'ignorance de mes racines m'empêchait de grandir.

Je me suis battu pour qu'elle et mon père soient nés quelque part. Depuis, j'existe. Je suis quelqu'un moi-aussi.

Le mauvais sang propage des microbes dans les vaisseaux des gens pour les empoisonner. Quand on met des mots derrière de sales choses qui se sont passées, elles reviennent. Quand on les tait, elles meurent d'oubli.

Le temps il fallait lui faire confiance, parce que "tous les chemins sont circulaires et ne mènent finalement qu'à soi-même"...

L'auteur du célèbre "Gone du Châaba, un livre autobiographique qui nous avait ravi il y a des années lors de sa sortie en 1986, et qui avait propulsé son jeune auteur sur le devant de la scène, n'avait plus rien écrit depuis 2012.

 

J'ai adoré ses nombreux écrits pour la jeunesse dans les années 1990-2000 et n'avait rien lu de lui depuis des années. C'était donc naturel que j'emprunte son dernier roman autobiographique lorsque je l'ai trouvé en médiathèque.

 

Dès le départ, le lecteur entre dans la vie quotidienne de l'auteur et en particulier la vie menée en famille, depuis que son père Bouzid est atteint de la maladie d'Alzheimer. En plus de son père, l'auteur nous parle aussi de Nabil, son frère, et de ses séjours en prison.

 

Il se souvient d'anecdotes racontées en famille, d'événements vécus et partagés, de la honte de son père d'être analphabète.

Malgré l'humour de certains passages et de certaines situations, il nous relate sa détresse lorsque son père se sauve pour rejoindre la méditerranée, et prendre le bateau pour rentrer "chez lui" et revoir ses parents, qui ne sont plus en vie depuis des années. Il habite Lyon et il met sa vie en danger  lorsqu'on le retrouve en direction de l'autoroute, sa gamelle de travailleur à la main. Heureusement, le plus souvent, il s'arrête au bar "le café du soleil" pour y retrouver ses amis. Là, au milieu de ceux qui finalement le protègent, il partage solitude, déracinement, nostalgie du pays et thé à la menthe industriel...

Tous attendent un retour au bled qui n'arrivera jamais. Ils sont  un peu fous aussi, comme le patron qui arrose son ficus en plastique tous les jours pour s'occuper. 

Alors que leur ami Bouzid ait contracté "la maladie d'Ali Zaïmeur", cela ne les émeut guère. 

 

En le ramenant à la maison, l'auteur tente de ranimer chez son père quelques souvenirs disparus, et de retrouver quelques pans de l'histoire familiale et de ses propres origines. 

Il relate alors ses voyages en Algérie, à la recherche de ses racines berbères. Mais là-bas, il n'a pas trouvé trace de ses parents, dans les villages pourtant fréquemment cités par eux dans leurs souvenirs. Ni son père, ni sa mère ne semblent avoir existé !

Les noms de personnes ou de lieux, ne sont pas forcément ceux que l'auteur croyait connaître, parce que la prononciation n'est pas la bonne et devient incompréhensible pour qui n'est pas initié. 

 

L'histoire alterne ainsi, entre le vécu du père et la recherche d'un passé qui sera englouti à jamais maintenant que la mémoire  s'en est allée pour toujours...

 

Voilà donc un roman touchant, une quête personnelle qui est celle de tous les enfants d'immigrés.

On peut considérer ce roman autobiographique,  comme la suite du "Gone du Châaba" où l'auteur nous contait son enfance dans les bidonvilles de Lyon. En tous les cas, il nous donne envie de nous replonger dans ce premier écrit et d'y redécouvrir l'importance de ces racines familiales, qui font de nous, quelles qu'elles soient, les êtres à part entière que nous sommes devenus, parce que tout simplement nous savons d'où nous venons. 

C'est un beau roman qui sonne juste, et un plaidoyer contre l'oubli qui met l'accent sur l'importance de la transmission.

C'est aussi un bel hommage au père...mais aussi à tous les exilés et déracinés qui ont été oubliés par leur pays d'origine. 

Je veux que mes enfants sachent un jour qui était leur grand-père paternel, un grand homme qui ne savait ni lire ni écrire, un sans-nom, mais qui racontait de magnifiques histoires comme aucun autre poète...

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B
Je n'ai encore jamais rien lu de cet auteur, pas même Le gone du Châaba pourtant célèbre ! Je note la référence sur ma liste !
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M
Commence par le gone du Châaba alors. Celui-ci est différent et davantage personnel...
D
Merci merci pour cet article. J'aime beaucoup cet auteur et je ne savais pas qu'il avait écrit un nouveau livre. Comme ça, je vais pouvoir l'emprunter à la bibliothèque.<br /> J'aime l'auteur et aussi le personnage. Je l'ai vu quelquefois à la télévision quand il a essayé de faire de la politique.
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M
Je préfère l'homme écrivain au politique mais ce dernier livre que j'ai découvert par hasard à la médiathèque a été une belle découverte. bises
C
je ne connais pas l'auteur merci de la présentation comme toujours formidable mais je ne vais pas lire ça pour le moment....je ne peux pas...<br /> bisous<br /> patricia
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M
J'ai voulu le lire parce que j'avais beaucoup aimé le récit où il racontait son enfance dans les bidonvilles de Lyon...comme il a de l'humour c'est touchant finalement mais bien entendu émouvant...alors je comprends. Bisous
M
Ce doit être un beau livre, mais c'est un sujet que j'évite, mon père a eu cette maladie et ce fut vraiment une dure épreuve, ne plus être reconnue par son père, c'est horrible... Alors je laisse cette case au passé. <br /> Je viens de terminer: "il était une lettre" Kathryn Hughes et j'ai autant aimé que le précédent.. <br /> Belle journée Manou!<br /> bisous
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M
Tu sais toutes les familles sont touchées j'avais 13 ans quand ma grand-mère est tombée malade et comme ma mère était fille unique, et que les maisons de retraite n'avait pas de section spécialisée, elle est venue vivre à la maison alors tu vois l'adolescence que j'ai eu mais le sujet de ce livre est davantage l'exil et le déracinement...bisous je te comprends tu vois
L
coucou bien sûr les racines sont indispensables pour bien vivre ; maintenant la disparition de la mémoire, j'y suis confrontée dans ma famille , et c'est une horreur; bisous
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M
Je te comprends...aucune famille n'est épargnée quand c'est pas une génération c'est la suivante...bisous
N
Oui, savoir d'où l'on vient et tellement important pour chacun d'entre nous. Oh! je viens de m'apercevoir que j'ai écris une phrase exactement comme Mimi, c'est fou!!! Mais je ne recommence pas mon commentaire puisque c'était aussi le mien. Gros bisous, manou
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R
Pas lu le premier et trop en attente de lecture donc...merci de ta présentation. Bisous
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M
Un livre que je lirais volontiers tant le gone du Chaaba m’avait touchée. Après avoir retrouvé le petit garçon qui était en lui, voilà Azouz parti à la recherche de son père et de son histoire. Savoir d'où on vient et qui l’on est est toujours important. Merci Manou pour cette belle decouverte. Bisous et belle journée..
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M
J'ai aimé retrouver l'auteur des années après...bisous
V
il doit être émouvant ce livre. gros bisous Manou. cathy
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C
Vaste sujet et comment trouver sa place …. il me semble qu'il doit y avoir, en filigrane, une infinie tristesse .<br /> Bon après midi Manou et gros bisous !
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M
C'est toujours triste de voir un de ses parents perdre la tête...mais la tendresse, l'inquiétude priment et il y a aussi de l'humour dans ce récit...bisous
R
I like how you summarize the story. Friendship
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D
un thème intéressant et comme toujours une bonne critique littéraire, article de spécialiste !
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E
merci, Manou, ce récit doit être très touchant
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D
Merci pour ton ressenti, c'est incroyable comme tu es rapide dans tes lectures ! bravo<br /> très belle journée et bonne semaine.<br /> bisous
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M
J'ai toujours lu au moins 3 livres par semaine sauf quand ce sont des pavés !
C
Coucou Manou<br /> Merci pour ce ressenti , et je note toujours <br /> Bises et bonne journée
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M
Merci Claudine...je note aussi et heureusement je ne lis pas tout ! Bises
É
Bonjour Manou. Je note le titre de ce roman qui doit être très émouvant. Bonne journée et bisous
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R
Superbe ce livre <br /> Merci <br /> Bonne semaine Manou
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T
Quête douloureuse de son identité ... car qui n'a pas de racine n'a pas d'avenir. C'est justement ce à quoi nous réfléchissons en ce moment ma sœur et moi, car elle travaille à construire l'arbre généalogique d'une branche de notre famille. Et "les vides" la plongent dans le désarroi. Difficile parcours de vie pour les exilés qui parfois ne connaissent même pas leur pays d'origine. Je crois qu'on ne peut pas se mettre à leur place. On ne peut pas imaginer leur détresse. Je te souhaite une bonne semaine Manou, mille bisous :-)
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M
Nous avons tous des vides...mes grands--parents sortaient d'un orphelinat tous les deux, alors tu vois je vous comprends...bisous
H
J'avais adoré "Le Gône du Chaaba" !
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M
Moi-aussi ! Et on le retrouve après toutes ces années...quelles que soient ces actions d'adulte, il a encore son cœur d'enfant
E
Voilà un sujet qui me parle beaucoup et me donne l'envie de lire ce, ces, livres.<br /> J'aime énormément l'idée que l'on puisse pousser la folie (ou la gratitude) jusqu'à arroser un ficus en plastique.<br /> Merci pour cette page.
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M
Ce côté décalé j'aime beaucoup aussi...bonne journée