Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
J'ai peur, je me sens seule, je ne comprends rien. A la marche du monde, à l'absurdité du comportement humain, aux erreurs que l'on répète, à notre incapacité à aller vers ce qui nous fait du bien, aux gens qui s'aiment et qui se quittent.
Le pire m'arrive toujours. S'il y a une seule araignée dans une forêt, elle est capable de devenir venimeuse rien qu'en me voyant.
Comment s'aimer quand on n'a jamais été aimé ou qu'on n'a jamais eu un père ou une mère pour nous le dire ou nous le montrer ?
En apprenant à le faire soi-même...nous dit l'auteur !
C'est le terrible sujet de ce roman autobiographique qui se dévore d'une traite.
Babelio me l'a proposé lors d'une Masse Critique exceptionnelle et je n'avais pas grand chose à faire ces derniers jours hormis me promener, jardiner, rêver ...et lire !
Une belle découverte pour moi qui n'avait jamais rien lu de l'auteur alors qu'elle a déjà plusieurs livres à son actif...et a beaucoup écrit sur les femmes.
Parfois j'ai besoin de me rassurer. Quand ma tête est défaite, je me parle comme à une enfant, puisque tu ne l'as pas fait. Je me prends par la main, je prononce les mots que j'aurais aimé entendre de toi...
Enaid est journaliste...
Elle est en Pologne, dans le taxi qui la conduit à une conférence sur les Droits des femmes et c'est ce moment-là précisément, que son ami qu'elle fréquente depuis plusieurs mois, choisit pour rompre, par téléphone !
La conférence se passe non sans difficultés pour elle...la réalité la rattrape : encore une fois la loi de Murphy a frappé.
Vous savez c'est cette loi qui fait que lorsqu'on tombe la tartine de confiture, c'est toujours du côté de la confiture qu'elle atterrit ! C'est la malchance donc que l'on appelle aussi dans le langage populaire "la loi de l'emmerdement maximum".
Lorsqu'Enaid rentre à l'hôtel, le téléphone sonne...cette fois c'est sa mère qui lui annonce qu'elle est en soins palliatifs. Elle ne l'a pas vu depuis près de 30 ans et elle la réclame à son chevet.
Les souvenirs remontent à la surface...
Avec beaucoup de justesse et de réalisme, sans mots superflus, l'auteur nous conte alors son histoire (Enaid est l'anagramme de Diane).
Vous lecteurs, êtes pris au piège et vous n'aurez qu'une seule hâte, celui de poursuivre votre lecture, pour savoir pourquoi le sort s'acharne ainsi sur Enaid...
C'est pourtant une jeune trentenaire charmante et qui a tout pour être heureuse : elle est intelligente, jolie, drôle. Elle est très connue dans les médias ainsi qu'auprès des femmes qui boivent ses paroles et suivent ses conférences. Elle n'a pas peur de l'autocritique et sait faire preuve d'empathie. En plus elle nous amuse par ses réflexions emplies d'humour mais finement observées, à propos des hommes en général, et de son incapacité à les garder.
L'histoire devient plus grave quand elle nous décrit son enfance d'enfant abandonnée par ses deux parents. Jean est un père aventurier et volage, qui voyagera beaucoup et disparaîtra de la circulation assez vite. Léna est une mère considérée comme incapable de s'occuper de sa petite fille. Elle sera déchue de ses droits parentaux, car travaillant la nuit comme hôtesse et se prostituant à l'occasion...
Recueillie par des grands-parents distants (elle apprendra plus tard qu'eux-même n'ont pas connu leurs propres parents), Enaid vit complètement "cloîtrée", sans amis, tant ils sont inquiets de ce qui pourrait lui arriver. Ils ont surtout peur qu'elle suive l'exemple de sa mère.
Dans leur quête incessante pour la protéger, ses grands-parents décident de lui faire faire de l'équitation et la toute jeune fille va vivre-là ses meilleures années, entourée par des gens aimants et différents, car gays, dont la présence bienveillante rassure la grand-mère...
Mais Enaid subit un grave accident lors d'une compétition. Sa vie bascule alors, car sa simple fracture de la cheville devient pour elle un véritable parcours du combattant quand des années après, les spécialistes découvriront qu'une infection interne s'est propagée et a détérioré l'articulation, infection passée inaperçue car la douleur occasionnée était bien moindre que celle liée à la vie quotidienne de la jeune fille...
Sera-t-elle condamnée à se tenir à jamais sur un pied comme un flamant rose ?
Entre-temps, la famille a quitté Paris pour Biarritz, où Enaid termine ses années lycée. Surdouée, elle a sauté deux classes, n'a aucun mal à suivre ni à réussir ses examens alors qu'elle fait constamment la fête. Elle découvre l'Espagne, ses plaisirs, sa liberté et ses boîtes de nuit tenues par l'ETA. La drogue semble y être distribuée avec largesse et la jeune fille y succombe. Elle se cherche et veut désespérément combler un vide et être aimée à tous prix. C'est l'adolescence et ses excès !
Après bien des bêtises et des péripéties, que je ne vais pas vous raconter en détails pour vous laisser les découvrir, Enaid repart pour Paris pour poursuivre ses études. Tombée amoureuse de son professeur, un bel italien qui lui donne des cours particuliers, elle va vivre à nouveau l'enfer. Il est bipolaire...
Comment est-ce possible que la loi de Murphy s'acharne ainsi contre elle ?
Il faudra bien qu'encore une fois même au fond du gouffre, Enaid trouve la force de se relever, car c'est une battante et elle va devoir puiser au fond d'elle-même le courage nécessaire pour s'en sortir...
Mon avis
Voilà un récit romancé raconté tout en pudeur et de façon totalement linéaire (sauf le début qui plante le décor de l'histoire et situe la jeune femme dans sa vie adulte d'aujourd'hui).
"Les événements du livre sont vrais, mais mon regard est romanesque" confie l'auteur lors d'un interview accordé au Journal Grazia.
L'histoire est émouvante, révoltante, drôle selon les moments. On sent que l'auteur parle avec sincérité et ne cache rien de ses faiblesses, de ses manques, de ses ressentis...
On se demande tout de même comment autant de malchance, peut se concentrer sur une seule et même personne.
Enaid n'a pas peur des épreuves qu'elle traverse même si certaines sont traumatisantes et si au cours du roman on la sent souvent fragilisée, voire dépressive. Elle lutte, elle se bat, elle ne baisse pas les bras...c'est sa force !
L'auteur sait employer les mots justes pour nous faire passer du rire aux larmes. La fin est tout à fait poignante et les mots qui se libèrent enfin, laissent espérer pour elle, un parcours de vie plus apaisé et empli d'optimisme, car cette jeune femme malgré sa fragilité apparente a tout d'une guerrière.
Le parallèle avec le flamant rose si fragile sur ses jambes et qui pourtant malgré tout se déplace avec beaucoup de grâce et une certaine dextérité, est tout à fait remarquable.
Ce roman à la couverture si douce et poétique, n'a rien d'un roman feel-good comme certains pourraient le croire. S'il est empli d'humour, il est aussi très profond et constitue une réflexion remarquable sur les relations humaines modernes, comme par exemple la difficulté à s'engager de certains jeunes couples. Il donne envie de lutter, de changer le cours du destin, de ne jamais baisser les bras.
De ces propos emplis d'humanité se dégagent une grande force et une sincérité qui ne pourra que vous toucher. Les accidents de la vie sont inévitables, mais ils peuvent devenir notre force et nous permettre d'avancer si on les accepte et qu'on décide de continuer malgré tout à vivre. Tout est en fait question de regard...
Merci à Babelio et à l'éditeur de m'avoir permis de découvrir cet auteur que je ne connaissais pas en tant que telle...
Une belle découverte !
Pourquoi devrais-je l'accepter, cet impossible qu'un autre a décrété ? Qui a le droit de poser une limite à mon existence, à ce que je souhaite être, en se basant sur ses seules connaissances ? Ce qui me fait si mal, ce n'est pas seulement ma cheville, c'est que j'ai cessé d'être libre en subissant ce mot : "impossible".