Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
"Tu fais ce que tu veux, mais c'est complètement con."
Typique : notre mère tient à ce qu'on ne la confonde pas avec aucune autre mère, qu'on ne la confonde avec personne. Alors elle n'interdit pas. Elle donne son avis...
Au lendemain de la mort de leur mère, trois sœurs se retrouvent pour préparer les obsèques. Cela fait des années qu'elles n'ont plus grand chose à se dire, malgré le repas annuel durant lequel elles tentent de se retrouver.
Vider l'appartement, se partager des objets, trier, jeter, entrer dans l'intimité de cette mère inconnue et finalement, faire ce qui était défendu jusque-là : ouvrir les tiroirs, les armoires, les lettres...
Ce sont des moments très éprouvants pour les trois sœurs qui réagissent chacune à leur manière !
Anne, Hélène (la narratrice) et Emilie ne peuvent se soustraire à la présence pesante de cette mère qui n'a pas su leur manifester l'amour qu'elle leur portait.
C'était une mère tyrannique et égoïste, fantasque même par moment, une mère despote et cruelle parfois.
Elle leur avait imposé à chacune une couleur fétiche pour leur habillement.
Le bleu...c'était pour Anne, l'aînée.
Est-ce pour cela qu'elle est devenue froide et distante en grandissant, a toujours su garder ses émotions et ressentis pour elle, et s'est enfuie pour vivre aux Etats-Unis sans jamais pour autant renier ses responsabilités ?
Le marron...c'était pour Emilie, la plus petite.
Est-ce pour cela qu'elle est devenue triste et dépressive, fragile et mal dans sa peau.
Elle a toujours pensé (et cru) que personne ne l'aimait !
Pourtant c'était une enfant très gaie. Maintenant, devenue adulte, elle pleure pour un rien, et a une sensibilité à fleur de peau.
Quant à Hélène, elle a eu la chance d'hériter d'une couleur chatoyante et changeante...le violet.
Ces couleurs imposées par leur mère ont-elles changé leur caractère ? Hélène est persuadée que oui...
Mais cette mère qu'Hélène a surnommé méchamment "ma connasse de mère" quand elle en parle à ses connaissances, évitant ainsi d'entrer dans les détails de sa vie et de ses problèmes, et surtout de parler de son enfance, elle a su leur donner envie de construire leur vie, de devenir indépendantes.
Hélène la croyait increvable. C'est bien connu, la "méchanceté ça conserve" disait-elle à qui voulait l'entendre, mais le jour où elle n'est plus là...plus rien n'est pareil et les trois sœurs malgré leur cinquantaine passée, sont totalement perdues.
C'est seulement à la mort de David Bowie quelques temps avant la mort du père qui les quittera un an tout juste après leur mère, que les souvenirs d'une enfance heureuse, de moments partagés entre sœurs, et d'une complicité tombée dans l'oubli, referont surface.
Pourquoi David Bowie ? Parce que Anne l'aînée a su ainsi se démarquer de la famille et de ses goûts pour la musique classique, en aimant autre chose. Elle avait pourtant tendu la main à Hélène pour l'inviter à s'affranchir elle-aussi de l'autorité maternelle. Mais Hélène n'a pas su ou pas voulu en profiter.
Voilà un roman très intimiste qui est forcément, d'après moi, en partie autobiographique. Il montre bien la complexité des liens familiaux.
Beaucoup de fratries se délitent au fil du temps même lorsque les différents membres ont des souvenirs d'enfance communs heureux, et en particulier quand les parents ne sont plus là.
Personne n'est obligé d'aimer ses parents, ce qui ne nous empêche en rien de nous construire et d’honorer leur disparition.
Enfin, ce roman montre qu'il n'est pas facile de s'aimer, de se parler, de se comprendre car tous les membres d'une famille sont des êtres différents, même s'ils ont reçu la même éducation et ont les mêmes parents.
Je ne suis pas arrivée à entrer complètement dans ce roman pourtant écrit avec des mots simples et beaucoup de justesse. Je me suis trouvée un peu en-dehors, non pas en position de voyeur, mais plutôt comme si j'écoutais une amie me parler de son enfance, de ses parents et de sa famille avec des mots très durs, crus voire choquants, que moi-même je n'ai jamais employés pour parler de ma propre mère, ni même jamais seulement songé à employer.
Du coup en restant au-dehors, j'ai été peu touché par les personnages et davantage par certaines situations qui ont pour moi un petit air de vécu.
Heureusement, il y a des moments drôles dans ce roman, d'autres très réalistes comme par exemple les différentes réactions de chacune des sœurs au moment des obsèques et du tri de l'appartement, et devant cette impression de violer un interdit quand on ouvre les armoires ou les tiroirs. Qui n'a pas vécu cette sensation en vidant la maison de ses parents ?
Mais malgré ses côtés positifs et les sujets qu'il aborde avec réalisme, je ne crois pas que je garderai un souvenir impérissable de ce roman.
Il a cependant un intérêt indéniable à mes yeux : il peut aider des personnes à faire leur deuil de leurs propres parents et ça c'est important.
La mort de David Bowie est une mort idéale, n'est-ce pas, nette, immatérielle, pas besoin de tableau Excel, pas d'administration, pas d'appartement à vider, ni de contingences autres, toutes ces choses qui, je le sais à présent, relèguent à plus loin, à plus tard, la vivacité de la douleur.
Aujourd'hui nous avons plutôt des expressions, de petits signes de reconnaissance glanés au long de nos propres vies...
Et je vais vous dire : chaque fois que j'entends l'une ou l'autre prononcer son mot, son expression, il me vient comme une évidence que les enfants uniques sont terriblement à plaindre.
Ce roman entre encore dans le challenge de Philippe "Lire sous la contrainte...Le titre du livre devait contenir le son "è".