Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Toutes ces années où je croyais n’avoir cherché qu’un père, je n’avais pas senti l’absente sur chaque photo. Il manquait quelqu’un. Il manquait Elle, la petite fille. On l’avait effacée et je n’avais rien remarqué. Ni vue ni connue. Seul le regard de ma mère aurait dû m’alerter. Je croyais que l’ombre à l’intérieur de ses yeux n’était que mon triste reflet.
Lina réunit ses trois fils pour leur révéler un terrible secret qu'elle leur a toujours caché...
Après la naissance d'Eric, son fils aîné (l'auteur), elle a eu une petite-fille que sa mère l'a obligée à abandonner dès l'accouchement. Elle ne s'en est jamais remise.
A partir de cette révélation, rien ne sera plus comme avant pour Eric...
Il cherchera à comprendre pourquoi il a passé sa vie à rejeter une mère qui était toujours absente, partie ailleurs ou qui, même lorsqu'elle était là, était lointaine et jamais prête à des manifestations de tendresse.
Il voudra aussi savoir pourquoi il éprouve lui-même si peu d'empathie pour elle, et a toujours eu avec elle des relations si compliquées. Il pense qu'il n'est pas prêt à lui pardonner son enfance blessée...une enfance où il a vécu tous les jours dans l'angoisse d'être abandonné. Et pourtant...
Son envie irrépressible d'explorer le passé, va l'emmener jusqu'à Nice, le lieu de sa naissance. Lina, âgée de seulement 17 ans est venue ici, le mettre au monde, loin de sa mère qui désirait avant tout cacher sa honte à ses connaissances.
Là, elle a dû se débrouiller toute seule dans cette ville inconnue, attendre le jour de l'accouchement dans l'angoisse, car elle ne savait rien de ce qui allait lui arriver, puis accepter qu'on lui arrache son bébé, quelques jours à peine après sa naissance, pour le donner à une nourrice afin qu'elle puisse regagner sa maison "comme si rien ne s'était passé".
Mais Lina n'acceptera pas ce que lui impose sa mère, elle se battra pour récupérer son fils...ce qu'elle n'arrivera pas à faire trois ans plus tard à la naissance de sa petite-fille. Elle en sera brisée.
L'auteur nous livre ici un roman autobiographique intimiste qui sonne juste, mais qui m'a cependant beaucoup moins touchée que "L'homme qui m'aimait tout bas", où il nous parlait de son père (en fait de "ses pères").
Alors que j'ai adhéré totalement au début du livre et beaucoup aimé la toute fin, ses déambulations dans les rues de Nice m'ont paru fort longues. Totalement imaginées par l'auteur à qui sa mère n'a jamais rien raconté, j'ai décroché plusieurs fois au cours du récit...
Même si la recherche de ses origines lui permet de mieux comprendre celle qui, alors âgée à peine de 17 ans l'a mis au monde, même si ce qu'il découvre bouscule ses certitudes d'avoir été mal-aimé, s'il s'aperçoit que derrière sa mère, cette inconnue, il y a aussi une petite-fille à qui on a volé son enfance, qui a elle-aussi, été abandonnée par un père parti sans dire au revoir pour l'autre bout du monde... trop d'errance m'a perdu, si je puis dire.
Au delà de ce ressenti très personnel, c'est un roman très fort et bien écrit.
L'auteur est totalement dans le fantasme, puisque sa mère ne lui a rien dit de ses moments passés à l'attendre. Il imagine ce qu'il s'est peut-être passé, ce qu'elle a pensé, là où elle est allée, et comme il n'a jamais interrogé sa mère à ce sujet, il lui invente une histoire...vraie ou pas n'est pas le problème finalement pour lui, ce qui compte, c'est sa quête d'identité.
L'histoire de Lina, m'a terriblement touchée en tant que femme. Elle a été complètement brisée par une éducation trop rigide et étouffée par la religion et la bienséance. Beaucoup de familles ont ainsi détruit leurs filles, devenues mères trop jeunes et avant le mariage.
C'est une époque qui a existé et cela montre bien le chemin parcouru par les femmes pour conquérir leur liberté, le droit de disposer de leur corps, d'être mère si elles le veulent et quand elles le veulent, et pour celles qui ne le veulent pas, d'accéder à une contraception quel que soit leur âge.
Un combat qui ne peut que nous toucher car être "fille-mère", comme on le disait dans les année 60, c'était tout simplement un scandale que les familles cherchaient à étouffer au plus vite. Il ne faut pas oublier que les préjugés, aggravés par la religion, ont fait beaucoup de mal autour d'eux, et ont brisé de nombreuses familles.
Eric Fottorino est un auteur qu'il faut lire pour la sincérité de ses propos et le courage dont il fait preuve pour oser dire à sa mère qu'il ne l'aime pas, alors qu'il a été à la recherche de son amour toute sa vie... les retrouvailles du coup, font chaud au cœur.
...je m'étais sorti de tout. Pas de l'éloignement. Un désamour tenace envers cette petite femme que j'avais longtemps appelée par son prénom, Lina. Dix fois par jour, j'oubliais que j'étais son fils.
On s'en est sortis vivants, Lina et moi. Vivants, pas indemne. Dans mon cœur, une statue de pierre est toujours debout, raide et menaçante.
Je pense à cette expression, "une femme attend son enfant". Mais l'enfant est déjà là, blotti en elle. C'est lui qui attend sa maman. Moi, je t'attendais. Tu n'es jamais venue.
Les secrets trop bien gardés sont comme des cartouches dans un stylo d'enfant. Quand ils éclatent, une encre sombre s'écoule et ça ressemble à du sang.
Le résultat est là. Tu me manques depuis toute la vie.