Les livres et moi, mes coups de coeur, mes découvertes, mes créations ou mes voyages : intellectuels, spirituels, botaniques ou culinaires...
Peut-on mourir d'avoir été abandonné ?
Zâl a fui la Suisse pour devenir "slacker" (funambule donc). Il a vécu toute son enfance au Manoir, un orphelinat de luxe et n'a qu'un très vague souvenir de sa mère.
Le voilà sur son fil, tendu, au bord du lac de Constance, en train de danser avec ses oiseaux apprivoisés, qui lui obéissent au moindre sifflement, entrent et sortent de leur cage, tandis que lui, évolue sous les étoiles et que les spots éclairent sa silhouette filiforme en contre-jour.
En bas, quelques spectateurs applaudissent... Parmi eux la petite Téa qui a fui un beau-père violent et est tombée amoureuse de Zâl, mais lui ne le sait pas encore, et Andras, fils d'un facteur d'orgue, qui porte un lourd passé, car il est hanté par sa Hongrie natale.
Qui font-ils là ?
Est-ce seulement le hasard qui a mis Andras, sur la route de Zâl ?
Parfois la scène est plus ancienne, moins précise, un tank à étoile rouge roule sur un pont de fer dans un fracas d'enfer, la tourelle du canon semble suivre le moindre de ses mouvements et il court sur ses jambes d'enfant vers la rive alors que le char s'embrase et bascule dans le fleuve.
Il y a si longtemps, l'été 1989, vingt-cinq ans déjà, le 18 août exactement. Comment oublier cette nuit des barbelés, comme la baptisèrent les journaux de l'Ouest, au coude à coude avec des centaines de Hongrois et d'Allemands, fuyant l'Est par la ville de Sopron sur la frontière austro-hongroise, avec balluchons de misère et carrioles à bras...
Quoi qu'il en soit, ils vont se retrouver tous les trois réunis dans le camion aux oiseaux et en route pour Budapest. En chemin, ils feront halte à Salzbourg pour un nouveau spectacle...
Ils ont en commun d'avoir un immense désir d'y voir clair dans leur vie, d'affronter les fantômes du passé et de savoir quel avenir les attend.
A Budapest, tandis que toute la jeunesse européenne se regroupe pour le Grand Festival d'été sur les îles du Danube, la route de Zâl croise celle des migrants venus jusque-là pour fuir une mort certaine.
Tandis que ces derniers tentent de survivre, tout en échappant aux camps, Andras se souvient des années noires de sa jeunesse dans une Hongrie dévastée par les extrémismes...
Dans une maison bleue au toit pentu adossée à une église en béton blanc, deux adultes du siècle dernier et deux enfants dans leur époque respirent le même air étouffant d'un mois d'août autrichien. Ils ajustent leurs histoires par bribes comme on cherche les pièces éparpillées d'un puzzle...aucun ne voudrait rompre l'équilibre en dents de scies qui les rapproche et les lie.
C'est un roman initiatique très fort comme seul Pavloff peut en écrire. Tout est dans le non-dit...et dans la poésie du texte.
La confrontation des différents points de vue des deux générations est riche en enseignement. Tous sont en quête de quelque chose qui changerait leur vie.
Les jeunes ne désirent que vivre pleinement et oublier leur passé. Zâl sera rattrapé par le sien et finalement en sortira grandi.
Andras à l'inverse, plie sous le poids de ses souvenirs qui l'étouffent, l'empêchent d'être heureux et de profiter de l'instant présent. Il perdra un peu plus chaque jour de ses certitudes et sera prêt à s'ouvrir au bonheur à nouveau.
Quant aux migrants, on le sait déjà, mais Pavloff nous le démontre à sa façon, ils sont prêts à tout pour survivre et atteindre enfin l'eldorado_un pays d'accueil, mais c'est la solitude et la pauvreté extrême qui les attend...
Du grand Pavloff, juste et profond qui doit nous faire réfléchir, comme l'avait fait "Matin brun" lors de sa sortie et en prime avec des personnages attachants et très humains.
Un livre lu grâce à Zazy qui nous l'a présenté sur son blog...et dont je vous invite à lire la chronique ci-dessous.
Franck Pavloff - La nuit des enfants qui dansent - ZAZY - mon blogue de lecture
La nuit des enfants qui dansent Franck Pavloff Editions Albin Michel Août 2017 281 pages ISBN : 9782226399038 4ème de couverture : Ils se rencontrent à la frontière autrichienne. Zâl va en éq...
http://zazymut.over-blog.com/2017/10/franck-pavloff-la-nuit-des-enfants-qui-dansent.html
Non loin du camion où ils reposent, à l'entrée du parking du parc, des hommes et des femmes épuisés, des enfants en sueur, s'accrochent à ce que chaque jour leur octroie de survie. Leur passé est enfoui dans les ruines d'Alep et ils rêvent d'un avenir à Berlin. La peur au ventre avec leurs sacs troués, leurs vêtements d'emprunt, leurs regards de réfugiés, ils piétinent le sol de l'Europe frileuse dont la Hongrie est le symbole. Ils sont le présent douloureux du monde.