Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
L'ignorance de mes racines m'empêchait de grandir.
Je me suis battu pour qu'elle et mon père soient nés quelque part. Depuis, j'existe. Je suis quelqu'un moi-aussi.
Le mauvais sang propage des microbes dans les vaisseaux des gens pour les empoisonner. Quand on met des mots derrière de sales choses qui se sont passées, elles reviennent. Quand on les tait, elles meurent d'oubli.
Le temps il fallait lui faire confiance, parce que "tous les chemins sont circulaires et ne mènent finalement qu'à soi-même"...
L'auteur du célèbre "Gone du Châaba, un livre autobiographique qui nous avait ravi il y a des années lors de sa sortie en 1986, et qui avait propulsé son jeune auteur sur le devant de la scène, n'avait plus rien écrit depuis 2012.
J'ai adoré ses nombreux écrits pour la jeunesse dans les années 1990-2000 et n'avait rien lu de lui depuis des années. C'était donc naturel que j'emprunte son dernier roman autobiographique lorsque je l'ai trouvé en médiathèque.
Dès le départ, le lecteur entre dans la vie quotidienne de l'auteur et en particulier la vie menée en famille, depuis que son père Bouzid est atteint de la maladie d'Alzheimer. En plus de son père, l'auteur nous parle aussi de Nabil, son frère, et de ses séjours en prison.
Il se souvient d'anecdotes racontées en famille, d'événements vécus et partagés, de la honte de son père d'être analphabète.
Malgré l'humour de certains passages et de certaines situations, il nous relate sa détresse lorsque son père se sauve pour rejoindre la méditerranée, et prendre le bateau pour rentrer "chez lui" et revoir ses parents, qui ne sont plus en vie depuis des années. Il habite Lyon et il met sa vie en danger lorsqu'on le retrouve en direction de l'autoroute, sa gamelle de travailleur à la main. Heureusement, le plus souvent, il s'arrête au bar "le café du soleil" pour y retrouver ses amis. Là, au milieu de ceux qui finalement le protègent, il partage solitude, déracinement, nostalgie du pays et thé à la menthe industriel...
Tous attendent un retour au bled qui n'arrivera jamais. Ils sont un peu fous aussi, comme le patron qui arrose son ficus en plastique tous les jours pour s'occuper.
Alors que leur ami Bouzid ait contracté "la maladie d'Ali Zaïmeur", cela ne les émeut guère.
En le ramenant à la maison, l'auteur tente de ranimer chez son père quelques souvenirs disparus, et de retrouver quelques pans de l'histoire familiale et de ses propres origines.
Il relate alors ses voyages en Algérie, à la recherche de ses racines berbères. Mais là-bas, il n'a pas trouvé trace de ses parents, dans les villages pourtant fréquemment cités par eux dans leurs souvenirs. Ni son père, ni sa mère ne semblent avoir existé !
Les noms de personnes ou de lieux, ne sont pas forcément ceux que l'auteur croyait connaître, parce que la prononciation n'est pas la bonne et devient incompréhensible pour qui n'est pas initié.
L'histoire alterne ainsi, entre le vécu du père et la recherche d'un passé qui sera englouti à jamais maintenant que la mémoire s'en est allée pour toujours...
Voilà donc un roman touchant, une quête personnelle qui est celle de tous les enfants d'immigrés.
On peut considérer ce roman autobiographique, comme la suite du "Gone du Châaba" où l'auteur nous contait son enfance dans les bidonvilles de Lyon. En tous les cas, il nous donne envie de nous replonger dans ce premier écrit et d'y redécouvrir l'importance de ces racines familiales, qui font de nous, quelles qu'elles soient, les êtres à part entière que nous sommes devenus, parce que tout simplement nous savons d'où nous venons.
C'est un beau roman qui sonne juste, et un plaidoyer contre l'oubli qui met l'accent sur l'importance de la transmission.
C'est aussi un bel hommage au père...mais aussi à tous les exilés et déracinés qui ont été oubliés par leur pays d'origine.
Je veux que mes enfants sachent un jour qui était leur grand-père paternel, un grand homme qui ne savait ni lire ni écrire, un sans-nom, mais qui racontait de magnifiques histoires comme aucun autre poète...