Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Aussitôt, elle revoit des bribes de sa vie, par flashes. Elle, enfant, courant dans les rues du village où vivait la mère de son père ; les beignets scintillants de sucre ; et le petit jardin tout éclaboussé de soleil, où bourdonnaient des guêpes ivres de figues.
Elle chasse ces images du temps d'avant, du temps de l'insouciance et des rires. Même les souvenirs heureux sont dangereux, à présent.
Rage n'a pas de nom, pas de passé. En fait elle voudrait tout oublier de ce qu'elle a vécu.
Elle a été arrachée aux siens et à sa terre natale.
Elle a connu la violence, la guerre, l'exil et la solitude et maintenant qu'elle est arrivée en France, elle tente de survivre.
Sa route croise celle d'Artémis, une adolescente qui comme elle, est marquée par son exil.
C'est Artémis qui l'a baptisée "Rage", car elle a compris qu'elle était emplie de...colère et de rage.
Artémis la protège, tente de l'aider à s'intégrer, l'emmène à une fête. Mais Rage s'y sent mal et se sauve.
C'est ce soir-là qu'elle trouve dans le jardin un chien gravement blessé, le pelage tâché de sang.
Alors sans réfléchir, elle n'a qu'une idée en tête, le sauver à tout prix de son bourreau, car ce chien de combat, censé être dangereux, qui la regarde si intensément, a été comme elle maltraité, et a réussi à s'enfuir...
Une pensée étrange lui vient : ce qui sépare le plus deux êtres humains, ce n'est pas l'âge, la langue, la fortune ou la culture.
Ce qui les sépare le plus, c'est la souffrance qu'ils n'ont pas partagée.
Voilà un roman poignant pour adolescent d'un auteur que je ne connaissais pas du tout.
L'écriture est incisive (100 pages à peine pour décrire l'indicible) mais intense et toute en finesse.
En ne nous disant rien des origines de cette jeune fille, l'auteur nous permet de mieux la comprendre.
En faisant le parallèle entre ce chien de combat maltraité par son maître et cette jeune fille, exilée malgré elle, et qui a perdu tous les siens, l'auteur nous touche de plein fouet...
L'histoire ne s'attache pas au passé que nous découvrons par petites touches pudiques, mais bien au présent, à la nécessité de se reconstruire, aux problèmes liés à l'intégration et à la difficulté de faire à nouveau confiance aux autres.
C'est un roman toujours d'actualité hélas, mais qui pose bien le problème de la survie quand l'enfance a été marquée par tant de souffrance.
Toute une génération meurtrie, une jeunesse perdue et déracinée, sans repères, qui en fait apparaît ici pour nous adultes, même si le roman est porteur d'espoir pour les jeunes, comme un véritable gâchis.
Il ne fait rien pour l'interrompre. Il se gare juste le long du trottoir. Lorsqu'elle se tait, le souffle court, il secoue la tête avec douceur.
- Tant qu'on est vivant, on est vivant, dit-il. Tant qu'on respire, on a une chance...
Voilà encore un roman lu qui, sans le faire exprès, entre dans le challenge de Philippe, "Lire sous la contrainte".
Le titre du roman devait être...