Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Les cimes enneigées dominaient une forêt millénaire, surgissant comme des lames opaques d'un épais tapis d'arbres. Elles faisaient penser aux géants de la mythologie, elles vous obligeaient à lever la tête, avec une sensation de vertige dans l'âme. Au fond des sous-bois, entre les pins des Alpes et les ronciers de myrtilles, jaillissaient des torrents aux eaux transparentes qui s'écoulaient avec agilité entre les rochers, les stalactites et une mousse odorante...
Voilà un thriller qui nous fait voyager en Italie, et nous emmène au fin fond d'une vallée de montagne, dans le petit village fictif de Travesi, resté longtemps loin de tout.
Là, les habitants savent garder les secrets, c'est le moins qu'on puisse dire, et ils savent même les enfouir au plus profond de leur mémoire durant des décennies...
Mais lorsqu'un habitant du village est retrouvé mort, dans des circonstances mystérieuses faisant l'objet d'une mise en scène particulièrement énigmatique et morbide, le froid des montagnes et la peur s'installent rapidement parmi eux...
Teresa Battaglia, la commissaire chargée de l'enquête, va devoir mener ses investigations toute seule, heureusement aidée par une équipe qui, malgré ses remarques acerbes et son caractère acariâtre, lui voue une indéfectible fidélité.
Seul, le petit nouveau Massimo Marini, a du mal à s'y faire mais, il saura découvrir les failles qui expliquent pourquoi Teresa est une personne pourtant forte et indépendante, mais que l'on a très envie de protéger...
Dès le départ, Teresa est persuadée qu'elle doit faire face à un tueur en série et cherche à dresser son portrait psychologique. Mais lorsque d'autres victimes sont découvertes, encore vivantes, elle doit se rendre à l'évidence : elle a fait erreur sur toute la ligne. Il ne s'agit pas d'un tueur !
Mais le savoir ne lui simplifie pas du tout la tâche, au contraire, et vous ne découvrirez qu'à la toute fin du roman qui est le coupable...
Lucia craignait ce moment : c'était l'heure où les fantômes faisaient leur apparition dans le bois. Elle avait dit à sa mère qu'il était arrivé quelque chose en lisière de la forêt de pins, mais cette dernière ne l'avait pas crue.
Le suspense est donc maintenu jusqu'au bout, même si nous nous doutons bien, en tant que lecteur, que les indices semés sur notre chemin seront tous utiles pour la compréhension de l'histoire, nous n'en devinons pas pour autant les zones d'ombre.
Les chapitres sont courts et les époques alternent.
D'abord le récit des événements d'aujourd'hui nous permet de participer à l'enquête, ensuite la voix-off de l'assassin nous fait entrer dans son état d'esprit. Puis nous faisons quelques sauts dans les années 80, dans une cabane située au cœur de la forêt de Travesi, mais là, chut...je n'en dirai pas plus. Et enfin, nous nous rendons fréquemment en Autriche, durant les années 70. Là, le lecteur se retrouve plongé dans l'ambiance glauque d'une mystérieuse école où sont menées des expériences secrètes...Les personnes qui y travaillent, sont tenues d'obéir sans discuter à cette simple devise : "Vois. Observe. Oublie."
L'effet est immédiat : le lecteur a envie de tourner les pages pour savoir ce qui se passe dans l'époque qu'il vient de délaisser !
Les personnages sont plutôt sympathiques. Teresa qui apparaît comme quelqu'un de détestable a priori, s'avère être passionnée par son travail de commissaire. Elle est d'une grande empathie pour les victimes. Le regard qu'elle porte en particulier sur les enfants et leur mode de survie m'a beaucoup touché.
Le jeune Massimo en fait trop pour se faire accepter par l'équipe mais on voit bien qu'il est tombé sous le charme de sa supérieure. Il en devient touchant lui-aussi.
C'est de plus un roman qui aborde plusieurs thèmes intéressants et souvent douloureux, comme la maltraitance, la solitude, l'absence d'amour parental, l'importance du groupe chez les enfants et d'un modèle à imiter, la solidarité...et qui nous montre que les bourreaux sont souvent aussi des victimes.
Le style est proche des romans nordiques. On y retrouve une certaine lenteur et une ambiance glaciale.
C'est un roman psychologique que j'ai lu avec plaisir.
Il m'a manqué cependant, un petit quelque chose que je n'arrive pas à définir pour en faire un coup de cœur. Quelques maladresses ou incohérences, peut-être un problème de traduction (des ronciers de myrtilles ça existe ?) ou trop de découpages peut-être, qui m'ont empêché d'entrer totalement dans l'ambiance. J'ai eu l'impression par moment de rester trop en dehors de l'histoire, à d'autres d'y être en totale immersion...mais pas de quoi faire des cauchemars tout de même, je vous rassure.
Peut-être ces individus-là perçoivent-ils le monde mieux que moi, fit-elle dans un murmure. Ils voient l'enfer que nous avons sous nos pieds, alors que nous autres, nous ne voyons que les fleurs qui poussent sur la terre. Leur passé les a privé d'un filtre qui, au contraire, nous a été transmis.
Les voix des victimes l'accompagnaient à tous les instants de la journée et, dans la noirceur de la nuit, elles s'élevaient avec plus de force. Elles ne lui permettaient jamais de se reposer, tant que le coupable ne serait pas démasqué et que ce cercle de mort ne serait pas brisé.
La vie faisait peur, quand on regardait en face ce qu'elle pouvait être vraiment, mais elle demeurait sacrée, inviolable, une aventure extraordinaire qu'il convenait d'affronter avec le cœur battant à tout rompre et un sentiment d'émerveillement qui ne pouvait s'éteindre, même devant la douleur la plus déchirante.
Je remercie Babelio de m'avoir proposé ce thriller dans le cadre d'une Masse critique exceptionnelle...
Cela m'a permis de découvrir ce jeune auteur.
Je lirai ses prochains romans avec plaisir puisque d'après ce qui est annoncé, celui-ci n'est que le premier opus d'une série, dont les différents tomes se liront séparément, et qui tournera autour de la formidable Teresa, cette héroïne si surprenante, mais si humaine et emplie d'empathie, qu'elle en devient au fil des pages, très attachante.
Ce jeune auteur qu'on appelle déjà en Italie la "Donato Carrisi au féminin" est donc à suivre...